Le Cardinal Jean Louis Tauran, Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, publie une tribune dans l’Osservatore Romano du 12 août 2016 sur l’urgence du dialogue islamo-chrétien, qu’il présente comme « l’antidote le plus efficace » contre le terrorisme :
J’étais en France le jour où le père Jacques Hamel a été brutalement assassiné pendant la messe dans sa paroisse en Normandie.
Pendant deux jours, la France a été plongée dans la consternation: les médias ont informé en continu, et les commentateurs rappelaient la nécessité d’un dialogue entre les personnes de différentes confessions religieuses.
La célébration des funérailles rassemblé tout le pays, y compris les autorités politiques, pour partager la douleur de la famille, de la paroisse et du diocèse.
J’ai eu l’impression que les Français se sont rappelés que leur culture prenait racine dans le message chrétien. Le commentaire sur toutes les lèvres était: « On ne tue pas un curé ! ».
Certains n’ont pas hésité à dire que les religions sont facteurs de paix. Tout cela est important pour aujourd’hui et pour demain. Evidemment, ces faits criminels sapent la crédibilité du dialogue interreligieux, mais il faut continuer à se rencontrer, à se parler, à travailler ensemble lorsque cela est possible, pour ne pas laisser la haine l’emporter.
Souvent, je me rends compte que beaucoup de problèmes sont dus à l’ignorance de part et d’autre. Et l’ignorance engendre la peur. Pour vivre ensemble il est nécessaire de regarder celui qui est différent de nous avec respect, avec curiosité bienveillante et avec le désir de marcher ensemble.
Les difficultés, les déceptions, les tragédies d’hier et d’aujourd’hui doivent être méditées comme des leçons providentielles desquelles il revient aux hommes d’extraire la sagesse nécessaire pour ouvrir de nouvelles voies plus raisonnables et plus courageuses.
Il est devenu urgent d’approfondir le contenu de nos religions avec une catéchèse articulée, et nous les catholiques, à cet égard, nous sommes privilégiés parce que nous pouvons puiser dans le riche magistère du Pape Benoît XVI, lequel, plus que les autres papes, a parlé de la nécessité du dialogue islamo-chrétien.
On dit souvent que le dialogue religieux menace de tomber dans le syncrétisme. Je suis d’avis contraire. Je dirais que le dialogue interreligieux est l’antidote le plus efficace pour lutter contre le relativisme. De fait, la première chose que l’on fait, dans le dialogue, est de professer sa foi. On ne peut pas construire le dialogue sur l’ambiguïté.
Donc, je pense qu’un événement comme celui du 26 Juillet 2016 nous force à approfondir notre vie spirituelle, et à la nourrir par la prière et l’étude.
Il est toujours bon de se rappeler ce que disait dit Jean-Paul II à Kaduna, au Nigeria, le 14 Février 1982: « Nous tous, chrétiens et musulmans, vivons sous le soleil d’un Dieu miséricordieux. Et nous défendons la dignité de l’homme. Nous adorons Dieu et lui professons une totale soumission. Le christianisme et l’islam ont beaucoup en commun: le privilège de la prière, le devoir de justice accompagné par la compassion et l’aumône, et surtout un respect sacré pour la dignité de l’homme, à la base des droits fondamentaux de tout être humain, y compris le droit à la vie de l’enfant à naître ».
Par conséquent, nous pouvons et nous devons travailler ensemble, promouvoir l’éducation religieuse, d’autant plus que certains éléments de la société cherchent à faire oublier ou même à détruire l’aspect spirituel de la vie de l’homme.
En tuant le père Jacques, celui qui a conçu cet acte ignoble avait un but précis: montrer que la coexistence entre musulmans et chrétiens n’est pas possible. Nous avons montré, et nous croyons, que nous devons au contraire unir nos forces au nom de Dieu et travailler ensemble pour l’harmonie et l’unité dans un esprit de sincérité et de confiance réciproque.
François, pour sa part, signale en permanence que la coexistence fraternelle est non seulement possible, mais nécessaire et fructueuse. A l’occasion du pèlerinage en Terre Sainte, par exemple, le pape n’a pas hésité à dire devant le Grand Mufti de Jérusalem, le 26 mai 2014: « Dans notre pèlerinage terrestre, nous ne sommes pas seuls: nous croisons le chemin des autres fidèles, parfois nous partageons avec eux une partie du chemin, parfois nous vivons ensemble une halte qui nous rafraîchit. Nous vivons une communication et un échange fraternel qui peuvent nous nourrir et nous donner une nouvelle force pour faire face aux défis communs devant lesquels nous sommes placés “.