La Croix revient sur l’annonce par l’épiscopat français le 22 octobre 1966 : à compter du 1er janvier 1967, les fidèles français seraient autorisés à consommer de la viande les vendredis, en dehors du temps de Carême.
Cette décision intervenait quelques mois après la parution dans l’Osservatore romano, le 17 février 1966, de la Constitution apostolique Paenitemini. Dans un souci « de réduire le formalisme de la pratique des œuvres de pénitence, en renforçant l’esprit qui est à la base de ces œuvres et en cherchant à obtenir des fidèles qu’ils acceptent des sacrifices volontaires pouvant prendre des formes autres que celles traditionnellement suivies jusqu’à présent », Paul VI conférait aux Conférences épiscopales la possibilité de « remplacer, pour des raisons valables, les jours de jeûne et d’abstinence par d’autres formes de pénitence, et surtout par des œuvres de charité ».
La Croix republie l’article de Jean Pelissier du 25 octobre 1966 :
Lorsque samedi soir, Mgr Pichon en sa deuxième conférence de presse exposa les décisions prises par l’Assemblée plénière à la suite du rapport de Mgr Renard, évêque de Versailles, sur la discipline pénitentielle, plusieurs confrères se précipitèrent vers le téléphone.
À partir du 1er janvier 1967, venait d’annoncer le secrétaire général du Bureau de l’opinion publique et des moyens de communication sociale, l’abstinence des vendredis sera supprimée, en dehors du Carême.
Certes, c’est là un événement spectaculaire, même si des décisions fondamentalement plus importantes ont été adoptées.
Mais il importe de préciser :
1. – Par des majorités de 109 à 115 voix, l’épiscopat décidait d’abord qu’il y aura désormais deux jours de jeûne et d’abstinence : le mercredi des Cendres et le Vendredi saint, et que tous les vendredis de Carême continueront à être jours d’abstinence.2. – L’Assemblée décrétait ensuite la suppression de l’abstinence des vendredis en dehors du Carême. Serait-ce donc une ouverture dans la voie de la facilité ? Certes non ! Tout au contraire. Le commandement de l’Église et la tradition voulaient que l’on fit maigre le vendredi, même si l’on dégustait ce jour-là langouste ou gibier d’eau. Où était le sacrifice ?
3. – Voilà pourquoi notre épiscopat a rappelé vigoureusement – en cette terre de Lourdes où retentit toujours l’exhortation de l’Immaculée à la prière et à la pénitence – que cette loi de pénitence est évangélique ; on ne peut en dispenser.
4. – Dès lors, l’Assemblée plénière a précisé l’exigence dans la ligne du renouveau actuel du Carême et de l’esprit pénitentiel, de marquer les vendredis de l’année par :
• Des œuvres de pénitence (privation de tabac, de friandises, de loisirs, etc.) ;
• Des attitudes de charité fraternelle (dons pris sur les privations, pardons réciproques, etc.) ;
• Des actes de piété (messe, prière, visite au Saint Sacrement…).
L’insistance est mise – et c’est nouveau – sur le devoir de faire pénitence, non seulement en des comportements personnels, mais encore familiaux, communautaires, etc.5. – Il est annoncé, pour le début du Carême 1967, la publication d’un document doctrinal et pastoral sur cette discipline pénitentielle rénovée.
6. – Cette mesure de la suppression de l’abstinence des vendredis ordinaires risque d’avoir de sévères répercussions économiques et sociales, tant pour ceux qui pêchent les produits de la mer, que pour ceux qui les commercialisent. L’épiscopat, depuis de longs mois déjà, étudie cette question avec les professionnels concernés.
Le clergé, les séminaires, le diaconat permanent, la liturgie
Outre les questions doctrinales – dont nous avons dit qu’elles ont constitué l’axe des travaux de l’Assemblée – et outre encore la recherche portant sur les attributions nouvelles et importantes des Conférences épiscopales – (nous reviendrons sur tous ces points de même que sur les rapports de NN. SS. Ancel et Ménager), les études, décisions et orientations concernant le clergé, les séminaires, le diaconat permanent, la répartition judicieuse, condition réelle et la situation matérielle du clergé sont de toute autre envergure et d’une tout autre portée.
La réforme qui prend ainsi son essor apparaîtra sans aucun doute dans l’histoire comme aussi décisive que celle qui suivit – souvent très lentement et difficilement le Concile de Trente.
Nous publierons jeudi les textes remis à la presse par le Secrétariat de l’opinion publique, et les précisions qu’ont bien voulu nous donner les évêques présidents ou rapporteurs de Commissions.
De même donnerons-nous ce jour-là des indications sur la réforme liturgique, en particulier pour une liturgie plus pastorale de la confirmation, du mariage et des fiançailles. La seule décision à laquelle l’Assemblée plénière ait décidé de surseoir est l’anticipation, en certains lieux et en raison d’exigences sérieuses, de la célébration de messes le samedi soir et qui permettraient de satisfaire au précepte de la messe dominicale.
Au cours des jours et semaines qui viennent, nous reviendrons sur ces décisions et orientations, ainsi que sur d’autres qui demandent d’être présentées dans leur contexte, et qui témoignent de la qualité doctrinale et pastorale du travail que notre épiscopat, attentif et fidèle aux décisions du Concile et aux modalités d’application décidées ou à décider par le Saint-Siège, a réalisé sous la protection de Marie, Mère de l’Église, et sous le souffle de l’Esprit Saint.
Oui, vraiment, la mise en application du Concile est, chez nous, lucidement et courageusement commencée.
L’application du Concile…
La Constitution apostolique Paenitemini ne disait pas exactement cela. Elle établissait que tous les fidèles sont tenus de faire pénitence :
- Les deux jours de « jeûne et abstinence » sont le mercredi des Cendres et le Vendredi saint.
- Les jours d’abstinence à observer obligatoirement dans toute l’Église sont tous les vendredis.
- La loi de l’abstinence interdit de manger de la viande, mais non pas les œufs, les laitages et les graisses animales.
- La loi du jeûne astreint les fidèles à ne prendre qu’un repas par jour, – avec la faculté de prendre un peu de nourriture le matin et le soir.
- Sont soumis à la loi de l’abstinence tous les fidèles ayant 14 ans révolus, le jeûne est obligatoire pour les personnes ayant plus de 21 ans et moins de 60 ans. Pour les enfants, la Constitution engage les parents à leur inspirer le sens de la pénitence.
Cette Constitution précise qu’en application du décret conciliaire Christus Domitius, sur la charge pastorale des évêques, il appartient aux Conférences épiscopales de remplacer, pour des raisons valables, les jours de jeûne et d’abstinence par d’autres formes de pénitence, et surtout par des œuvres de charité. L’abstinence a été supprimée pour les veilles des grandes fêtes, telle que notamment celle de Noël et pour les Quatre Temps, et que l’âge à partir duquel les jeunes sont soumis à la loi de l’abstinence a été porté de 7 à 14 ans.