Lettre pastorale de rentrée de Mgr Jean-Pierre Grallet, Archevêque de Strasbourg :
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36)
L’appel à miséricorde lancé par notre pape François a largement fécondé notre vie chrétienne de l’année pastorale 2015-2016. Il ne saurait en être autrement pour l’année pastorale 2016-2017 qui s’ouvre maintenant.
En communauté paroissiale et aussi individuellement, nous avons pu faire une démarche jubilaire de miséricorde en franchissant à la cathédrale, au Mont Sainte-Odile ou ailleurs, la porte de la miséricorde qui nous ouvrait, symboliquement, l’accès au coeur miséricordieux du Père et à la réconciliation…
Je garde un souvenir ému du Jubilé de la Miséricorde célébré par près de trois cent cinquante prêtres d’Alsace, en notre cathédrale, le 29 juin dernier. Bonheur de nous rassembler, d’entendre la Parole de Dieu et de nous mettre en route…
Joie d’accueillir l’amour de Dieu et d’exercer, les uns pour les autres, le ministère de la miséricorde; action de grâce avec toute l’Église…
La cathédrale était assez grande pour accueillir les prêtres qui, assis, debout ou à genoux, dans la nef ou les bas-côtés, s’offraient mutuellement la miséricorde de Dieu. Quel beau signe que ces fraternelles retrouvailles, ce fervent partage de foi, d’espérance et de charité!
Puissions-nous, non seulement entre prêtres, mais aussi entre croyants et à l’égard de toute personne rencontrée, être miséricordieux comme notre Père est miséricordieux.
Chers confrères, chers frères et sœurs, je vous invite donc pour cette nouvelle année pastorale, à poursuivre cette belle expérience de miséricorde, dans nos communautés chrétiennes, en famille, entre « frères séparés », avec les jeunes en recherche vocationnelle…
Miséricorde en communauté chrétienne
Cette miséricorde se découvre par la lecture régulière de la Parole de Dieu. Nous ne pouvons pas nous passer de la Parole de Dieu, parole de vie et de miséricorde. Sans nous lasser, lisons et méditons, en communauté chrétienne ou dans la solitude de notre « chambre haute », cette Parole de Dieu. Écoutons le Christ, « visage de la miséricorde du Père ».
Pour nous aider à cette découverte, à cette lecture intelligente et aimante de la Parole de Dieu, notre Service Diocésain des Formations vous propose un outil précieux : « Saveurs d’Évangile », qui permet à quelques chrétiens (groupe de 6-7 personnes avec un animateur) de se rassembler autour de l’évangile du dimanche, d’écouter et d’accueillir, de savourer, de prier et de mettre en pratique cette parole de vie. Un ensemble de fiches est proposé pour aider à la réussite de ces rencontres.
Miséricorde dans nos familles
En octobre 2015, en conclusion du Synode pour la famille, le pape François invitait à nous mettre en route, ensemble, et à porter partout et en chaque situation, « la lumière de l’Évangile, l’accolade de l’Église et le soutien de la miséricorde de Dieu ». Comme j’avais pu vous le faire remarquer dans ma dernière conférence de carême, le pape rappelait ainsi l’importance d’une approche miséricordieuse de toute personne, des couples et des familles qui connaissent de par la différence des continents et des cultures, des situations si contrastées.
Le Synode invita à montrer avec un langage nouveau la beauté de la famille, à mieux préparer et soutenir les coupes mariés, à faire fructifier ce qui conduit les couples à la stabilité et au sacrement du mariage, à ne pas discriminer les personnes homosexuelles, à valoriser la place des femmes, à offrir une meilleure intégration dans l’Église aux divorcés remariés, et encore à ne pas opposer mais conjuguer doctrine et miséricorde, et à vivre en fidélité au Christ, visage de la miséricorde du Père…
Difficile et beau processus synodal, comme est difficile et belle une longue marche faite ensemble !
Je vous invite donc à la fois à lire et à travailler en groupes la belle exhortation apostolique « Amoris laetitia – la Joie de l’Amour ».
Je vous invite aussi à raviver nos habitudes de prière et à oser prier en famille. Trop de craintes, de pudeur ou d’oubli nous ont fait négliger ce signe si beau et si simple de notre vie chrétienne. Ne l’oublions pas, c’est en famille que s’apprennent les premiers réflexes de notre vie et de nos affections, de nos joies et de nos pardons, de nos solidarités fraternelles et de nos engagements…Rien ne pourrait se vivre sans prière.
Oui, chères familles, chers parents, osons chaque jour poser le signe de la prière au sein de la vie familiale : prière du soir, bénédiction du repas, temps de recueillement si les mots sont difficiles, mais où chacun peut se respecter, signe de croix…
Et puis, n’oublions pas le Notre Père, « la prière chrétienne », et sa demande si nécessaire : pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Que nos familles soient des écoles de miséricorde, où se vivent quotidiennement la prière et le pardon!
Je vous recommande vivement le beau cahier « Prier en famille » que vient d’éditer notre Service Diocésain de Pastorale Familiale.
Miséricorde entre « frères séparés »
Nos frères et soeurs protestants s’apprêtent à célébrer les 500 ans de la Réforme de Luther, survenue en 1517, et nous invitent à nous y associer. Bien évidemment nous ne pouvons pas nous réjouir de la division survenue, de ses regrettables causes et de ses déplorables suites.
