Mgr Marc Aillet donne à Famille chrétienne ses impressions sur l’exhortation du pape :
Quelle votre impression générale à la lecture de l’Exhortation apostolique Amoris Laetitia ?
C’est un très beau texte, qui a du souffle et qui assume pleinement l’enseignement de l’Église. Le pape François intègre des données absentes chez ses prédécesseurs comme la question du gender ou des mères porteuses, qu’il juge sévèrement, ainsi que, comme il dit, l’accélération de la « destruction juridique de la famille ». Mais il cite aussi abondamment les catéchèses sur la théologie du corps de saint Jean-Paul II, ainsi que le passage de Deus caritas est de Benoît XVI sur l’eros et l’agapè. Ce texte porte aussi la marque personnelle du pape. On la voit notamment dans le magnifique quatrième chapitre de cinquante pages consacré à l’amour dans le mariage. C’est un prolongement pastoral de l’enseignement de l’Église. Cette dimension personnelle est intéressante parce que, même quand il dit qu’il ne fallait pas attendre de ce document un changement de la discipline de l’Église, il l’assume de manière tout aussi personnelle.
Pourquoi dites-vous que ce texte porte la marque personnelle du pape ?
C’est l’approche d’un pasteur. François insiste beaucoup sur l’accompagnement personnel des processus de croissance et sur une Église proche des réalités. Ce qu’il dit par ailleurs dans le cadre de ce Jubilé sur la Miséricorde et qu’il disait déjà dans Evangelii Gaudium. Quand il insiste sur ces réalités, il ne dit pas qu’il faut adapter la législation de l’Église aux réalités, mais rejoindre les gens dans ce qu’ils vivent de beau et, aussi, de blessé. Par deux fois il souligne que ce qui prime n’est pas la « pastorale des échecs » mais la promotion du mariage et de la famille comme une réponse aux aspirations de nos contemporains, en particulier des jeunes.
Y a-t-il aussi la trace de sa formation jésuite ?
Il y a de fait une dialectique interne à la pastorale : en effet, il s’agit d’incarner l’idéal exigeant du mariage et de la famille dans la vie concrète des personnes. Le pape François nous demande d’y être attentifs avec la même charité, compassion, miséricorde que le Seigneur. Mais il ne s’agit pas de transiger sur les exigences de la vérité. À mon avis, c’est important : il faut distinguer cette dialectique pastorale d’une dialectique doctrinale.
Quelle serait cette dialectique doctrinale ?
Ce serait celle qui opposerait les « conservateurs », qui pourraient avoir tendance à se réfugier derrière les principes de manière parfois rigide, et les « progressistes », qui voudraient changer la doctrine et la discipline de l’Église pour l’adapter aux réalités concrètes de la vie des personnes. Le pape François n’est pas dans cette optique de changement de la doctrine ni de la discipline. Il est dans la dialectique du pasteur qui prend à bras le corps la réalité. C’est cela qu’il faut surtout souligner. À la lumière de la parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église, que le pape François assume sereinement.
Ce texte change-t-il la législation canonique sur la communion ?
Dans une note de bas de page n. 351, le pape François parle de l’aide que l’Église peut apporter aux personnes et qui pourrait aller, dans certains cas, jusqu’aux sacrements. Mais cette note ne vise pas particulièrement les divorcés remariés. Elle concerne toutes les situations irrégulières. Cette note, qui ne donne d’ailleurs aucune préconisation pratique, doit être éclairée par le principe fondamental qui est qu’on ne changera pas la législation canonique. En effet, dans le paragraphe 300, il explique : « on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. » Puis, plus loin : « étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. Familiaris consortio, n.34), [le] discernement [qui oriente les fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu, Ndlr.], ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. »
A celui qui attendait une révolution du point de vue de la discipline en vigueur sur l’accès des divorcés-remariés aux sacrements de Réconciliation et d’Eucharistie, sa possibilité n’est même pas mentionnée. Et s’il y a « ouverture », elle est d’ordre pastoral et concerne l’accompagnement et l’intégration des personnes à la vie de la communauté ecclésiale. En somme, il développe ce que Jean-Paul II a dit dans Familiaris consortio, avec son approche essentiellement pastorale et des éléments très concrets pour la vie du couple et de la famille. En cela, le chapitre quatrième – le plus original – sur l’amour dans le mariage, est exemplaire, non moins que le cinquième sur la fécondité du mariage.
Quel est le véritable enjeu sorti de ce document ?
