Extrait de l’entretien donné par Mgr Brunin dans Paris Normandie :
Ces derniers jours, à l’approche de Noël, la polémique a été relancée sur la présence de crèches dans des lieux publics. Des voix s’élèvent pour les interdire au nom de la laïcité. Pensez-vous qu’il faille repenser le modèle français de la laïcité ?
« C’est d’abord saugrenu que ce qui rappelle un événement heureux – prince de la paix pour nous autres catholiques – sépare. Qu’on se déchire dans la crèche est vraiment un paradoxe. Plus largement, quand sera-t-on enfin sérieux ? Aujourd’hui, on a un rapport hystérique à la laïcité dans notre pays. Je regrette que des personnalités politiques qui ont autre chose à faire et d’autres projets à porter puissent s’épuiser dans des débats qui divisent. Les clivages s’accentuent. Les évêques de France ont publié un document sur la nécessité de refonder le politique. Nous faisons le constat que nous sommes dans une société violente, de plus en plus segmentée. Il est de plus en plus difficile de vivre ensemble, de trouver un destin commun. Les gens ne se supportent plus. Que des politiques se servent de ces clivages et les accentuent en brandissant l’étendard de la laïcité est inacceptable. On attend mieux des politiques et je suis sévère à l’égard de celles et ceux qui instrumentalisent ces peurs et utilisent cette incapacité qu’ont certains à se comprendre et à se rencontrer. Cette histoire de crèches est l’un des symptômes d’une laïcité malade. Aujourd’hui, on a à retrouver une communauté de destin. J’en ai fait l’expérience pour avoir été sept ans évêque de Corse. Cette île a connu, et connaît encore, des événements racistes. C’est l’honneur du politique que d’aider les gens à se parler pour redécouvrir qu’ils ont une communauté de destin ».
L’IVG s’est invitée dans le débat entre les candidats de la primaire de la droite et du centre. Pourquoi selon vous ce débat revient-il, quarante ans après la loi Veil ?
« En 1975, Mme Veil, à travers sa loi, voulait légaliser l’avortement pour mettre fin à des pratiques et des drames humains. Cela encadrait la possibilité pour une femme de recourir à l’avortement, cela fixait des limites… Or aujourd’hui, ces limites sont dépassées par une sorte de subterfuge. En présentant l’avortement de façon exclusive comme un droit pour la femme à disposer d’elle-même, un droit individuel qu’elle veut faire reconnaître… Du coup, on banalise l’acte. Pratiquer un avortement, c’est porter atteinte à une vie humaine ».