Le Service national Famille et Société (SNFS), qui dépend du Conseil Famille et Société (présidé par Monseigneur Jean-Luc Brunin) de la Conférence des évêques de France, a invité le père jésuite Alain Thomasset à venir enseigner les délégués épiscopaux à la Pastorale familiale qui aura lieu le 7 mars lors de leur prochaine Journée nationale de rencontre et de formation. Or, la réflexion hétérodoxe de ce Jésuite sur les « actes intrinsèquement mauvais » troublent ces délégués. Il avait en effet déclaré lors d’une journée d’études sur la Pastorale de la famille, organisée en vue du Synode, le 25 mai 2015, à l’Université grégorienne de Rome :
« Je crois que l’interprétation de la doctrine des “actes intrinsèquement mauvais” est une source fondamentale des difficultés actuelles de la pastorale des familles, car c’est elle qui détermine en grande partie la condamnation des moyens de contraception artificiels, des relations sexuelles des divorcés remariés et des couples homosexuels, même stables ».
Perepiscopus a déjà parlé de ce jésuite ici, ici, ici et ici.
Une fronde couve et Fabrice Madouas a interrogé pour Famille chrétienne, l’abbé Hubert Lelièvre, délégué épiscopal à la famille du diocèse d’Avignon. Voici un extrait de ses réponses :
“[…] je crains que, sur ce point, la réflexion du Père Thomasset, telle qu’elle s’est exprimée l’an dernier à l’Université grégorienne de Rome, ne panse pas leurs maux. Ces mots-là ne guérissent pas. Au contraire, ils risquent d’aggraver les choses en puisant au relativisme ravageur dont souffre la société tout entière.
Vous ne partagez donc pas ce que dit le Père Thomasset sur les « actes intrinsèquement mauvais » ?
Je ne le partage pas, car ce n’est pas ce qu’enseigne l’Église. Et je ne crois pas qu’il soit opportun que, dans cette assemblée, soit diffusé un autre message que celui de l’Église.
Nous qui travaillons sur le terrain, nous qui sommes au contact de réalités souvent difficiles, nous n’avons pas besoin d’une morale douteuse, faussement compassionnelle, qui fragilise un peu plus les familles. Propos de surcroît datés, qui ne correspondent pas du tout à ce que nous constatons tous les jours en côtoyant des personnes blessées ou des foyers brisés.
Les familles, les jeunes surtout, ont soif d’espérance. S’ils se tournent vers l’Église – et ils sont nombreux ! – c’est parce qu’ils pressentent qu’elle peut leur offrir autre chose qu’une vague morale épousant les ruses et les facilités du monde. Cette autre chose, c’est l’Évangile. Cette autre chose, si je puis dire, c’est le Christ.
Mais justement, comment annoncer l’Évangile dans un monde qui l’ignore largement ? Ne faut-il pas adapter son discours à ceux que l’on veut convaincre ?
Aller vers le monde, cela n’a jamais été se rendre au monde. Apporter l’Évangile, ce n’est pas s’en éloigner. Sinon, nous ferions fausse route ! Combien de fois Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape François nous ont-ils dit de ne pas nous conformer à la mentalité du monde ? Combien de fois nous ont-ils mis en garde contre l’esprit mondain ? Contre cette « pitié fallacieuse » – selon Jean-Paul II dans sa Prière pour la vie – qui ne sauve pas mais au contraire enfonce ?
J’ai parfois l’impression que certains de nos pasteurs ont perdu l’espoir. Ils ont tort, car l’Église vit un temps extraordinaire : c’est incroyable, ce qui se prépare ! Je vois beaucoup de jeunes dans le cadre de la préparation au mariage. Beaucoup ont morflé, ils ont été cabossés par nos mensonges, ils sont souvent loin de l’Église, mais c’est incroyable ce qu’ils en veulent !