Cependant nous nous reconnaissons frères et sœurs dans le Christ, appelés,- comme le fit si fortement le Concile Vatican II, il y a cinquante ans – à la conversion et à l’Unité dans le Christ. En Alsace, nous nous sentons particulièrement concernés par cet anniversaire et par la démarche œcuménique.
En vue d’une commémoration luthéro-catholique commune de la Réforme de 2017, la « Commission Luthéro-catholique romaine sur l’Unité » vient de publier un précieux rapport intitulé « Du conflit à la Communion » (Editions Olivetan).Il est la base de nos réflexions et de nos démarches d’aujourd’hui.
Le concile Vatican II, en novembre 1964, a lancé un appel fort à conversion, à réformation. Puisse cet appel, d’une constante actualité, être entendu de chacun de nous, d’où que nous venions, afin que nous progressions ensemble, vers le Christ et dans le Christ, notre chemin, notre vérité et notre vie (cf Jn 13,6) : « L’Église, au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre…
Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans conversion intérieure. En effet, c’est du renouveau de l’âme, du renoncement à soi-même et d’une libre effusion de charité que partent et mûrissent les désirs de l’unité. Il nous faut, par conséquent, demander à l’Esprit Saint la grâce d’une abnégation sincère, celle de l’humilité et de la douceur dans le service, d’une fraternelle générosité à l’égard des autres…
Cette conversion du cœur et cette sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout l’œcuménisme et peuvent à bon droit être appelées œcuménisme spirituel » (Vat II, Décret sur l’œcuménisme 6,7,8).
J’ai invité le Cardinal Kurt KOCH, président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, à nous donner, à la cathédrale de Strasbourg, une conférence sur le thème « Cinquante ans après Vatican II, les défis actuels de l’œcuménisme », le mardi 6 décembre 2016 à 20 h 30. Je vous invite tous à cette conférence. Auparavant, le même jour, en après-midi, le Cardinal aura participé à l’office célébré à l’église protestante Saint-Thomas pour marquer l’anniversaire de la Réforme et faire écho à la venue du pape François à Lundt, le 31 octobre prochain.
Miséricorde pour les jeunes en recherche vocationnelle
Toujours Dieu fait miséricorde et toujours Dieu appelle. Cet appel est réel et nous en recevons de nombreux témoignages. Beaucoup de jeunes reconnaissent avoir pensé un jour, sérieusement, à être prêtre ou religieux, religieuse ou missionnaire. Mais très peu ont persévéré jusqu’à l’engagement. Or notre Église a besoin du service des prêtres ainsi que du signe de la vie religieuse.
En cette année 2016, nous n’avons pas célébré d’ordination sacerdotale à Strasbourg, même si un prêtre alsacien a été ordonné, mais ailleurs, pour le diocèse aux armées. Heureusement, nous aurons la joie, en septembre, d’ordonner deux diacres en vue du sacerdoce et en octobre huit diacres permanents.
Notre diocèse a un réel besoin de prêtres au service des communautés chrétiennes et nous devons créer les conditions favorables pour l’éclosion et la persévérance de leurs vocations. La ferveur et l’unité des communautés chrétiennes locales, la ferveur et la prière des parents, l’écoute et l’encouragement des aînés, tout témoignage de charité et de sainteté, le bonheur des prêtres, malgré la dureté des temps et l’abondance des tâches, la patience et la bienveillance des chrétiens à l’égard de leurs prêtres, de leurs permanents de la pastorale et de leurs frères et soeurs de la vie religieuse, le soutien affectueux et respectueux de toute personne en traversée difficile…
tout cela contribue à créer un climat de confiance en soi, en les autres et en Dieu, un climat vocationnel favorable. Toute vocation est belle ; elle a besoin de soin et d’estime, de foi et de patience, de pardon et d’affection. En regardant la naissance, puis la croissance de ma propre vocation, je suis rempli de reconnaissance pour mes parents, croyants et aimants, pour le témoignage de prêtres, pour l’encouragement et la prière des chrétiens de ma paroisse, ainsi que celui de beaucoup d’autres personnes de tous bords.
Beaucoup, parmi nous, pourraient faire pareil témoignage. Réveillons donc notre foi, notre goût de vivre, notre joie, notre espérance en l’Église, notre confiance et notre vigilant soutien aux jeunes qui cherchent à s’engager. Prions et aimons… ainsi ce climat de foi et de joie sera porteur de vocations. Persévérons dans le don généreux de nous-mêmes, afin que parmi nous, les jeunes se sentent encouragés à se donner eux-mêmes, à leur tour.
Oui, toujours, Dieu appelle : sans nous lasser, prions le Maître de la moisson de susciter les ouvriers qu’Il attend pour sa moisson!
Ma lettre pastorale touche à sa fin. À travers elle, j’ai attiré votre attention sur quatre priorités : la Parole de Dieu au sein de nos communautés, la miséricorde et la prière en famille, la démarche œcuménique et le soutien des vocations… J’aurais pu ajouter : « Miséricorde pour les jeunes scolaires » afin qu’ils continuent de profiter d’un bon enseignement religieux à l’école.
J’aurais pu ajouter également « Miséricorde pour notre terre », thème d’urgente actualité, mais je suis heureux de vous signaler la constitution d’une antenne diocésaine « Laudato si », chargée de promouvoir réflexions, formations, liturgies et engagements concrets en faveur d’une écologie intégrale. Cette antenne ne manquera pas de nous faire connaître ses propositions.
Chers confrères, chers frères et sœurs, je vous remercie pour votre collaboration au service de l’Église et des hommes et des femmes de ce temps. Que Dieu vous garde dans sa Paix et dans sa Joie!