Nous sommes dans un moment important de l’histoire de l’Église, n’hésitons pas à le dire. Depuis vingt siècles, l’hérésie, l’avortement, l’orgueil étaient considérés comme des péchés capitaux. Désormais, ils vont être rangés au magasin des vieilleries. Désormais, si l’on en croit l’un des plus hauts prélats de l’Église romaine, le péché majeur, c’est le « scandale ». Plusieurs épisodes de l’actualité récente, le confirment. Vous pouvez professer les hérésies les plus claires (Joseph Moingt, Juan Sobrino), être en contradiction la plus formelle avec la doctrine traditionnelle de l’Église (Bruno Forte, Walter Kasper), ce n’est pas grave. Vous serez relayés par les médias « cathos » officiels (La Croix, The Tablet, Die Tagespost et consorts), considérés comme un « visionnaire » prophétique, un « homme libre », publié à grand tirage et encensé par les ennemis de l’Église.
Par contre, si vous vous opposez au magistère médiatique, si vous rappelez avec vigueur la foi, là, vous êtes un méchant. Jusqu’à présent, quelques sous-fifres avaient payé des propos trop éloignés de la « pensée correcte ». Padre Cavalcoli de Radio Maria, par exemple ; le curé de paroisse de Wisembach dans les Vosges, ont été réduits en poussière, en vertu du vieux principe toujours d’actualité : « Selon que vous serez puissants ou misérables ». Les autres, parqués à l’écart, n’ont pas voix au chapitre. Le problème ? Il est bien plus difficile d’enchaîner la parole qu’autrefois. Selon des « sources proches du dossier, mais qui ont demandé à garder l’anonymat » – pour parler comme les grands médias – il semble que les bureaux du Vatican soient inondés de courriers de prêtres de base, ulcérés de ne recevoir d’en-haut que rebuffades et brimades. Il n’y a pas que la forme, le fond semble être touché aussi. L’obscurité des propos pontificaux, pour être gentil, déroute. Il faut maintenant des bataillons de normaliens pour les accorder avec l’enseignement orthodoxe. .
Alors, lorsque des cardinaux s’en font l’écho, fini la miséricorde et le dialogue. Ignace reparaît sous François. Il faut frapper fort et lâcher les chiens de garde, en l’espèce le Doyen de la Sainte Rote Romaine. « Ce qu’ils ont fait est un scandale très grave qui pourrait conduire le Saint-Père à leur retirer le chapeau cardinalice comme cela est déjà arrivé à certains moments dans l’Église ». Il me semblait que le « scandale » évangélique, c’était s’attaquer aux « petits et aux faibles », porter atteinte à la foi et aux mœurs… pas courroucer la presse et les puissants du jour.
On dit ici à Rome que Mgr Pio Pinto est un grand canoniste. Soit. Comme personne privée, rien à dire, mais pour le reste, les paroles de Noam Chomsky semblent bien adaptées : « Il existe deux ensembles de principes. Les principes de pouvoir et de privilège, et les principes de vérité et de justice. Si vous courez après le pouvoir et les privilèges, ce sera toujours au détriment de la vérité et de la justice. » Chacun sait ici que, pour parvenir au sommet de l’arbre, il a fallu en passer par, disons, bien des aléas… Que ceux qui ont des oreilles… entendent ce que dit le même auteur : « Dans une société bien huilée, on ne dit pas ce que l’on sait, on dit ce qui est utile au pouvoir. »
Menacer de déchoir quatre cardinaux qui font leur travail, voilà qui est nouveau. Leur reprocher de le faire publiquement mais dignement, alors que le pontificat actuel se caractérise à la fois par un usage intempérant des médias et un « management » des collaborateurs désinvolte et brutal, voilà qui ne manque pas de sel.
Nous voyons tout en noir et blanc. Attendons la foudre qui va s’abattre inéluctablement sur les méchants que nous sommes.
Gaston Champenier