C’est un bref entretien avec l’archevêque melkite d’Alep qui a été publié sur le site Le Point.fr. On ne peut que se réjouir du fait que la presse française commence à donner la voix à des acteurs syriens vivant en zone gouvernementale. On parle depuis quelques jours d’Alep, en rappelant les conséquences des interventions syriennes et russes. Pourtant, cela fait des mois qu’Alep est dans toutes les conversations en Syrie, comme dans le reste du Proche-Orient. Cependant, les bombardements rebelles ne sont guère soulignés. Les chrétiens alépins ont dû quitter la ville pour aller dans d’autres localités de la Syrie. Dans certains cas, les chrétiens ont même été pris comme cibles par les rebelles. Pendant tout l’été, Alep a été sous le feu de l’actualité au Proche-Orient. Ce n’est qu’en France que sous l’influence d’une opposition syrienne moribonde que la ville d’Alep a été mise sur le tapis médiatique…
Comment vivez-vous actuellement à Alep ?
Jean-Clément Jeanbart : Nous arrivons à nous ravitailler, grâce aux organisations humanitaires, par exemple l’Unicef. Mais nous n’avons pas d’électricité, l’eau est souvent coupée, le travail devient impossible. (…) Nous sommes terrorisés par ce qui se passe. La situation n’a jamais été aussi préoccupante. Ce que nous espérions avec la dernière trêve malheureusement n’a pas eu lieu. Qu’allons-nous devenir ? Depuis cinq ans nous vivons sous les bombes. Notre ville, naguère, était prospère, hyperactive, cosmopolite ; tout le monde pouvait y vivre ensemble, main dans la main. Et maintenant ? Tout cela est réduit à néant. On dirait qu’Alep subit le même sort qu’Hiroshima ou Nagasaki. Allons-nous pouvoir un jour reconstruire tout cela ? Nous sommes terrassés, mais nous gardons espoir.
Une autre question est posée à Mgr Jeanbart:
Partagez-vous les condamnations devant l’ONU des représentants français, américains et anglais dénonçant les bombardements russes et syriens comme « crimes de guerre » ?
Avant d’incriminer, il faut vérifier. Beaucoup d’informations arrivent de façon faussée. (…) Si crimes de guerre il y a, ils sont perpétrés des deux côtés. Toute guerre est un crime. Je condamne la guerre d’où qu’elle vienne. Je vous dis cela en toute bonne foi. Je ne me couvre pas les yeux, je n’ai pas peur que l’on m’arrête. Je demande qu’une seule chose : que toutes les parties s’assoient autour d’une table, et on trouvera une solution. Mais si certains refusent le dialogue, qu’ils sortent ! Pour vivre ensemble, il faut d’abord respecter l’autre. Ce pays appartient à tous les Syriens. Personne ne peut prétendre à un droit exclusif sur cette terre. (…) Que cherchez-vous ? Vous voulez détruire ce pays et vous le partager comme des loups ? C’est une guerre pleine de sang, d’argent, de corruption, de mensonges. Arrêtez de jouer en dessous de la table ! Laissez-nous tranquilles ! Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? Je parle en homme d’Église, avec sa conscience et son cœur. Chaque jour qui passe, je souffre comme si je perdais un frère ou une sœur.
Enfin, l’archevêque parle du rôle et du poids des chrétiens dans la Syrie:
je pense que notre société a besoin des chrétiens parce qu’ils œuvrent pour la convivialité, l’acceptation de l’autre, la gratuité. Ici, les chrétiens ont souvent été à l’avant-garde, en médecine, en sciences et en urbanisme, notamment. La Syrie, qui a vu naître le christianisme et des centaines de millions de chrétiens qui ont contribué à son édification, est ma terre autant que celle des autres. Nous devons rester ici parce que nous y sommes enracinés, autant religieusement que socialement.
Il souligne également les récentes actions visant à aider les chrétiens entreprises à Alep:
nous avons restauré 250 maisons pour que leurs habitants restent, nous avons fourni des prêts gratuits à 70 jeunes, nous avons proposé des bourses d’études pour 1 200 élèves, nous avons créé un centre de formation aux métiers du bâtiment, un centre de promotion pour les femmes, une coopérative alimentaire… Nous avons lancé un mouvement qui s’appelle Bâtir pour rester. (…) Le 6 octobre, nous rassemblerons plus de mille enfants chrétiens et musulmans de sept à douze ans pour prier ensemble pour la réconciliation et la paix.
Il est urgent de continuer à aider les chrétiens d’Orient !
Source: Le Point.fr.