Suite à la fuite dans la presse de la fronde de quelques prêtres de son diocèse, Mgr Marc Aillet a mis en ligne une lettre de 14 pages intitulée
Sur la recherche de la communion dans les circonstances actuelles
Il rappelle les faits :
Le 14 mai dernier une lettre signée par cinq prêtres, dont deux se sont retirés depuis, ayant demandé pour raison d’âge et de santé – 77 et 75 ans – à bénéficier du statut de « prêtres retirés », était adressée au Cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque métropolitain de Bordeaux, Mgr Luigi Ventura, nonce apostolique en France, Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, NN.SS. Pascal Delanoy et Pierre-Marie Caré, vice-présidents de la Conférence des évêques de France. Cette lettre, à laquelle était joint un dossier à charge contre la gouvernance de l’évêque, avait pour objet de solliciter une rencontre avec ces autorités ecclésiastiques pour étudier les moyens de la communion dans un Presbyterium divisé. Cette lettre faisait état d’un groupe de 49 prêtres, se réunissant régulièrement depuis trois ans, en marge de la vie du diocèse et de ses institutions.
Le 15 mai, une lettre était adressée à l’évêque pour l’informer de cette démarche, mais sans que le dossier à charge ne lui soit transmis. De plus, elle ne comportait que quatre des cinq signatures et faisait état d’un groupe de 59 prêtres s’y associant.
Éconduits courtoisement et renvoyés à leur évêque par ces autorités, les « délégués » de ce groupe, désormais baptisé « le groupe de Mourenx », du nom de la paroisse où ils se réunissent et dont le curé est le contact officiel, adressent une lettre à l’évêque, datée du 2 juillet 2016, pour lui demander une entrevue. Cette lettre est signée désormais par quatre prêtres, dont trois signataires de la lettre adressée aux autorités ecclésiastiques.
L’évêque répond le 16 juillet à ces quatre signataires que c’est bien volontiers qu’il les recevra avec son Conseil épiscopal le 23 septembre 2016.
Rencontre du 23 septembre et amorce d’un dialogue
Ce jour-là, l’évêque écoute avec attention et bienveillance, durant une heure et demie, les interventions écrites de nos quatre délégués, monologues régulièrement interrompus par des réactions ou remarques du vicaire général et des vicaires épiscopaux. Les thèmes abordés concernent la communion au sein du Presbyterium, les relations entre l’évêque et les prêtres, la collaboration prêtres-laïcs, les rapports Église-monde et la gestion financière du diocèse.
En prenant de la hauteur, et en citant les propos du Pape François aux prêtres de Caserte (juillet 2014), il rappelle que le Presbyterium diocésain, c’est la relation personnelle de tout prêtre avec son évêque, sans intermédiaire même si ce peut être parfois avec l’aide d’un médiateur, et la relation de tout prêtre avec tous les autres prêtres. Pour favoriser, entre autre, la communion au sein du Presbyterium, le droit de l’Eglise prévoit précisément l’existence d’un Conseil presbytéral.
Aussi, en remerciant ses interlocuteurs pour leur exposé, car les souffrances doivent toujours être entendues, l’évêque s’engage à ce que ces points soient ressaisis précisément au Conseil presbytéral, actuellement en cours de reconstitution, le précédent étant parvenu à échéance de son mandat en septembre dernier. La première rencontre du Conseil presbytéral reconstitué est fixée au 13 décembre.
Un nouveau courrier relayé par la presse locale
Depuis, les quatre « délégués » ont repris contact avec les autorités ecclésiastiques susnommées pour réitérer leur demande de rencontre et leur faire un rapport de leur entrevue du 23 septembre dernier avec l’évêque et son Conseil. Ce courrier, qui indique toujours pour la correspondance le contact du curé de la paroisse de Mourenx, n’est pas signé, ou plutôt comporte en guise de signature « Le groupe de Mourenx ». À ce jour, le nonce apostolique a signifié qu’il ne jugeait pas opportune une rencontre directe, les exhortant plutôt à rester en lien avec leur évêque.
