Devant le projet porté par le gouvernement français de contrôler davantage les écoles hors contrat, Guilhem Golfin, professeur de lycée et docteur en philosophie, explique pour Cyrano en quoi la liberté scolaire est l’enjeu d’un affrontement séculaire, issu des Lumières et de la Révolution.
« Il me faut convenir devant vous que le ministère de l’Education Nationale est préoccupé par le développement des établissements privés hors contrat et de l’instruction à domicile » a récemment affirmé Mme Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education Nationale, dans sa conférence de presse du 9 juin dernier. Afin de rassurer ledit ministère, Mme la ministre se propose donc de réformer par ordonnance le régime du hors contrat, en le faisant notamment passer d’un régime de simple déclaration à un régime d’autorisation administrative préalable. Quant à l’enseignement à domicile, son contrôle serait renforcé, sans doute en vue de décourager le plus grand nombre de ses adeptes. Sur le plan pédagogique, les écoles indépendantes devraient suivre la progression pédagogique de l’enseignement public.
Connaissant en France un fort essor depuis une petite dizaine d’années, les écoles hors-contrat et l’enseignement au sein de la famille sont donc, depuis le 9 juin, officiellement dans le collimateur de la rue de Grenelle. L’avenir dira ce qu’il ressort effectivement des velléités précipitées de Mme Vallaud-Belkacem, mais une chose est certaine : l’annonce a suscité aussitôt un tollé, tant dans les milieux associatifs qui s’occupent de l’école, que dans les sphères politiques – et même, fait hélas remarquable, mais d’autant plus à saluer, a fait réagir de manière forte plusieurs des évêques de l’Eglise catholique. D’aucuns évoquent déjà une réouverture de la guerre scolaire, et annoncent une bataille sans concession pour résister à ce nouveau coup de force du gouvernement.
Ces réactions sont saines, et tout à fait justifiées. Mais on peut se demander, toutefois, si la guerre scolaire entre l’enseignement public et privé a jamais été fermée. A y regarder de près, il serait bien plus exact de parler d’une forme de guerre froide continuelle, avec des pics irrégulier mais récurrents de réactivation du conflit. Ne pas le voir, c’est ignorer – volontairement ou par cécité intellectuelle – la véritable nature de l’école publique française.
Il est de fait un mythe tenace en France, qui veut que l’école ne fut gratuite et obligatoire qu’à partir de la IIIe République, et qu’en exagérant à peine, les générations précédentes furent presque laissées dans l’ignorance. Fruit du mépris entretenu vis-à-vis de tout ce qui avait trait à la monarchie et à l’Eglise, ce mythe est une pure calomnie historique. De fait, comme la plupart des institutions publiques, l’école fut prise en mains par l’Eglise depuis l’effondrement des structures de l’Empire romain, puis, à nouveau, de l’Empire carolingien. La monarchie absolue a confirmé cet état de fait, en confiant l’instruction aux ordres religieux, lesquels ont eu à cœur de diffuser le plus possible non seulement l’instruction élémentaire, mais aussi secondaire, dans notre terminologie, selon le principe de la gratuité.
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