Le véritable enjeu, c’est l’approche pastorale, qui doit être faite de proximité avec les gens, d’attention aimante aux réalités de la vie concrète. Aux agents pastoraux, le pape François semble dire : « Je comprends que vous désiriez un enseignement clair et sans confusion, mais ne soyez pas éloignés des réalités concrètes des gens, sous prétexte que vous êtes fidèles à l’enseignement de l’Église. Ce n’est pas parce que vous vous salirez les mains avec un peu de la boue des réalités parfois blessées de la vie des gens, que vous ne devrez pas leur présenter l’idéal exigeant du mariage et de la famille. Donc soyez-là, proches, compatissants, montrez-leur qu’ils appartiennent à l’Église, ouvrez-leur un chemin de croissance, aidez-les, en éclairant leur conscience, mais sans se substituer à elle, à participer toujours plus, selon leur état, à la vie de l’Eglise. »
En temps que pasteur, comment recevez-vous ce message ?
Je me sens conforté dans ma mission et par rapport aux orientations pastorales familiales que nous mettons en œuvre dans notre diocèse. Dans le diocèse de Bayonne, nous organisons des journées avec les divorcés remariés et les divorcés non remariés. Je suis présent, je leur dis qu’ils sont d’abord des baptisés et que je suis leur Pasteur ; je leur donne un espace de parole ; puis je leur propose de cheminer avec eux, comme les disciples d’Emmaüs, à la lumière de la Parole de Dieu lue en Eglise, et conformément à la discipline de l’Eglise…
Nous avons mis en place aussi, avec une dizaine de bénévoles formés, ce que nous avons appelé « l’accueil Louis et Zélie », comme « un hôpital de campagne », selon l’expression du Pape François, pour accueillir, écouter, accompagner toutes sortes de situations de difficultés ou de blessures de la relation affective, de la fertilité, de la vie de couple ou de famille…. Des gens pas forcément pratiquants réguliers viennent avec leurs situations difficiles et trouvent un éclairage, un réconfort, une espérance dans leur cheminement, par ce que dit l’Église, qui est « experte en humanité » (Paul VI).
Comment interprétez-vous la lettre des cardinaux au pape pour le dissuader d’ouvrir la communion aux divorcés remariés ?
Je pense que cette lettre a largement précédé la publication de l’exhortation. Dans ce sens, je suppose que c’était une manière d’alerter respectueusement le Pape sur les groupes de pression, y compris à l’intérieur de l’Eglise, qui pouvaient bien faire du lobbying, par medias interposés, pour « revendiquer » la communion pour les divorcés-remariés, qui semblait focaliser l’attention du grand nombre. On peut constater en tout cas que ces groupes seront déçus : la question n’est pas explicitement évoquée et la proposition pratique du Cardinal Kasper a même complètement disparu. Ne nous étonnons pas qu’il puisse y avoir au sein de l’Eglise des diversités d’approches, voire des désaccords dans la formulation de la doctrine et dans son application. C’est la preuve que l’Eglise est un Corps vivant. Ce qui est sûr, c’est que, quelle que soit la partition de chacun, l’Esprit Saint assiste le Successeur de Pierre et un consensus, je ne dis pas un compromis, finit toujours par se faire jour.
Pourquoi refuse-t-on la communion aux divorcés remariés alors que les prêtres pédophiles et partisans du ”mariage pour tous” continuent de communier et de célébrer l’Eucharistie? Le Sociologue Emile Poulat écrit: “Seul Dieu pourra nous réconcilier après nous avoir tous enterrés”. On a l’impression que l’Evangile et les enseignements pontificaux ne concernent pas les prêtres et les évêques: ils sont immunisés contre le mal, le péché, la mort, l’enfer; le paradis leur est acquis par le simple fait d’être prêtre ou évêque…Jésus a su bien le dire: “Les premiers seront les derniers…”
La maladie que vous avez de toujours vouloir taper sur le clergé catholique commence à étre lassante mon bon Jean.
Je vous dirais simplement que ce n’est pas parcequ’il y a de mauvais médecins que la médecine est mauvaise
A bon entendeur ( encore faut-il avoir les oreilles et surtout le coeur… d’ouverts)!
Il est doux d’avoir un tel Évêque dans notre diocèse; c’est sans doute pourquoi il subit un tel acharnement des réformateurs forcenés et des médias locaux. Mais que peut-il venir de bon des médias?
Méfiez-vous quand ils vous adulent: “c’est pour mieux te croquer, mon enfant !”
ö combien nous aimerions que Mgr Aillet voie juste dans son analyse sur la signification de la fameuse note de bas de page relative à l’accès aux sacrements.
