Les membres du Bureau national du Conseil français du culte musulman (CFCM), soit le président du CFCM, Anouar Kbibech, les trois vice-présidents, Hafiz Chems-eddine, Ahmet Ogras et Taoufiq Sebti, ont rencontré le pape François le 3 novembre au Vatican. Le groupe a ensuite participé à une réunion avec le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Mgr Michel Dubost, président du Conseil pour les relations interreligieuses au sein de la Conférence épiscopale française, déclare à Zénit
“La rencontre avait été prévue avant, même si cela ne diminue en rien l’importance qu’elle prend au regard des événements terroristes. Elle était rattachée à une réunion interreligieuse sur la miséricorde, dans le cadre du Jubilé.
De quoi a-t-il été question durant l’entretien ?
Les membres du Conseil français du culte musulman ont exprimé au pape François combien ils l’appréciaient, et combien les musulmans l’apprécient. Ils ont aussi invité le pape à venir en France.
Cette audience pourra faire avancer le dialogue ?
Entre responsables, nous discutons beaucoup, nous travaillons beaucoup ensemble. Mais il faut que nos communautés suivent. L’image positive qu’a le pape chez les musulmans et chez les catholiques, peut faire avancer les choses.
Quel était l’ordre du jour de la réunion qui a suivi avec le cardinal Tauran ?
Nous avons travaillé sur trois thèmes. D’abord, le « discours » sur les religions : que veut-on dire de nos religions, devons-nous parler de Dieu ou de questions sociales, politiques, d’entente mutuelle ? Peut-être ne parle-t-on pas assez de ce qui fonde notre recherche de Dieu. La deuxième question avait trait à la justice. Beaucoup de problèmes attribués aux relations avec les musulmans sont en réalité des problèmes de justice dans la société française et dans le monde. Il y a des conflits entre sunnites et chiites, il y a des guerres civiles, et cela n’est pas l’islam, c’est de la politique, c’est du social, c’est un manque de justice. Le troisième thème touchait à l’éducation.
Les attentats de ces derniers mois en France ont-ils influé sur les relations institutionnelles entre l’Eglise catholique et l’islam ?
L’atmosphère a certainement changé. Auparavant déjà nous travaillions beaucoup ensemble, nous avions un travail commun très important. Mais depuis l’assassinat du père Hamel, il y a un renforcement de la volonté de se réunir.
Comment voyez-vous l’avenir de ces relations interreligieuses ?
Je vois trois dimensions. Premièrement, les gestes symboliques. Dans un monde très fractionné, nous devons donner l’image de notre recherche commune. Aller voir le pape est un geste symbolique, qui a une signification. Il faut multiplier ces gestes symboliques pour dire notre estime mutuelle, malgré le fait que nos points de vue peuvent diverger. Essayer de s’entendre tout en étant différent est très important socialement. Le deuxième point, c’est la nécessité de poser clairement les problèmes existant dans les relations bilatérales. Par exemple la question de la dhimmitude, qui est le statut différencié des non-musulmans dans des sociétés à majorité musulmane. Il faut se parler très clairement et exprimer les uns aux autres ce qui rend la vie commune difficile. On ne peut le faire que si l’on s’entend bien, que s’il s’agit d’un échange entre amis. Je souhaite que nous soyons de plus en plus vrais et que nous allions au fond des choses. Troisièmement, il est important de réfléchir à l’éducation, à ce que nous disons de nous-mêmes et des autres lorsque nous parlons aux jeunes. Il faut qu’ils sachent quelque chose de l’autre et qu’ils soient capables de rencontrer l’autre.