Voici le texte de l’allocution prononcée par Mgr Emmanuel Gobilliard à la fin de la célébration de sa consécration épiscopale, le dimanche 11 septembre 2016.
Avant de commencer mon discours fleuve, je voudrais saluer respectueusement toutes les autorités civiles et militaires qui ont eu la délicatesse de venir jusqu’ici pour mon ordination. Pour ne pas être trop long je ne citerai personne nommément. Merci à ceux du Puy avec qui nous avons vécu de belles choses, de belles réalisations, au service du bien commun. Merci à ceux de Lyon d’être venus m’entourer. Les liens profonds qui existent entre l’Eglise et la société civile trouvent une merveilleuse expression dans le renouvellement du vœu des Échevins que j’ai vécu avec une très grande émotion ici-même, jeudi. Je sais que le Rhône et le Roannais sont réputés pour tout ce qui se fait au service de tous et particulièrement des plus faibles et des plus pauvres. J’aurai toujours un grand plaisir à collaborer avec vous.
Merci aux représentants des autres confessions chrétiennes et des autres religions. Lyon est une ville profondément œcuménique et interreligieuse. Nous aurons donc, pour ma plus grande joie, de nombreuses occasions de partager, d’échanger et de collaborer. Merci de votre présence.
Je voudrais maintenant vous dire ma joie et ma profonde action de grâce pour tous les cadeaux que le Seigneur m’a fait.
Le plus beau cadeau qu’il m’ait fait, c’est l’Eglise, que je reçois d’une façon nouvelle aujourd’hui comme mon épouse. En fait, c’est l’épouse du Christ, mais, dans la mesure où comme évêque j’ai la responsabilité de le représenter, de le rendre présent, il me confie son épouse bien-aimée pour que je veille sur elle comme si c’était la mienne : cet anneau en est le signe nuptial.
Excusez ces paroles qui pourraient sembler un peu impudiques, mais je voudrais dire publiquement à cette épouse resplendissante combien je l’aime, et ce n’est pas qu’une façon pieuse de parler. Elle s’est manifestée à moi d’abord sous la forme d’une famille, première Eglise domestique. Elle m’a accueilli, aimé, éduqué, corrigé, pardonné et aimé encore. On ne devient pas évêque en quelques instants. Il faut d’abord être un séminariste, un diacre, un prêtre mais surtout un homme.
La famille est le premier séminaire, qui nous apprend à aimer, à nous donner, à être libres. Si le Bon Dieu m’avait laissé choisir ma famille, j’aurais pris la même : les mêmes parents, les mêmes frères, les mêmes belles-sœurs, les mêmes neveux et nièces. Et je peux continuer : les mêmes grands-parents, les mêmes oncles et tantes, cousins et cousines. Je vous aime tous tellement que je ne peux même pas trouver les mots adéquats. J’ai une pensée toute particulière pour mon cher parrain que des difficultés de santé retiennent loin d’ici. Vous êtes ma famille préférée ! C’est précieux une famille où je peux être fils et frère sans cesser d’être prêtre.
Merci Seigneur aussi pour mes amis. En m’aimant tel que je suis, ils m’ont permis d’être… heureux tout simplement. Grâce à eux, et avec eux, j’ai pu rire et pleurer, j’ai pu jouer de la musique, faire du théâtre ou du sport. Un véritable ami, c’est celui qui ne vous juge pas, qui ne vous réduit pas à un aspect de votre personne. C’est surtout quelqu’un qui est capable de vous reprendre, de vous corriger sans que jamais l’amitié elle-même ne soit remise en question. Je vous supplie de continuer d’être pour moi ce que vous avez toujours été et donc de me dire les choses franchement pour que je sache, grâce à vous, me remettre en question.
L’Eglise pour moi s’est manifestée aussi à travers l’enseignement catholique et les aumôneries de l’enseignement public, à travers le scoutisme, à travers les différentes paroisses que j’ai fréquentées de Saumur à l’Allemagne, de Tarbes à Paris en passant par Versailles. Ce sont ces professeurs, ces catéchistes, ces prêtres diocésains, ces eudistes aussi.
Merci à mes amis de séminaire et mes formateurs, au Puy, à Rome. Je n’oublie pas cette belle année au 4e régiment de chasseurs de Gap, où j’ai appris des choses que je n’aurais jamais imaginé apprendre.
Merci à mes amis du foyer de Tanjomoha à Madagascar, et spécialement au père Emeric.
