Le candidat à la présidentielle écrit :
Messeigneurs, Messieurs les Évêques de France,
Vous m’avez adressé, ainsi qu’à tous les Français, un texte essentiel, Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. À la veille d’une élection cruciale pour l’avenir de la France, vous analysez avec justesse les maux de la société française, les travers du personnel politique, la « tristesse » qu’il y a dans notre pays. Vous placez au niveau où ils doivent être l’exigence et le devoir du politique.
J’ai décidé d’être candidat à l’élection présidentielle pour proposer aux Français une autre politique dont je souhaite, dans les lignes qui suivent, vous présenter les principes fondamentaux. Je veux redonner confiance aux Français, leur dire que la France est dotée d’un destin incomparable et d’une mission universelle. Je veux m’adresser à tous les Français, je veux dialoguer, tout au long de la campagne, avec vous comme avec les autres autorités religieuses de notre pays.
Alors que se termine bientôt l’assemblée plénière des évêques, je veux d’abord vous dire que l’Église de France assume un rôle particulier, incarne un héritage considérable et porte une voix d’espérance. L’histoire de notre pays est une synthèse exceptionnelle. Tout à la fois fille aînée de l’Église et mère de la Révolution, la France a donné à ses relations avec le Saint-Siège une intensité particulière. Ses racines chrétiennes sont un élément constitutif de notre identité. Il suffit de considérer nos paysages pour s’en convaincre : la France est le pays d’Europe qui compte le plus de communes portant le nom d’un saint.
L’émergence de la nouvelle société fondée par la Révolution sur l’égalité civile et la liberté a pu secouer cet héritage, mais jamais l’effacer. La laïcité offre aujourd’hui un cadre au sein duquel les catholiques français apportent leur pleine et généreuse contribution à la communauté nationale. Le dialogue entre l’État et l’épiscopat est un rouage essentiel de la démocratie car l’État protège la liberté de conscience et la sécurité des croyants dans leur recherche de sens.
Le gaullisme, dans la continuité duquel je m’inscris, est la synthèse de plusieurs inspirations, notamment de certains courants chrétiens : le personnalisme d’Emmanuel Mounier, le catholicisme social d’Albert de Mun et le catholicisme libéral de Chateaubriand. Ces courants ont participé, chacun à leur manière, avec la figure extraordinaire de Charles Péguy, à la formation intellectuelle du général de Gaulle. Ils ont fondé ses choix et déterminé des principes politiques qui éclairent aujourd’hui ma démarche.
Le bien commun est le fondement du politique, son ambition primordiale. Il doit guider les décisions publiques mais aussi dicter le comportement des hommes politiques. Aujourd’hui, les Français n’ont malheureusement plus confiance en leurs représentants. Certaines pratiques, certaines méthodes, certaines décisions ont rompu le lien, pourtant indispensable, entre les Français et leurs élus. « Quiconque parle en Français et non en politicien est sûr d’être compris » écrivait Bernanos. Pour redonner confiance aux Français dans leur classe politique, il faut les entendre et leur redonner le pouvoir.
Il est indispensable de retrouver l’esprit originel de la Vème République. Les Français doivent être consultés par référendum sur les questions essentielles qui concernent l’avenir de notre pays. Le retour de la confiance passe aussi par un autre comportement des hommes politiques qui ont le devoir d’être exemplaires, intègres, conscients de leur responsabilité particulière, à l’écoute des Français et de leurs préoccupations. Redonner le pouvoir aux Français, c’est aussi donner tout son sens et toute sa force à la souveraineté du peuple. Les traités européens doivent être renégociés car ils effacent, dans de trop nombreux domaines, la liberté de la France, la capacité des Français à être maîtres de leur destin.
La liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes fonde la nouvelle organisation de l’Europe que je défends devant les Français. Pour moi, l’idéal européen est une confédération de peuples libres œuvrant les uns avec les autres, forts de leurs atouts, de leurs spécificités et de leurs volontés propres. En les niant, à coups de référendums ignorés et de politiques imposées à des États souverains, les technocrates bruxellois font mourir l’Europe dans le cœur des peuples. Dans l’encyclique Laudato si’, le Pape François rappelle l’importance de la souveraineté des États dans la recherche de solutions communes entre les peuples.
