« Lorsque je suis né en 1948, une ville comme Lagos au Nigeria comptait 300.000 habitants. Aujourd’hui, quelque soixante ans plus tard, elle en abrite 20 millions. Trente-cinq mille personnes occupent chaque mille carrée de la ville, et sa population augmente de 600.000 personnes par an.
« J’ai choisi Lagos comme exemple. J’aurais pu choisir Mumbai, Le Caire ou Mexico ; où que vous regardiez, la population du monde augmente vite. Elle croît à hauteur de l’équivalent de la population entière du Royaume-Uni chaque année. Cela signifie que notre pauvre planète, qui a déjà du mal à soutenir l’existence de 6,8 milliards de personnes, va devoir d’une façon ou d’une autre en abriter plus de 9 milliards d’ici à cinquante ans. Dans le monde arabe, soixante pour cent de la population a aujourd’hui moins de trente ans. Cela veut dire, d’une façon ou d’une autre, que 100 millions d’emplois niveaux vont devoir être créés dans cette seule région au cours des dix à quinze années à venir.
« Je suis parfaitement conscient des projections à très long terme qui annoncent que la population pourrrait décroître. D’ici à 150 ans, les tendances indiquent qu’il pourrait ne plus y avoir que 4 milliards de personnes, peut-être même 2 milliards, mais on ne peut s’échapper du fait qu’à court terme, d’ici à 50 ans, nous allons faire face à des problèmes monumentaux tandis que les chiffres exploseront. Aucune méga-ville ne saura rattraper ce rythme d’expansion afin d’assurer de bons soins, de l’éducation, du transport, de la nourriture et un abri pour tant d’hommes. La Terre non plus ne saura tous nous soutenir, alors que la demande et les pressions sur sa munificence, partout, s’intensifient à ce point. »
« De manière frappante, là où ces prêts sont gérés par les femmes de la communauté, le taux de la natalité a baissé. L’impact de ce genre de plans, de l’éducation et de la fourniture de services de planning familial a été très vaste. Alors que pendant les années 1980, les familles moyennes du Bangladesh avaient six enfants, le nombre moyen est descendu à trois. Mais alors que les méga-cités explosent comme elles le font, je crains que ce type de plans ne soit pas à même de soulager la misère de beaucoup de millions de personnes à moins que nous ne confrontions clairement et plus honnêtement que maintenant le fait que l’une des principales causes des forts taux de natalité demeure culturelles.
« Cela pose quelques questions morales très difficiles, je le sais, mais chacun de nous ne porte-t-il pas la même responsabilité à l’égard de la Terre ? Il est sûrement temps de demander si nous pouvons en arriver à un point de vue qui permette d’équilibrer l’attitude traditionnelle par rapport à la nature sacrée de la vie humaine d’un côté, et de l’autre, les enseignements à l’intérieur de chaque tradition sacrée qui exhortent l’humanité à rester au-dedans des limites de la bienveillance et de la munificence de la Nature. »
« De ce que je sais du Coran, encore et encore il décrit le monde naturel comme l’œuvre des mains d’une puissance unitaire bienveillante. Il décrit très explicitement la Nature comme possédant une “intelligibilité”, et le fait qu’il n’y a pas de séparation entre l’Homme et la Nature, précisément parce qu’il n’y a pas de séparation entre le monde naturel et Dieu. Il offre une vision totalement intégrée de l’Univers où la religion et la science, l’esprit et la matière font partie d’un seul tout vivant et conscient. Nous sommes, par conséquent, des êtres finis contenus dans une infinitude, et chacun de nous est un microcosme de l’ensemble. Cela me fait penser que la Nature est un partenaire conscient, jamais l’esclave irréfléchi de l’humanité, et que nous sommes Ses locataires ; les hôtes de Dieu pendant un temps tellement trop court. »