Il y a quelques années, je visitais les studios télé d’une communauté Brésilienne, Cançao Nova, pour ne pas la citer. J’étais impressionné de l’engagement, du don, de ces laïcs ayant tout laissé pour venir évangéliser notre vieille France moribonde. Faisant part de mon émerveillement au responsable de la communauté, celui-ci me repris, presque durement, en ces termes : « Vous plaisantez ! Nous sommes venus ici pour réveiller un géant. »
Inutile de dire ma stupéfaction de Français défaitiste. Mais cela faisait écho à une autre discussion, tenue à Rome, avec des séminaristes du monde entier. Pour eux, quand la France s’éveillerait, le monde reprendrait le chemin de Dieu. Ils insistaient en nous montrant combien la terre de France était exceptionnellement porteuse de saints. Et c’est vrai, pour nous, c’est presque banal. Nous vivons au milieu d’eux sans même y faire vraiment attention, comme autant de statues de la fierté nationale. Mais pour certains de ces séminaristes dont le pays ne comptait guère plus de un ou deux saints, la France avait une place à part. Une place spirituelle, un poumon en même temps qu’un doigt tendu vers le ciel, à l’image de nos cathédrales.
Combien avons-nous renié notre rang de fille ainée de l’Eglise ? Combien avons-nous déserté les obligations morales et les responsabilités propres à ce rang ? Plein d’orgueil et de suffisance, nous admirions nos lauriers, oubliant que c’était ceux de nos ancêtres, les laissant ainsi se flétrir comme le sel s’affadit.
Perdant l’exemple de nos Grands Anciens, nous avons délaissé le ciel pour la terre. Nous avons pris à la prière et à la louange le temps qui leur revenait, sûrs que nous étions de pouvoir remplacer la grâce amoureuse par l’activisme humain. Peu à peu c’en fut fait des processions, des Fêtes Dieu, des vêpres dominicales, de l’adoration et des saluts au Saint Sacrement. De proche en proche, nous avons abandonné, avec la prière, les sacrements tandis que l’enfouissement devenait une doctrine justifiant la désertion de l’espace public.
Alors la France s’est recroquevillée et rabougrie. Alors la foi s’est diluée à mesure que la source de la grâce était délaissée. Dieu le tout autre et l’immanent est devenu la portion congrue de l’activisme chrétien. Ainsi la France a peu à peu glissé de l’œuvre de Dieu à l’œuvre pour Dieu pour devenir l’œuvre des hommes. Moins de Dieu, plus d’humain pour devenir moins humaine au final.
La France catholique s’est endormie, chloroformée par son reniement, asphyxié de s’être éloignée de la source de vie. Nous avons peu à peu déserté le sanctuaire pour le service de Dieu, oubliant que le service authentique vient du sanctuaire. Alors, dans une course poursuite avec l’efficacité, il a fallu faire toujours plus quand on priait toujours moins.
Mais aujourd’hui le géant frissonne de toutes parts. Les processions font leur grand retour. Rogations, Fêtes Dieu, chemin de croix, s’annoncent chaque jour plus nombreux. Les pèlerinages se multiplient. D’anciens sanctuaires reprennent vie. Les adorations fleurissent dans toute la France et enfin, le Sacré Cœur reprend, timidement encore, mais surement, son règne sur le cœur des Français.
La France prie de nouveau. Oh certes elle n’a jamais totalement cessé de prier. Mais les catholiques de France font de plus en plus de ce retour à la source le cœur de leur action, les prémices incontournables de leur engagement. La France revit peu à peu, comme la Belle au bois dormant s’ouvre à nouveau à la vie du baiser de l’amour de son aimé. Car telle est la grâce de la prière, c’est le souffle amoureux qui redonne vie. C’est l’ondée lumineuse qui parcourt la froideur des ténèbres.
Assurément la France prie de nouveau et, de prière en adoration, d’adoration en louange, de louange en sanctification, la grâce s’étend sur notre pays comme une tâche d’Huile Sainte. Certains peuvent être sceptiques au regard des crises que la fille aînée de l’Eglise traverse, tant spirituellement que matériellement. Mais c’est bien le renouveau spirituel qui règlera le désarroi matériel. Et celui-ci, c’est un fait, est en marche. Le géant est encore léthargique, mais le patient n’en est pas moins dans la salle de réveil. La vague de prière qui déferle sur la France est la plus formidable lueur d’espérance pour notre pays. Parce que rien ne résiste à la prière, à commencer par le cœur de celui qui prie. Et tout cela est conforme aux plus grandes apparitions dont le Christ et sa divine Mère ont honoré cette terre de saints, La Salette, Paray-le-Monial, la rue du Bac et tant d’autres.
Alors que nous sommes dans la neuvaine préparatoire à la solennité du Sacré Cœur, rappelons-nous les grâces promises à notre pays si nous nous décidons enfin à l’honorer.