Dans la musique des Jésuites, il faut réserver une place particulière à Domenico Zipoli (1688-1726). Né à Prato – Italie, il étudia la musique avec le maître de Chapelle du duc de Florence, qui, au vu de ses talents musicaux, l’envoya à Naples où il se perfectionna avec le maître Alejandro Scarlatti. Il rejoignit Rome en 1709 pour étudier avec Bernard Pasquini, et il devint maître de Chapelle de l’Eglise du Gesú, vivant au contact des pères Jésuites.
En 1712 se joue pour la première fois à Rome ses Vespri e Mesa per la festa di San Carlo, et l’année suivante son Oratoire Sant’Antonio di Padova, puis en 1714 l’OratoireSanta Caterina, Vergine e Mártire. Au début de 1716, il publie un volume qu’il intitule Sonate d’intavolatura per organo e cimbalo. Mais alors que les musiciens romains s’enchantent avec la musique de Zipoli, celui-ci, devenu jésuite entre-temps, se trouve à Séville dans l’attente d’être embarqué pour Buenos Aires.
Et c’est en juillet 1717 qu’il débarque en Amérique, en compagnie de 54 jésuites, parmi lesquels se trouve l’historien Pedro Lozano. Il s’installe immédiatement à Córdoba, au centre de l’Argentine, pour achever son cursus ecclésiastique. En 1724, bien qu’ayant terminé ses études, il ne put être ordonné faute d’Evêque. Zipoli utilise alors son temps libre pour composer toutes les messes et vêpres qui constituent sa production américaine. Il meurt deux ans plus tard en 1726 sans avoir pu être ordonné.
Son œuvre musicale américaine eut un grand retentissement et une très forte reconnaissance dans les réductions, comme le raconte Lozano, où « des heures avant que ne joue Zipoli, l’église de la Compagnie se remplissait, tous désireux d’écouter ces harmonies aussi nouvelles que supérieures ». Comme le confirme également le Père Peramás dans son livre publié en 1793 « De vita et moribus » (se trouvant en Italie suite à l’expulsion des jésuites), « certains prêtres excellents dans l’art de la musique étaient venus d’Europe, enseignèrent aux indiens des villages à chanter et à jouer des instruments. Mais personne ne fut plus illustre ni prolifique que Dominque Zipoli, autre musicien romain, dont la parfaite harmonie des plus douces et des plus travaillées pouvait s’imposer. Les vêpres qui duraient toute l’après-midi étaient particulièrement exquises. Il composait différentes œuvres pour le temple, qu’on lui demandait par courrier jusqu’à la ville même de Lima »…
Dans une lettre du père Jaime Olivier datée de 1767 (année de l’expulsion) on lit : «Tous les villages ont leur musique complète d’au moins 30 musiciens. Les sopranos son très bons, en effet ils sont choisis parmi les meilleurs voix de tout le village, les faisant participer depuis leur plus jeune âge à l’école de musique. Leurs maîtres travaillent avec une grande rigueur et attention, et méritent réellement le titre de maître ; en effet ils connaissent la musique avec perfection et la composent parfaitement ; bien qu’ils n’en aient pas besoin puisqu’ils possèdent des compositions parmi les meilleurs d’Italie et d’Allemagne, mais également des œuvres du frère Zipoli…
Les instruments sont excellents ; il y des orgues, des clavecins, des harpes, des trompes marines et trompes de chasse, beaucoup d’excellents clairons, violons, contrebasses, bassons et chimirias. Dans toutes les fêtes, il y avait dans l’après-midi des avant-vêpres solennelles avec toute la musique divisée en deux chœurs ». L’influence de Zipoli ne se limite pas seulement à Córdoba. Le vice roi du Perou sollicita depuis Lima ses compositions.
En 1959, le musicologue Robert Stevenson trouva une Messe en Fa pour chœur à trois voix, deux violons, orgue et orgue continue de Zipoli dans les Archives Capitulaire de la ville de Sucre en Bolivie. Un autre travail, publié en 1994 par le Docteur Piort Nawrot, présenta une compilation de Musique de Vêpres de Domingo Zipoli et autres maîtres jésuites anonymes correspondant aux Archives épiscopales de Concepción de Chiquitos, Santa Cruz (Bolivie). De même, Nawrot réalisa d’autres travaux de recompilation comme la Messe des Apôtres de Zipoli.
Sa musique fit de nombreux et fervents admirateurs de son vivant comme après sa mort.
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Evangelina Burchardt