Benoît Rayski, historien, écrivain et journaliste, interpelle Mgr Dubost sur Atlantico :
Monseigneur, vous avez en charge un diocèse que bien des évêques peuvent vous envier. Une ville exemplaire, un modèle de ce que devrait être la France de demain. Un lieu où il fait bon vivre ensemble. Un laboratoire pionnier de la mixité sociale, du mélange ethnique et d’un chaleureux dialogue inter-religieux… J’ai bon là, Monseigneur ? Ou dois-je continuer encore à décliner les contours du diocèse paradisiaque où vous prêchez la bonne parole ?
A l’occasion de Noël, et suite à l’attentat de Berlin, les pouvoirs publics ont fait surveiller les églises par des soldats et des gendarmes.
Et cela vous a peiné. Interviewé sur Europe 1, vous avez déclaré qu’il était difficile de prier à l’abri des armes. Comment se recueillir, avez-vous dit, dans de telles conditions ? Mais prudemment (avez-vous été formé chez les jésuites ?), vous avez refusé de condamner cette initiative qui vous déplaît tant. “C’est la décision du préfet”, avez-vous dit. En effet, vous n’êtes pas préfet. Et il y a chez vous quelque chose du bon Jésus : “rendez au préfet ce qui est au préfet” !
Je note qu’il est trop tard, Monseigneur, pour demander au père Hamel son avis sur la question : il a été promptement égorgé à Saint-Étienne-du-Rouvray. Je ne doute pas un seul instant que vous n’ayez aucune sympathie pour les tueurs. Mais votre credo consiste à les décharger d’une partie de leurs responsabilités pour en faire porter le fardeau sur notre société méchante, athée et mécréante. Interrogé sur les djihadistes, vous avez expliqué que la faute originale, le péché originel, était que “nous ne reconnaissons pas le rôle des religions”.
“Des religions” ? Vous avez, Monseigneur, utilisé un pluriel qui donne à réfléchir. “Des religions” ? Vous devez savoir de quoi vous parlez. Et il est certain que vous savez compter. Monseigneur, combien avez-vous dénombré de djihadistes juifs, catholiques, protestants, bouddhistes ? Mais je vous taquine injustement.
Car vous savez compter. En effet, vous avez déclaré récemment qu’il y avait plus de musulmans qui nous protégeaient (police, armée, gendarmerie) que de musulmans qui nous attaquaient. Je suppose, Monseigneur, que vous avez accès à des chiffres cachés au grand public. Vous a-t-on également communiqué les chiffres des fichés S et des pieux touristes qui font l’aller-retour entre la France, la Syrie et l’Irak ?
Le robinet d’où dégoulinent vos saintes paroles n’est pas de ceux dont coule l’eau bénite. Un jour, il y a un an à peu près, Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, avait suggéré que des églises désaffectées soient affectées au culte musulman. Ces propos soulevèrent une tempête d’indignation. Pas chez vous.
Vous avez eu, Monseigneur, cette phrase lumineuse entre toutes : “Je préfère qu’une église devienne une mosquée plutôt qu’un restaurant”. Mais si c’est un restaurant halal, ça peut aller ? Et pour faire face à la crise des vocations, vous envisagez peut-être de coopter des imams pour remplacer les curés manquant à l’appel ? Voyez-vous, Monseigneur, si je peux me permettre une attaque frontale, vous semblez croire qu’une église n’est qu’un lieu de culte. Vous êtes, sciemment je le crois, dans l’erreur.
Replongez-vous un peu dans l’histoire du pays où vous exercez votre magistère. Vous verrez qu’une église est avant tout un lieu de mémoire. Un lieu de France. Il n’est pas indifférent, voyez-vous, que dans un petit village il y ait une église romane, même désaffectée, même en ruines, plutôt qu’une mosquée. Je m’arrête là, Monseigneur. La place me manque pour faire l’inventaire complet de la camelote que vous vendez à vos ouailles. Mais il me reste une ligne pour vous dire que lisant vos mercantiles propos, une image s’impose à moi : celle de Jésus chassant les marchands du temple.