L’incapacité des Européens à élaborer une stratégie commune face à la crise migratoire, le choix des Britanniques de quitter l’Union européenne et la crise économique lancinante de notre continent nous obligent à repenser la construction européenne. L’Europe doit être bâtie autour de projets concrets liés aux grands enjeux de notre temps : la lutte contre le cancer, les nouvelles technologies, l’aide au développement. Le poids de l’histoire, les enjeux planétaires qui intéressent tous les peuples, rendent vitale la coopération entre nos États. Les liens forgés par des siècles d’échanges, de concurrence, de conflits parfois terribles et de réconciliations fructueuses sont un socle sur lequel nous devons nous appuyer pour nous projeter dans l’avenir.
Dans cette élection présidentielle, je veux incarner une nouvelle façon de faire de la politique, plus humble, plus bienveillante, plus attentive aux inquiétudes des Français.
La politique est d’abord au service des plus faibles. Le pouvoir n’est fécond et porteur d’espoir que s’il est soumis à l’exigence de justice. Le devoir du politique est de garantir les droits bafoués et violés, en particulier les droits « des pauvres, des petits, des faibles », dans une société traversée par l’injustice et la violence. La France incarne, depuis des siècles, un idéal de justice. La grande ordonnance de 1256, promulguée par Saint-Louis, exige que « nul ne sera privé de son droit sans faute reconnue et sans procès ». Elle fonde notre conception de la justice et l’égalité des Français devant la loi. La mission essentielle de l’État est d’assurer la sécurité des Français et de protéger leurs droits. C’est la condition du contrat social que nous devons, comme vous l’indiquez, repenser.
Pour le général de Gaulle, la question sociale « domine tout et les peuples libres peuvent bien se ruiner en armements, l’épée de Damoclès restera suspendue tant que, dans la société, chaque homme ne trouvera pas sa place, sa part et sa dignité ». Les Français expriment aujourd’hui un sentiment d’abandon et de déclassement insupportable, généré par des décennies de chômage de masse, de pauvreté grandissante et de croissance économique atone. Les inégalités de plus en plus criantes font naître un ressentiment dangereux pour l’unité nationale. Notre pays n’a pas le droit de laisser sur le bord du chemin les accidentés de la vie. C’est l’honneur de notre nation de leur tendre la main.
La participation, entre un libéralisme débridé et un socialisme annihilant, trace une autre voie économique et sociale pour notre pays. Les citoyens doivent participer à la marche de leur entreprise de la même façon qu’ils participent à la vie politique du pays. Je veux développer la participation, moyen indispensable pour associer les entrepreneurs et les salariés autour d’une ambition commune. Nous devons, par la participation de tous à une stratégie économique nationale, soutenir les initiatives et relocaliser, dans notre pays, un million d’emplois. C’est l’unique moyen de réduire réellement le chômage qui mine notre société.
Dans la crise actuelle, dans la perte de sens que vous décrivez, la famille est un repère essentiel. Elle est la cellule de base de notre société, source d’épanouissement et de partage. Soumis à des choix politiques ineptes, les familles rencontrent pourtant de plus en plus de difficultés. Elles ont subi, ces dernières années, une diminution grave de leurs aides et de leurs allocations. Au-delà de ces aspects sociaux, c’est le sens même de la famille qui a été mis en cause. Si les droits des couples de même de sexe doivent être reconnus, je veux affirmer l’unique filiation biologique père-mère. Je suis, à cet égard, fermement opposé à l’indignité qu’est la GPA. Comment peut-on justifier la commercialisation de la maternité ? L’argent ne peut pas acheter la vie ni permettre l’exploitation des femmes dans ce qu’il y a de plus intime, de plus fort et de plus beau.
