La Croix a mis en ligne l’intégralité de l’entretien donné par le cardinal Philippe Barbarin en février dernier :
Quand avez-vous été au courant du passé du P. Preynat ?
Une personne qui avait grandi à Sainte-Foy-lès-Lyon m’a parlé des comportements du P. Preynat (antérieurs à 1991, NDLR), vers 2007-2008. J’ai alors pris rendez-vous avec lui pour lui demander si, depuis 1991, il s’était passé la moindre chose. Lui m’a alors assuré : « Absolument rien, j’ai été complètement ébouillanté par cette affaire. » Certains me reprochent de l’avoir cru… Oui, je l’ai cru : il n’était pas dans le déni, au contraire, il avait reconnu tout et tout de suite, dès 1991.
J’ai consulté un spécialiste qui m’a expliqué que, dans ce genre de cas, les auteurs de tels faits restent dans le déni. J’avais vérifié que, depuis, on n’avait reçu ni plainte ni soupçon. J’observe d’ailleurs que plusieurs mois d’enquête de police n’ont conclu à aucun acte délictueux récent, ni même depuis 1991.
Pourquoi n’avoir pas saisi la justice ?
Quand je suis arrivé à Lyon, je ne savais rien. Quand j’ai appris les faits, nous ne disposions alors d’aucune plainte. J’attends désormais la fin de la procédure civile. Si le procès se clôt en raison de la prescription, j’ouvrirai alors un procès canonique, car un jugement doit être rendu : pour cela, je demanderai à Rome que soit levée la prescription prévue par le droit canon.
Pourquoi n’avez-vous pas lancé d’enquête canonique dès le début ?
Parce que les faits étaient canoniquement prescrits et qu’avant 2014, il n’y a pas eu de plaintes. Le cardinal Decourtray avait redonné sa confiance et un ministère au P. Preynat après l’avoir suspendu pendant six mois.
Rien ne s’est passé par la suite, le cardinal Billé (archevêque de Lyon de 1998 à 2002, NDLR), qui souhaitait le changer de paroisse en 1999, a pris avis auprès d’un avocat, m’a raconté le P. Preynat, et, en l’absence de nouvelles plaintes, il l’a nommé à Cours-la-Ville. Je n’ai pas remis en cause ce choix, consultant plusieurs personnes avant de le nommer curé en 2011.
C’est en 2014 que j’ai reçu, pour la première fois, une victime venue me raconter des faits aujourd’hui prescrits : j’ai écrit à Rome qui m’a conseillé de le suspendre de ses fonctions malgré les vingt-quatre années écoulées depuis les faits. Ce que j’ai fait.
Plusieurs parents s’interrogent : si vous aviez des enfants, auriez-vous couru le risque de les confier à ce prêtre ?
J’ai interrogé le cardinal O’Malley sur le sort des prêtres ayant commis des actes pédophiles anciens… Pour lui, ils doivent quitter le ministère, car à cause d’eux les gens ont perdu confiance dans l’Église. Donc la réflexion de ces parents est juste. Et je les comprends.
Mais je peux dire aussi que, depuis que je suis évêque, chaque fois qu’on m’a signalé un abus, j’ai réagi dans la seconde, suspendu le prêtre et alerté la justice : c’est arrivé à Lyon en 2007 et en 2014. Avec le P. Preynat, la situation est bien différente, car il s’agissait de faits anciens pour lesquels il n’y avait jamais eu de plainte, ni aucun indice de récidive. Ma seule préoccupation est qu’aucun mal ne soit plus jamais commis.