Malheureusement, son analyse est manifestement fausse. Il y a bel et bien un changement, et un changement radical, par rapport à Familiaris consortio dans la nouvelle exhortation. Le pape dit dans sa note que l’aide apportée par l’Eglise à ceux qui sont dans une situation objective de péché, même partiellement imputable, peut prendre la forme, dans certains cas, de l’aide des sacrements.
Ce texte n’offre aucune échappatoire à l’interprétation que ceci rend possible dans certains cas la délivrance des sacrements de pénitence et de communion à des personnes divorcées remariées. En effet, de bonne foi la pénitence et la communion font partie des sacrements ici visés, et le remariage après divorce fait évidemment partie des cas de situation objective de péché ici visés, puisque ce cas est totalement concerné par les normes dont il est question aux numéros 304 et 305 et que la note de bas de page en cause s’impute au 305.
Or, Jean-Paul II dans Familiaris consortio dit exactement, à l’inverse, que, tout en aidant les fidèles divorcés remariés par tous les moyens possibles, l’Eglise ne pourra jamais étendre ces moyens à la délivrance de la communion tant que les personnes concernées ne quittent pas leur état irrégulier, par la séparation ou la continence.
Les éléments invoqués par Mgr Aillet n’offrent malheureusement nullement les échappatoires requis! Il dit d’abord que la note ne vise pas particulièrement les divorcés-remariés. Soit, encore que…Mais pour autant, la note ne les exclut pas et évidemment les inclut. La mauvaise foi serait insigne à vouloir le nier. Mgr Aillet dit ensuite que l’exhortation n’apporte pas les changements canoniques qui seraient nécessaires à une interprétation de la note ouvrant la communion aux divorcés remariés. Mais il montre après que les changements canoniques dont il parle seraient des changements applicables dans tous les cas. Or, certes il n’y a pas de changements canoniques de portée générale, mais ce que le pape évoque dans sa note, c’est justement des ouvertures à la communion dans certains cas! La réponse de Mgr Aillet ne tient donc pas du tout.
En conclusion, malheureusement, l’interprétation restrictive de Mgr Aillet ne tient pas. C’est incontestable. La seule question qui reste ouverte est celle de savoir si Mgr Aillet croit à ce qu’il dit, ou s’il fait mine de ne pas comprendre pour éluder le problème. Dans les deux cas, c’est lamentable; et dans les deux cas, la conséquence est grave: cela aide le pape à franchir sans trop de remous l’étape dangereuse de la sortie de son exhortation, pour pouvoir installer ensuite son ordre impie.
On est en plein mensonge, au comble du pharisaïsme.
C’est un effondrement de la foi, et de la simple honnêteté.
Vous souvenez vous de la parabole du maître de la vigne? “S’il me plait de donner [aux ouvriers de la onzième heure] autant qu’à toi, je ne te fais aucun tort” .
Il y a deux types de personnes en ce bas monde: les gens qui comme André savent comprendre (probablement sans l’avoir lue intégralement) l’exhortation apostolique et par delà même les pensées du pape et ceux qui comme Mgr Aillet ont eu beau lire le texte à la lumière d’une formation théologique et ecclésiologique solide, et qui malgré tout n’y comprennent rien et dont l'”analyse est manifestement fausse”!
Le texte de l’exhortation apostolique est long et complexe (comme sont complexes les situations et les difficultés des familles d’aujourd’hui, chez nous et au bout du monde). Le commenter en se focalisant sur une note de bas de page, c’est regarder le problème par le petit bout de la lorgnette.
Permettez-moi d’y voir quand même un signe positif: si sur plus de 200 pages (dont je n’ai lu que les synthèses pour le moment, je le dis sans fard), le point de contestation tient en une note de pied de page de 5 lignes, c’est que la “brèche” annoncée est une bréchounette (et encore, pour ceux qui veulent y voir une brèche), et que le reste du document est et reste de haute volée.
André, je ne suis pas d’accord. Il faut croire en l’indéfectibilité et la pérennité de l’Église si on est catholique: “Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle…” S’il y a un dérapage, il faut donc espérer et croire qu’il sera rattrapé tôt ou tard; cela s’est vu déjà dans l’histoire… Humainement, si on admet l’hypothèse du pire (à savoir, quelle que soit l’intention du Saint-Père, il a laissé échapper une bête qui deviendra vite incontrôlable), alors il est tout de même important que d’ici à la rectification qui interviendra sous ce pontificat ou un prochain, on puisse trouver des évêques qui auront gardé le cap et, en montrant que ce texte pouvait être compris de manière orthodoxe, permettront de justifier sa réinterprétation en lien avec un correctif ultérieur. Se rappeler que les dogmes fondamentaux, aux origines du christianisme, se sont définis en zigzag et non en ligne droite, de clarification en clarification avec des déviations qui allaient trop loin dans un sens ou l’autre, entre deux définitions. La marche de l’Église n’a jamais été tranquille.