De la même façon que la famille unit les personnes, la nation rassemble un peuple. Aujourd’hui, les Français se sentent menacés. Ils doutent de la capacité de notre pays à demeurer une nation unie et fraternelle. Les attentats terroristes, le terreau salafiste nous poussent à questionner l’islam et à chercher les voies de son exercice libre et paisible dans notre pays. Tous les Français appartiennent à une même communauté de destin dont les règles sont fixées par la loi. Je propose aux Français de déterminer de nouvelles conditions, plus strictes et plus exigeantes, de l’exercice du culte musulman sur notre sol. Ce nouveau cadre est la garantie de l’unité nationale.
Le chaos qui règne au Moyen-Orient et dans certaines parties d’Afrique est à l’origine d’une crise migratoire dont les effets se répercutent jusqu’en France. L’arrivée des migrants sollicite notre devoir de charité et de générosité, l’Eglise y prend, à raison, toute sa part. Mais le rôle d’un responsable politique est de dépasser l’émotion pour préserver la cohésion nationale. Certains n’ont pas toujours compris mes positions de fermeté sur le contrôle des frontières nationales, sur l’expulsion des migrants qui ne sont pas des réfugiés, au sens de la convention de Genève. D’aucuns voudraient élargir de façon inconditionnelle l’accueil des réfugiés à l’ensemble des migrants. Leur accueil sur notre sol est conditionné par deux contraintes : notre capacité d’accueil et une exigence de prudence. Je me réjouis que le Pape ait récemment invoqué cette exigence.
Inquiète de son devenir, confrontée à un chômage trop important, à une pauvreté écrasante, incapable d’assimiler les populations actuellement présentes sur son sol, la France n’est pas en mesure d’assurer l’accueil des migrants, dans les proportions actuelles. Notre devoir moral est de permettre à ces populations de vivre dignement chez elles. Pour cela, notre politique étrangère doit être de nouveau au service de la paix. Je propose aussi un plan ambitieux de développement de l’Afrique.
Dans le concert des nations, l’incapacité des dirigeants français à porter la voix originale de la France est un obstacle à la paix. Notre pays doit retrouver sa voix diplomatique gaullienne fondée sur l’indépendance des peuples et le dialogue entre les nations. La recherche d’une position équilibrée sur la scène internationale est une condition de la résolution des conflits qui affectent notamment le Moyen-Orient. Cette résolution passe par la recherche de solutions conjointes avec la Russie concernant la Syrie. La démocratie ne s’exporte pas avec des bombes. Nulle transition politique ne peut être envisagée en Syrie sans la coopération des grandes puissances prenant part directement ou indirectement au conflit. Le prix de l’irresponsabilité, de l’aventurisme et de la vision idéologique des puissants est toujours payé par les plus faibles, les populations civiles. La situation effroyable des chrétiens d’Orient nous le rappelle tous les jours.
Le politique doit se consacrer à protéger ce qui est fragile. La politique est l’art de « transformer le monde en séjour humain ». Préserver la richesse de notre écosystème, assurer un cadre de vie sain et viable, c’est être au service des hommes. À l’heure où l’activité humaine fait peser une menace peut-être fatale sur le vivant, je rappelle ce que le Pape Pie XII affirmait déjà en 1950 : « le monde animal […] mérite le respect de l’homme. Tout désir inconsidéré de tuer des animaux, toute inhumanité, toute cruauté ignoble envers eux doivent être condamnés ». La recherche de la seule rentabilité est incompatible avec la nécessaire bienveillance à l’égard de la nature. L’État doit accompagner la transition énergétique et impulser une politique environnementale, en s’appuyant notamment sur les fleurons de l’industrie française qui élaborent les technologies propres de demain. Celles-ci doivent être au service de l’homme et de son milieu naturel.
La France est dotée d’une mission particulière, elle porte une voix singulière. Contre les idéologies, la violence et l’injustice, notre pays incarne un autre modèle, une autre politique : une certaine idée de la France, fondée sur la souveraineté du peuple, la liberté des hommes, l’espérance de la justice et la défense de la paix. Chaque Français doit être fidèle à ce message pluriséculaire et en être le porte-parole.
Daignez, Messeigneurs, Messieurs les Évêques de France, agréer l’expression de ma très respectueuse considération.
Nicolas Dupont-Aignan