Je leur parle beaucoup d’Humanæ Vitae, et je peux vous dire qu’ils sont prêts à entendre cette parole de vérité. Leur vitalité est époustouflante. Incitons-les à regarder vers l’avenir, pas dans le rétroviseur ! Nous ne leur parlons pas assez de la vie éternelle, et pourtant ils sont prêts. Chacun sait que le chemin vers le Christ est long, que nous trébuchons souvent. Mais ayons cette audace évangélique, ayons la charité inventive qu’ils attendent de nous pour les tirer vers le haut.
Nous sommes dans l’Année de la Miséricorde. Certains ne risquent-ils pas de considérer que, puisque tout ou presque est pardonné, rien n’est vraiment grave ?
La « pitié fallacieuse » est le fruit d’une méconnaissance de la miséricorde. Elle engendre une morale froide, désincarnée, une morale qui durcit les cœurs et les intelligences et se retourne finalement contre l’homme et les familles qu’elle prétend aider.”
Il reste de la place à Parthenia ?
Oui, il reste de la place à Parthenia ce diocèse est immense et vide contrairement à l’enfer qui est plein mais où il reste aussi de la place.
La morale chrétienne est essentiellement évangélique. Elle est fondée sur l’imitation des actes et des paroles du Christ. Son but est d’aimer Dieu et le prochain. Par conséquent, celui qui aime Dieu et le prochain ne peut pas condamner les propos du Père Thomasset, car il parle en moraliste chrétien. L’expression ”actes intrinsèquement mauvais” est connue de tous les chrétiens catholiques authentiques. C’est pourquoi le Christ déclare: “Ce qui sort du cœur de l’homme le rend mauvais”; “Celui qui regarde une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère dans son cœur”; ” C’est du cœur de l’homme que sortent les pensées mauvaises”, etc. Bref, les actes intrinsèquement mauvais sont des actes posés indépendamment de toute influence extérieure, ce sont des actes librement consentis, responsables, consciencieux, volontaires, prémédités. En effet, le Christianisme n’est pas une religion comme toutes les autres, disait Karl Barth; c’est pourquoi il est difficile d’être chrétien…Enfin, ne confondez pas la ”morale juridique de la morale évangélique”…Les divorcés remariés, les chrétiens et les prêtres pédophiles ou homosexuels sont responsables de leurs actes devant Dieu, ils ne doivent pas se justifier en accusant l’Eglise que nous sommes tous ensemble. Être chrétien, être prêtre, être évêque, c’est être honnête avec soi-même, avec les autres et avec Dieu. Dr Jean-Bosco, théologie et éthique.
Mentir est un acte intrinsèquement mauvais. Il n’est jamais permis, même si l’auteur du mensonge pense que les conséquences de son acte seront bonnes.
Naturellement, l’ignorance, la stupidité peuvent atténuer la responsabilité du menteur, voir l’annihiler. Mais c’est une autre question.
Et quelle est la conclusion ?
il me semble que les actes intrinsèquement mauvais le sont.
cela ne veut pas dire que la personne qui commet ces actes soit condamnée, bien sur.
pour autant on ne peut pas transiger avec la vérité de l’enseignement de l’Eglise et on ne peut pas enseigner autre chose.
L’abbé Lelievre entièrement raison et je le félicite pour la clarté de son enseignement et pour l’espoir qu’il donne aux jeunes qui sont ambitieux pour Dieu
Est-il est permis de soupçonner le Père Alain Thomasset d’homosexualisme ?
Bonjour,
Sans doute gagnerions-nous tous, y compris moi, d’ailleurs, à lire les ouvrages du Père Thomasset, afin de connaître encore plus, et de comprendre encore mieux, le fond de sa pensée. Je pense ici aux ouvrages suivants :
Interpréter pour agir (2011)
La morale de Vatican II (2013)
Les vertus sociales (2015).
1. Je prends appui sur la première partie de la phrase que vous citez : “Je crois que l’INTERPRETATION de la doctrine des “actes intrinsèquement mauvais” est une source fondamentale des difficultés actuelles de la pastorale des familles”. Le Père Thomasset met donc en cause l’INTERPRETATION de cette doctrine, mais comme il y a certainement au moins deux interprétations de cette doctrine, l’une plutôt légaliste, l’autre plutôt personnaliste, il faudrait que nous en sachions davantage sur celle de ces deux interprétations, ou, éventuellement, sur une troisième interprétation, qui, d’après le Père Thomasset, “est une source fondamentale des difficultés actuelles de la pastorale des familles”.