Merci Claude pour votre Espérance.
D’accord avec André !
lire : http://benoit-et-moi.fr/2016/actualite/un-document-catastrophique.php
Mgr Aillet évacue soigneusement tout ce qui pourrait le gêner dans “Amoris laetitia”. Lapsus significatifs: les mots “législation” et “discipline” lui viennent plus facilement à la bouche que le mot miséricorde. Heureusement, les chrétiens savent lire.
André à Claude
Je comprends que vous êtes bien intentionné en disant ce que vous dites, mais malheureusement en pratique vous vous trompez. Dire que ce texte peut être compris de manière orthodoxe est faux et on ne gagnera pas par le mensonge.
En couvrant, pour ne pas faire de vague, l’erreur commise, on commet un acte grave, car la pratique de la distribution de la communion aux divorcés remariés et aux concubins notoires va se répandre et ensuite il sera impossible de revenir en arrière.
Ce faisant, on tombe dans le piège tendu par le pape, qui veut absolument permettre cette ouverture de la communion et qui ne pouvant le faire clairement et ouvertement, met cela en place discrètement par une note de bas de page en escomptant éviter les remous et aboutir à ses fins.
Conclusion: en agissant comme vous le proposez, vous servez son stratagème. S’il y a une erreur, on la dénonce, ce qui a été toujours fait d’ailleurs dans l’Eglise, il y a des martyrs de la vérité en pagaille, êtes-vous prêts à cela? car je n’ignore pas que si vous êtes un clerc vous serez mis au rencart si vous dites la vérité.
Cher Justin, il n’y a aucun prêtre qui fait le gendarme dans sa paroisse: il lui est pratiquement impossible de vérifier qui de ses fidèles présents à la messe communient…La foi est un engagement communautaire et personnel; c’est du point de vue personnel que certaines personnes communient tout en connaissant leur situation irrégulière aux yeux de l’Eglise et de Dieu; il ne revient pas au prêtre ou à quiconque de dire qu’on distribue la communion aux divorcés remariés ou aux concubins…personne n’est capable de savoir qui est qui dans notre Eglise! Même les voisins qui se connaissent ont du mal et/ou ont peur de le dire au prêtre…Bref, chacun sera seul dans son cercueil…dans ce cas, c’est un engagement personnel; certains ne croient pas au mystère de la foi; sinon il n’y aurait pas de prêtres pédophiles: eux aussi communient sans vergogne et célèbrent la Messe au lieu de démissionner: c’est parce qu’ils ne croient pas qu’ils sont là tout en détruisant la foi des autres! “A celui qui a beaucoup reçu on demandera beaucoup”. Prions pour notre Eglise car le pire est à venir, car nous avons oublié l’Evangile, on ne parle plus que des spéculations humaines…”C’est la miséricorde que je veux et non vos sacrifices”. Puisse l’année jubilaire de la divine miséricorde prendre le dessus sur nos condamnations…
@ Rascol, savez-vous ce que signifie “miséricorde”, a mon humble avis Mgr Aillet est mieux placé que vous dans ce genre de définition. C’est curieux en principe tout le monde respecte les règles de la ripoublique, mais quand il s’agit de l’Eglise, chacun essaye sa religion à la sauce tambouille. Oui dans l’Eglise, il y a des règles qui nous ont été données par Notre Seigneur Jésus-Christ et par les Pères de l’Eglise au rang desquels les Apotres, et le catholique s’il est logique avec sa Foi pour l’Amour de Jésus-Christ se fait une Joie de les respecter. J’ai été divorcé remarié et j’ai respecté ces lois parce que le Seigneur me le demandait et grâce à un prêtre nous avons pu comprendre bien des choses: la Communion de la Parole est très importante et pour quelqu’un qui a un minimum de jugeote, il se s’est hors du droit chemin. Nous avons obtenu tous les deux la nullité de notre premier mariage et maintenant nous pouvons communier au Corps du Christ. Et nous somme très heureux d’avoir respecté la “discipline ” de l’Eglise qui a été pour nous une source de grandes grâces. Alors de grâce respectons l’enseignement de tout temps de l’Eglise. Et s’il y a des clercs qui ne sont pas d’accord avec ça qu’ils commencent par apprendre la vraie Doctrine et ensuite l’enseigner aux fidèles car quelle ignorance dans la multitude des baptisés. Quant à Mgr Aillet, j’aimerai bien avoir un évêque comme lui et si tous les diocèses avaient un évêque de cette pointure, la face de l’Eglise de France serait changée