Le temps de l’enfouissement est enfin terminé. Dans leur confrontation avec un sécularisme de plus en plus violent, les chrétiens affirment leur identité sans pour autant se fermer aux autres – bien au contraire: les nombreux projets d’évangélisation illustrent le triptyque cher à Mgr Dominique Rey ( autre ami fidèle de Chrétiens dans la Cité), « identité, communauté, mission ».
La division des catholiques semble encore être la règle dans l’engagement social et politique. Et quand une initiative émerge et prend une ampleur nationale – je veux parler de la « Manif’pour tous» contre la loi Taubira -, elle n’est pas issue des mouvements et organisations catholiques existantes et elle se garde d’affirmer clairement son identité catholique. N’est-ce pas un paradoxe?
Ce sont des catholiques qui ont entièrement créé et développé le mouvement social contre la loi Taubira. Ce sont les paroisses qui ont mobilisé les fidèles. Ce sont les associations catholiques qui ont organisé les transports en car, etc. Alors fallait-il agir en tant que chrétien et pas seulement en chrétien, pour reprendre la fameuse distinction de Maritain? J’avoue n’avoir pas ici de position définitive. Toutefois, si la coopération avec des non-chrétiens est parfois utile, elle ne peut être que ponctuelle et limitée à un objet précis. La persistance de La Manif pour tous me semble d’un intérêt limité, et certaines de ses lacunes sont regrettables, telle que l’utilisation stupide du concept d’homophobie forgé par ses adversaires. Beaucoup plus intéressante est la floraison d’initiatives qui en sont issues.
Il eût été sans doute préférable que l’Église – évêques, prêtres et laïcs – se levât en bloc, mais l’imprégnation laïciste du clergé, la dhimmitude mentale de nombreux évêques vis-à-vis, du pouvoir, empêchaient une telle réaction. Ma conviction profonde est qu’il faut réévangéliser les chrétiens pour que l’Église retrouve sa pleine visibilité en tant qu’autre Cité, la Cité de Dieu témoin du Royaume du Christ dans la cité des hommes. Cela passe par la multiplication d’espaces communs alternatifs dans tous les domaines de la vie sociale, économique, culturelle, éducative, etc. Par exemple les entreprises de l’Économie de communion ou les écoles indépendantes accompagnées par la Fondation pour l’école. C’est à ces expériences et projets que je m’intéresse avec bienveillance dans Chrétiens dans la Cité. […]
La crise de la catéchèse, qui a commencé en France dès la fin des années 1940 avec l’affaire du« catéchisme progressif», n’est donc pas finie?
Hélas non, du moins pour sa dimension institutionnelle. Les nouveaux outils proposés par les bureaux de la Conférence des évêques de France, à savoir la catéchèse par modules, ne satisfont pas les exigences d’un enseignement organique et systématique, pour reprendre les termes de saint Jean Paul II dans Catechesi tradendae. Mais s’ils sont promus par l’appareil de nombreux services diocésains de catéchèse, ils n’ont pas plus d’autorité canonique que les autres catéchismes ayant reçu l’imprimatur – dont le parcours édité par Transmettre.
Le renouveau vient de la base, des catéchistes qui ne supportent plus le pédagogisme stérile des néocatéchètes, et des curés résolus à enseigner la Foi authentique de l’Église. Le succès croissant des diverses publications éditées par Transmettre est le signe qu’une page est en train d’être tournée … même si c’est très (trop) lentement à mon goût.