De mgr Moutel, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier :
Les évêques de France viennent de publier une lettre « aux habitants de notre pays ». Ce texte est court et très abordable ; je souhaite qu’il soit lu très largement dans notre diocèse. Nous ne pouvons pas en effet regarder à distance les difficultés des projets collectifs et de l’action politique en notre pays. Si les évêques prennent la parole, c’est parce que « les catholiques, citoyens à part entière, … ne peuvent se désintéresser de ce qui touche à la vie en société, la dignité et l’avenir de l’homme » (Page 13). C’est la tristesse et le découragement qui sont remarqués : « lassitude, frustrations, parfois des peurs ou même de la colère ». Les évêques n’indiquent évidemment pas le « bon choix » politique, ils ne donnent pas non plus de leçon à tous ceux qui s’engagent dans l’action publique, certes décriée mais difficile aussi. Au-delà de « la » politique pour laquelle nous aurons à poser un vote important dans six mois, c’est « le » politique qu’il s’agit de servir, en recherchant l’intérêt général, le bien commun. Parmi les chemins ouverts dans cette lettre, je veux en souligner deux :
Le dialogue
Nous ne pouvons pas nous contenter d’ajouter les unes aux autres les revendications particulières. C’est le dialogue entre les diverses composantes de la société qui peut permettre le dépassement de l’individualisme ou de la seule mise en avant de son bon droit : « Le vrai compromis est plus qu’un entre-deux, simple résultat d’un rapport de force. C’est, à partir de positions différentes, entrer dans un vrai dialogue où l’on ne cherche pas à prendre le dessus mais à construire ensemble quelque chose d’autre, où personne ne se renie, mais qui conduit forcément à quelque chose de différent des positions de départ. Ce ne doit pas être une confrontation de vérités, mais une recherche ensemble, en vérité. » (58) Les évêques rappellent au passage que les croyants doivent être inclus dans ce dialogue, comme citoyens bien sûr, mais sans qu’ils soient invités poliment à ranger leurs convictions profondes dans les placards de la sacristie ! La laïcité de l’État n’est pas la laïcité de la société, un projet restrictif qui consisterait à « expulser le religieux de la sphère publique vers le seul domaine privé où il devrait rester caché. »Dans notre département, les catholiques ont largement montré cette capacité d’engagement pour le bien commun (que l’on pense au développent agricole ou aux responsabilités territoriales).
La question du sens
« Un idéal de consommation, de gain, de productivité, de produit intérieur brut, de commerces ouverts chaque jour de la semaine, ne peut satisfaire les aspirations les plus profondes de l’être humain qui sont de se réaliser comme personne au sein d’une communauté humaine. » (48) Puisqu’on ne peut faire vivre une communauté avec des discours seulement gestionnaires, qu’est-ce qui fonde, qu’est-ce qui donne du sens à l’action politique ? La question centrale est posée dans la lettre des évêques : « qu’est-ce qui fait qu’une vie mérite d’être donnée aujourd’hui ? Pour quoi suis-je prêt à donner ma vie aujourd’hui ? » (52) Prendre ou donner … Se servir ou servir … ? C’est la seule question vraiment importante de notre vie. Celui qui donne connaît la joie, celui qui aime connaît Dieu.