Merci au diocèse du Puy, qui m’a accueilli et adopté, qui m’a forgé un cœur de prêtre. Merci au presbyterium du Puy. J’ai choisi d’être prêtre au Puy, après une année de propédeutique, surtout après avoir constaté, au-delà des différences, combien vous vous aimiez, combien vous formiez un presbyterium uni, solidaire, solide. Vous m’avez appris le métier. Merci à monseigneur Brincard. Il a été pour moi un évêque attentif, exigeant et toujours disponible. Merci à Monseigneur Crepy dont l’énergie et l’intelligence pastorale m’ont marqué. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu, entouré, secondé pendant ces années auprès des jeunes, à Yssingeaux, à la cathédrale, pendant cette année du Jubilé du Puy. Sans tous ces bénévoles, sans cette équipe solide de prêtres, de religieuses et de laïcs qui m’entourent depuis plusieurs années, je n’aurais pas vécu toutes ces grâces que j’ai reçues à l’ombre du sanctuaire de Notre-Dame du Puy.
Je ne vous dis pas tout cela pour faire une grande litanie de tout ce que j’ai vécu. Je le dis publiquement, pour qu’on comprenne bien que si je suis profondément heureux aujourd’hui, si je l’ai toujours été, au point que j’en éprouve une certaine confusion, c’est grâce à l’Eglise. Et l’Eglise, ce n’est pas seulement le pape, les évêques et les prêtres. L’Eglise, c’est surtout vous, qui vivez, qui transpirez, qui souffrez, qui aimez. Je dois mon bonheur à chacun de vous qui, par la grâce de Dieu, avez croisé mon chemin. Je précise que le bonheur dont je parle, n’a rien à voir avec le bien-être qui est devenu l’idole de notre monde trop horizontal. Le bonheur, c’est d’être aimé par Dieu qui nous dépasse et nous permet de nous dépasser. Que serais-je sans Lui qui vient sans cesse à ma rencontre, que serais-je sans vous ! Dieu est la réponse à toutes nos questions, l’aboutissement de toutes nos aspirations.
Maintenant, je voudrais m’adresser à vous qui m’accueillez. Merci à notre archevêque pour sa confiance et sa bienveillance. Je garderai longtemps au fond du cœur cette phrase si touchante que vous avez dite au pape, en me désignant, alors qu’il s’approchait de nous : « Très Saint-Père, voici le cadeau que vous m’avez fait ! » J’espère que je saurai me montrer digne de ce que vous attendez de moi. Merci au Saint-Père. C’est un cadeau extraordinaire, pour moi, d’avoir été choisi par lui. J’adhère profondément à chacune des paroles qu’il adresse à l’Eglise, à chacune de ses attitudes. Merci pour la Joie de l’Evangile, merci pour Laudato Si, merci pour la Joie de l’amour, merci pour Misericordiae Vultus et pour cette année de la Miséricorde pendant laquelle j’ai été témoin, au fond de mon confessionnal ou autour du sanctuaire, des miracles que la miséricorde du Seigneur réalise dans les cœurs.
A ceux qui ne comprennent pas le pape François, je voudrais dire une chose : il est viscéralement et avant tout un évangélisateur. « Evangéliser, disait Madeleine Delbrêl, c’est parler du Christ à ceux qui ne le connaissent pas ». Pour comprendre le pape, il faut se mettre à la place de tous ceux qui ne connaissaient pas le Christ ou qui le connaissaient mal et qui ont redécouvert son visage dans l’attitude simple et accessible, aimante sans cesser d’être exigeante, du pape François.
Merci à celui qui le représente ici, monseigneur Luigi Ventura, dont la délicatesse et la charité fraternelle me touchent. Merci à tous mes frères évêques, qui m’ont manifesté par des petits mots d’une grande délicatesse, combien la fraternité épiscopale était une belle et importante réalité. Merci à mon frère Jean-Philippe, évêque de Digne, copain de séminaire et co-consécrateur. Quelle émotion ! Merci à ceux qui sont venus de loin, en particulier à Mgr Gemayel du Liban, qui nous rappelle par sa présence que l’Eglise est universelle et qui nous invite silencieusement à ne pas oublier nos frères d’Orient.
Merci à mes nouveaux frères du presbyterium de Lyon. J’attends de vous cette simplicité et cette franchise que j’ai reçue de ceux du Puy et que j’ai déjà vécu ici avec beaucoup de joie depuis que je suis arrivé, en particulier pendant les journées de rentrée du presbyterium la semaine dernière.
