Jeudi 8 septembre, à 18h30, en la cathédrale Notre-Dame de Rouen, Mgr Luigi Ventura, Nonce apostolique en France, imposera le pallium à Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen.
Ce pallium a été béni et remis à Mgr Lebrun par le Pape François, le 29 juin dernier à Rome, lors de la messe célébrant les saints Pierre et Paul.
C’est la première fois, ce 8 septembre, qu’aura lieu en France cette célébration selon les directives nouvelles du Pape François (auparavant le pallium était imposé aux nouveaux archevêques par le pape lui-même à Rome).
Elle aura lieu en présence des cinq autres évêques de la Province de Normandie : Mgr Christian Nourrichard, évêque du diocèse d’Evreux, Mgr Jean-Luc Brunin, evêque du diocèse du Havre, Mgr Jean-Claude Boulanger, évêque de Bayeux et Lisieux, Mgr Laurent Le Boulc’h, évêque de Coutances, Mgr Jacques Habert, évêque de Séés (Orne).
Luc Perrin, sur le Forum catholique, qualifie cette nouveauté de “kaspérienne”:
Déplacer l’accent de Rome à l’Église locale, c’est très exactement la thèse du théologien de référence du pape, à savoir le cardinal Kasper : thèse à laquelle saint Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger s’étaient opposés dans une controverse ecclésiologique majeure et publique au début des années 2000.
Yves Daoudal explique que cette controverse était née du document publié en 1992 par la congrégation pour la doctrine de la foi (présidée par le cardinal Ratzinger) intitulé Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur certains aspects de l’Eglise comprise comme communion. Le texte rappelait, face à certaines dérives postconciliaires (notamment à Walter Kasper qui n’était pas nommé), en s’appuyant sur les textes de Vatican II (Lumen gentium et Christus Dominus) ainsi que des pères, de Paul VI et de Jean-Paul II, que « l’Eglise une et unique » précède ontologiquement et chronologiquement les « Eglises particulières ». En 1999, Walter Kasper publiait un livre où il reprenait une fois encore ses thèses. Le 27 février 2000, le cardinal Ratzinger, dans une conférence tenue en tant que préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, défendait le document de 1992 et condamnait explicitement la thèse inverse de Walter Kasper sur les Eglises particulières qui précèdent l’Eglise universelle. L’année suivante, Walter Kasper publiait un grand article (en anglais et en allemand) pour répondre à Joseph Ratzinger, c’est-à-dire au gardien du dogme.
Il suffit de lire ce texte pour comprendre que le « débat » dont parle Kasper n’existe pas. Il s’agit de deux discours qui ne se situent pas du tout sur le même plan. Le cardinal Ratzinger parle d’abord de la révélation, de la théologie de l’Eglise mystère, corps du Christ. Le cardinal Kasper parle essentiellement de l’Eglise comme d’une réalité sociologique. De ce fait il ne voit qu’un jeu de pouvoir entre ce qu’il dit être l’Eglise universelle qui est pour lui le pape et la curie, et les Eglises locales, les diocèses, donc les évêques, qui sont brimés par Rome qui ne leur laisse prendre aucune initiative… Le discours du cardinal Kasper est en fait politique. Il est significatif que lorsqu’il parle des évêques il parle de leur « pouvoir », et non de leur charge.
En fait il suffit même de lire le premier paragraphe de son texte (après le paragraphe introductif) pour comprendre de quoi il s’agit. Il explique en effet que sa position « ne résulte pas d’un raisonnement abstrait mais d’une expérience pastorale ». Ce que le cardinal Kasper appelle « raisonnement abstrait », c’est l’Eglise vue comme mystère, comme corps du Christ, comme communion. Et ce qu’il appelle « expérience pastorale », ce sont les revendications progressistes à l’égard du pouvoir central romain conservateur.
A la lumière de ce débat qui n’en est pas un, on comprend que l’initiative du pape quant au pallium s’inscrit dans cette tentative de subversion de la constitution divine de l’Eglise. C’est un petit pas vers la reconnaissance de l’autonomie politique, en quelque sorte, des évêques. Ce qui est souligné par le fait que c’est le nonce apostolique qui remet publiquement le pallium à l’archevêque. Le nonce, représentant du pape auprès des autorités politiques d’un Etat, et auprès de l’épiscopat de la nation en question. Et cela permet aussi d’aller dans le sens d’une reconnaissance des Eglises non seulement locales mais nationales, et de leurs conférences épiscopales, auxquelles François veut donner même des compétences « doctrinales »…