Contre vents et tempêtes, la réforme du collège trace donc son cours dans la suite de la réforme du temps scolaire. Comme souvent, faisant fi de la réalité du terrain, ne tenant pas compte de l’opinion publique, surtout quand il s’agit de celle des parents, oubliant qu’ils sont les premiers éducateurs de leurs enfants et responsables en premiers chefs de cette éducation.
Dépossédés par le ministère de l’Education nationale qui s’est donné pour mission de sauver ces pauvres petits du déterminisme familial, pointés du doigt par les écoles et enseignants qui veulent les exclure bien souvent du système éducatif, nombre de parents démissionnent quand ils ne peuvent aller voir ailleurs, broyés qu’ils sont par la machine maoïste, en marche depuis la révolution française. Qu’on se rappelle l’expérience de Léonard Boudon. Vincent Peillon, comme son émule Najat Vallaud-Belkacem, chaussent la même dictature intellectuelle avec une aisance déconcertante.
La réforme qui introduit une sémantique abracadabrantesque et opaque vise à supprimer la notion de maître et d’élève, dans le but évident de décérébrer les jeunes générations. Plus une population est déstructurée et abêtie, plus elle est manipulable et « uniformisable ». Finalement la gauche bien-pensante, anti-capitaliste, œuvre pour une société de consommation aseptisée par des produits standardisés et déshumanisés aux coûts réduits, renforçant ainsi la domination économique de l’Homme. L’idée est de déboussoler les jeunes et les moins jeunes du reste, car nous savons bien que le ton d’une nation (pardon d’employer ce gros mot) est donné par sa jeunesse ou son absence de jeunesse.
Pour ce faire, débaptisez le professeur qui sait et l’élève qui apprend, pour n’avoir qu’un animateur chargé de veiller à ce que les « actants » développent non pas leur savoir, mais leur « savoir être ». Ensuite, interdisez les cours (qui véhiculent un savoir) pour des séances sans suite logique. Prohibez les chapitres qui ne sont qu’un élément du déploiement d’une idée, pour des séquences sans début, ni fin, donc nécessairement ouvertes. Avec cela vous aurez réduit une intelligence à un bloc de contenu vide, sans connexion logique, des fois que vous auriez eu l’idée de réfléchir. Il n’est plus question de transmettre un savoir mais d’ouvrir des possibles nourrissant le « savoir être ». Bien entendu ce savoir être n’est certainement pas le connais-toi toi-même de Socrate. Il répond bien d’avantage à l’idéologie du Gender pour qui on n’est pas ce que l’on est mais ce que l’on ressent que l’on est. Bref vous aurez, avec une telle bouillie, réussi à créer un homme absolument virtuel déconnecté de la réalité. De la sorte, ce petit cocktail Molotov pourra exploser à tout moment dans un monde instable et mal dans sa peau à la recherche constante de son « être putatif », s’éloignant toujours plus de son être réel.
Vous pourrez alors renforcer l’emprise de la main invisible qui, elle, sera là pour faire la sélection que vous ne pourrez plus faire, vous distribuant addictifs et compensatoires inefficaces, mais nourrissant ainsi l’hydre d’une société de consommation faite des besoins même de cette sempiternelle fuite en avant. C’est une méthode éculée de toutes les gauches que de s’assurer, par un clientélisme de dépendance, l’avenir de sa survie. En créant des personnes dépendantes, toujours aux abois, elle peut ainsi tenir dans sa main une population éternellement insatisfaite et que l’on peut acheter par des palliatifs et succédanés, comme les aides sociales, les revendications sociétales permissives qui sont avant tout des soupapes au mal-être profond que cette déstructuration, dont l’Education nationale est le maître d’œuvre, nourrit toujours davantage, comme un moribond creusant sa propre tombe.
Néanmoins, un léger filet d’air frais peut indiquer une possible issue de secours, si nous voulions bien l’emprunter. La réforme du temps scolaire a libéré de nombreuses plages horaires qui peuvent servir, si nous parvenons à les organiser, à rejoindre cette jeunesse désabusée et perdue. A l’image des anciens patronages, nous pouvons utiliser ces moments précieux pour donner à cette jeunesse la colonne vertébrale qui lui fait défaut. Mais cela suppose une véritable mobilisation d’une armée de bénévoles. Les compétences existent, les besoins sont là, il « suffit » de les faire se rencontrer et de l’organiser. Les retraités au talent encore vert ont tant à apporter à cette jeune génération qui attend tellement de leurs anciens, sans forcément le savoir.
La réforme du collège elle aussi, dispose d’un puissant interstice à qui veut bien s’y infiltrer. L’interdisciplinarité fait partie des grands mots de la nouvelle intelligentsia. Bien entendu, fondre avant d’avoir distingué évite le risque de comprendre causes et conséquences, de savoir d’où l’on vient et où l’on va. L’intéressant dans cette nouvelle mode réside dans la liberté qui est laissée au « professeur » (pardon de conserver l’ancienne nomenclature) dans ces « séquences » pour traiter l’interdisciplinarité. Ces séquences libres sont hors du programme et donc, pour l’heure, encore sans contrôle. La différence qualitative d’un enseignant à l’autre, d’un établissement à l’autre pourrait bien se trouver à cet endroit précis de la modernité du système. Il introduit, ipso facto, une libre concurrence, chère au catholique « directeur d’école et pair de France », Charles de Montalembert.
Car, ne nous y trompons pas, le nivellement par le bas se payera d’abord par les plus faibles ou les moins bons. La différence et l’excellence (même si celle-ci semble de plus en plus réduite) laisseront toujours émerger une élite. Et cette élite ne sera pas d’abord financière, elle sera culturelle, avec comme véritable critère de discernement non le savoir être, mais l’adéquation entre être et savoir. Parce que, dans la rigueur du monde professionnel et économique, le réel est toujours un boomerang qui fait mouche.
Evidemment, à cette réforme, il faut ajouter celle des programmes qui arrive et qui aura des effets bien plus pervers.