2. Si j’avais, pour ma part, un conseil à donner, ce serait celui-ci : faire connaître et comprendre, faire prendre en compte et mettre en oeuvre, par exemple, à la fois Populorum progressio ET Humanae vitae. Je m’explique :
– beaucoup, qui se veulent très rénovateurs, veulent bien entendre parler, avant tout, de la morale sociale de l’Eglise, mais, un peu moins, de sa morale sexuelle,
et
– d’aucuns, qui se veulent plus traditionnels, veulent bien entendre parler, avant tout, de la morale sexuelle de l’Eglise, mais, un peu moins, de sa morale sociale.
3. Or, il est à la fois difficile, nécessaire, salutaire, et même…”salvifique”, de prendre appui sur la complémentarité entre ces deux aspects de la morale chrétienne, ces deux aspects recouvrant des enjeux à la fois différents et convergents.
4. Une autre manière de dire la même chose revient à dire que le chrétien (celui, en tout cas, qui reconnaît, et qui sait très bien, que la Foi surnaturelle n’abolit pas la loi naturelle, et n’affranchit pas la personne humaine, vis-à-vis de la loi naturelle), doit avoir à la fois le respect et le souci de chacune des vertus naturelles, de la tempérance, notamment sexuelle, à la justice, notamment sociale.
5. Voici à présent une autre remarque, sur la deuxième partie de la phrase du Père Thomasset : “c’est elle (l’interprétation qu’il met en cause) qui détermine en grande partie la condamnation
– des moyens de contraception artificiels,
– des relations sexuelles des divorcés remariés,
– des couples homosexuels, même stables”.
6. Je peux me tromper, bien sûr, mais enfin il me semble que quand l’Eglise “condamne”, ou place “sous surveillance avec implication négative” tels principes ou telles pratiques, comme le ferait “une agence de notation en matière morale”, c’est avant tout pour mettre les personnes en situation intérieure de vigilance, et c’est avant tout pour les exhorter, les inspirer, les orienter, en vue de davantage de liberté responsable et de vérité objective, en elles et autour d’elles. Cette incitation à la vigilance n’est pas asservissante, si elle est bien appliquée par ceux qui en ont la charge, et si elle est bien comprise par ceux qui en sont les destinataires.
7. Je poursuis ces quelques lignes par une autre suggestion : relisons, par exemple, le chapitre V de Sollicitudo rei socialis et le chapitre VI de Caritas in veritate : ne croyons pas, en d’autres termes,
– qu’il n’y a aucun lien entre les péchés personnels qui portent atteinte à la tempérance, en matière de morale privée, et les péchés structurels qui portent atteinte à la justice, dans le domaine de la morale publique,
ou
– que l’Eglise catholique serait plus attractive ou plus convaincante, ou aurait une position plus équilibrée, si elle mettait
a) beaucoup moins en vigilance, sur et contre les péchés personnels qui portent atteinte à la vertu de tempérance, dans la sphère privée,
et
b) beaucoup plus en vigilance, sur et contre les péchés structurels qui portent atteinte à la vertu de justice, dans la sphère publique.
8. Ces questions forment un TOUT, exigeant, mais éclairant, et vraiment au service de la véritable dignité et de la véritable liberté de la personne humaine. Retrouvons le sens de ce TOUT : par exemple, lisons Veritatis splendor, mais aussi Evangelium vitae et Fides et ratio, pour avoir une vision complète et précise de l’anthropologie chrétienne produite par Jean-Paul II, et cela nous permettra de mieux comprendre, et de mieux faire comprendre, que quand l’Eglise “condamne”, si tant est que ce soit l’expression qu’elle emploie, dans ces cas, ce n’est pas par volonté de puissance asservissante, mais par volonté de sagesse libératrice.
Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour les quelques lignes qui précèdent, si jamais elles ne sont pas appropriées, et je vous souhaite une bonne journée.
A Z