Merci à tous les religieux et religieuses, laïcs en mission ecclésiale, bénévoles du diocèse avec qui je vais être amené à travailler quotidiennement, de me considérer, selon les termes de Vatican II, comme un père, un frère et un ami. Vous avez certainement entendu déjà plein de choses sur moi, des on-dit et des rumeurs. Au nom de la charité et de la vérité, je vous demande de tout oublier… La réalité est bien pire !
Merci à ceux qui ont couru hier entre Le Puy et Lyon et à ceux qui ont marché dans la nuit de vendredi à samedi de Lyon à Ars. Merci aussi à tous ceux qui ont permis cette belle liturgie : le père Jean-Sébastien Tuloup, Thibault Louppe et la maîtrise de la Primatiale ; merci à Emmanuel Magat et à la maîtrise de la cathédrale du Puy ; merci à la Capella Forensis qui est l’ensemble instrumental de la cathédrale du Puy, à l’organiste, à La Route chantante dont je suis l’heureux aumônier ; merci à Jean-Marie, Ingrid, à Gilles et à toute l’équipe de la fondation de Fourvière pour l’organisation de la journée et merci à tous ceux dont le métier est de nous protéger.
Mes amis, nous vivons dans un monde difficile, et je pense à tous ceux qui vivent le chômage, la souffrance, le deuil. Je pense à tous ceux qui ont été profondément blessés, parfois par l’Eglise elle-même. Gardez votre regard fixé sur Jésus. Quand je regarde chacun d’entre vous, je vois une Eglise belle et rayonnante. Elle est si belle parce que ses membres sont très différents. Je vois des soutanes et des cravates, des chapeaux et des képis, des crânes chauves et des nourrissons, des grises, des bleus, des marrons, des blancs. Ce n’est pas la diversité de l’Eglise ni les sensibilités qui sont la cause de nos divisions, c’est notre péché ! Seul le Christ nous offrant la miséricorde du Père est la source de notre unité et donc de la beauté de l’Eglise. Si vous vous en sentez exclus, cela ne vient pas de Jésus, mais de nous. Nous ne sommes pas l’Eglise sans vous, sans les plus pauvres et les plus faibles, sans ceux qui souffrent et ceux qui sont blessés. Parfois nous lui rendons un bien piètre témoignage, et moi le premier. Je vous demande d’avance pardon de ne pas refléter comme je le devrais le visage du Christ.
Aussi je vous en supplie. Autant lorsque je vous regarde je vois l’Eglise dans sa beauté, autant lorsque vous me regardez, ne vous arrêtez jamais à moi, sinon vous serez immanquablement déçus, mais prolongez votre regard jusqu’au Christ. C’est lui et lui seul le véritable Epoux. D’ailleurs, l’anneau que je porte, en fait, c’est le sien. Son nom y est gravé. La crosse que je porte, c’est son bâton de pasteur, qui nous rappelle qu’il est l’unique pasteur. Et cette mitre, flanquée de deux grandes oreilles, c’est pour me rappeler que je dois toujours l’écouter, m’adresser à vous en son nom, m’adresser à lui en lui parlant de vous.
Pour terminer je voudrais vous donner un conseil. Nous vivons dans notre pays des heures difficiles. Dans ce climat de peur, de tensions, nous devons être irréprochables, nous devons être, plus que jamais, de vrais témoins du Christ. Savez-vous comment être vraiment témoins du Christ ? En vous posant la question, à chaque crise, à chaque événement auxquels vous êtes confrontés : « Qu’aurait fait le Christ à ma place ? » C’est la seule véritable attitude chrétienne. Pour cela, lisez l’Evangile. Tout est dedans ! Et imitons Jésus. Oui, aujourd’hui, alors que nous vivons dans un climat difficile, il est urgent que nous ressemblions à Jésus, que nous soyons doux et humbles de cœur, que nous pardonnions et que nous rendions à Dieu le seul culte qui soit digne de lui : d’aimer comme il aime. Il est urgent que nous soyons des saints ! « Le monde est en feu, disait sainte Thérèse d’Avila, ce n’est pas le moment de nous occuper d’affaires de peu d’importance. » Demandons à Dieu qu’il nous donne des saints.
Je vous demande enfin de prier pour moi. Mais quand vous prierez, ne demandez pas que j’aie tel style, telle sensibilité. Priez pour que je me convertisse, pour que je me tourne vers Dieu, que je sois sous l’emprise de l’Esprit Saint. Tout le reste n’est que du verbiage.
Eglise, mon amour, Tu es ce vase d’argile qui porte la perle de grand prix. Je ne peux te séparer du Christ et je veux te faire aimer.
Mgr Emmanuel Gobilliard