Le 25 novembre, par une indiscrétion, l’évêque prenait connaissance d’un nouveau courrier adressé par le groupe de Mourenx, le 1er novembre dernier, aux « 60 prêtres » ayant soutenu cette démarche, pour leur rendre compte de la rencontre du 23 septembre, en y joignant le texte de leurs interventions. La lettre précisait sans doute que l’évêque les avait écoutés et s’était engagé à ressaisir ces points d’attention au Conseil presbytéral, tout en insistant sur l’absence de dialogue au cours de cet entretien, laissant entendre que cette absence de dialogue « dépasse … la gouvernance du seul diocèse de Bayonne ». Ils invitaient les prêtres à donner leurs appréciations par écrit, s’ils le souhaitaient, à être vigilants pour la reconstitution du Conseil presbytéral et à rester « à l’écoute les uns des autres », leur proposant même de diffuser ce dossier aux prêtres et aux laïcs qui seraient intéressés.
La suite est connue, à savoir l’atterrissage de ce dossier, qui circule sous le manteau, sur le bureau de la rédaction du quotidien Sud-Ouest Pays basque, pour qui ces « révélations » sont manifestement du pain béni. On y révèle quelques aspects saillants du rapport à charge. Est en cause en particulier l’opposition de l’évêque à l’avortement, laissant même supposer que les 60 prêtres pourraient défendre le droit à l’avortement ! Alors qu’au même moment, fait unique et rarissime, Mgr Georges Pontier publiait une lettre ouverte, adressée au Président de la République, lui demandant de retirer le projet de loi relatif au délit d’entrave numérique à l’avortement, et que le Pape François rappelait une énième fois dans sa lettre apostolique Misericordia et misera du 20 novembre 2016 : « L’avortement est un péché grave, parce qu’il met fin à une vie innocente » (n. 12).
Des faits certains
Ce qui demeure certain, c’est qu’un dialogue a effectivement été instauré entre ce groupe et l’évêque, depuis le 23 septembre, l’engagement était pris d’un travail en Conseil presbytéral, et nul ne peut exclure a priori la sincérité des intentions, de part et d’autre.
Ce qui est non moins certain, comme on peut le vérifier dans ce qui précède, c’est qu’il n’y a jamais eu de lettre signée par 60 prêtres et adressée aux autorités ecclésiastiques, comme j’en ai eu confirmation. La liste demeure d’ailleurs pour le moins mystérieuse et floue, elle n’a jamais été rendue publique, ce qui peut légitimement rendre le nombre annoncé peu crédible et laisse à penser que l’ampleur de la « fronde » est plus limitée que ne le laisse entendre la presse qui fait fonction de « caisse de résonnance ».
Des questions demeurent
- Qui avait intérêt à jeter cette démarche en pâture sur la place publique, en la portant à la connaissance de la presse laïque locale, déjà passablement remontée contre l’évêque de Bayonne ? Pourquoi ne pas avoir attendu que le dialogue amorcé puisse se poursuivre sereinement ? Pourquoi tant d’impatience, quand cette démarche s’est élaborée, dans le secret, durant trois années ?
- En outre, ces prêtres ont-ils seulement adhéré à la demande de rencontre avec les autorités ecclésiastiques extérieures au diocèse ou bien donné un assentiment à tout ou partie du dossier à charge, ou bien encore simplement demandé à être informés ? Quelle est la proportion entre les prêtres en responsabilité active et les prêtres auxiliaires ou retirés ? Quels sont ceux qui ont participé à une première rencontre et n’ont pas persévéré ?
En tout cas, comme j’en ai reçu de nombreux témoignages depuis, beaucoup de prêtres et de fidèles laïcs se disent profondément choqués, attristés ou blessés par cette démarche dévoilée au grand jour par la presse, tout en entretenant un climat délétère de doute et de suspicion : « Mon curé fait-il partie de ces 60 prêtres ? », me disait l’un ou l’autre fidèle laïc. Il y a là un préjudice de scandale qui devra être réparé.