La rencontre était annoncée par le journaliste Jean-Pierre Denis (La Vie): le pape François a reçu plusieurs personnalités que l’on peut classer parmi les chrétiens de gauche, même si certaines d’entre-elles se sont clairement illustrées contre le mariage dit pour tous (le député PS Nestor Azerot ou le fondateur des Poissons roses, mouvement proche du PS qui a fini par se dissoudre). Jean-Pierre Denis a fait le récit de cette rencontre et rapporte certains propos tenus par le pape.
Nous citons quelques-uns de ses propos donnés à bâtons rompus, lors de cette “conversation politique”. Certains peuvent faire débat. Le pape François s’exprime sur un ton très personnel.
Sur la mondialisation:
Certes, la mondialisation nous unit et elle a donc des côtés positifs. Mais je trouve qu’il y a une bonne et une moins bonne mondialisation. La moins bonne peut-être représentée par une sphère : toute personne se trouve à égale distance du centre. Ce premier schéma détache l’homme de lui-même, il l’uniformise et finalement l’empêche de s’exprimer librement. La meilleure mondialisation serait plutôt un polyèdre. Tout le monde est uni, mais chaque peuple, chaque nation conserve son identité, sa culture, sa richesse. L’enjeu pour moi est cette bonne mondialisation, qui nous permet de conserver ce qui nous définit. Cette seconde vision de la mondialisation permet d’unir les hommes tout en conservant leur singularité, ce qui favorise le dialogue, la compréhension mutuelle. Pour qu’il y ait dialogue, il y a une condition sine qua non : partir de sa propre identité. Si je ne suis pas clair avec moi-même, si je ne connais pas mon identité religieuse, culturelle, philosophique, je ne peux pas m’adresser à l’autre. Pas de dialogue sans appartenance.
Sur la France et son apport au Christianisme (on notera l’attachement du pape à certaines figures jésuites):
Je suis allé seulement trois fois en France, à Paris, pour des réunion de jésuites, lorsque j’étais provincial. Je ne connais donc pas votre pays. Je dirais qu’il exerce une certaine séduction, mais je ne sais pas très précisément dans quel sens… En tous cas, la France a une très forte vocation humaniste. C’est la France d’Emmanuel Mounier, d’Emmanuel Levinas ou de Paul Ricœur.
D’un point de vue chrétien, la France a donné vie à de nombreux saints, des femmes et des hommes d’une très fine spiritualité. Notamment chez les Jésuites, où à côté de l’école espagnole s’est développée une école française, que j’ai toujours préférée. Le courant français commence très tôt, dès l’origine avec Pierre Favre. J’ai suivi ce courant, celui du P. Louis Lallemant. Ma spiritualité est française. Mon sang est piémontais, c’est peut-être la raison d’un certain voisinage. Dans ma réflexion théologique, je me suis toujours nourri d’Henri de Lubac et de Michel de Certeau. Pour moi, de Certeau reste le plus grand théologien pour aujourd’hui.
Sur la miséricorde:
En latin, c’est le cœur qui s’incline devant la misère. Mais si l’on suit l’étymologie hébraïque ce n’est plus seulement le cœur mais les tripes qui sont touchées, l’abdomen, le ventre de la mère, cette capacité à sentir de manière maternelle, depuis l’utérus. Dans les deux cas il s’agit de sortir de soi.