Inscrites sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, les Ostentions limousines, grandes fêtes religieuses et populaires, débuteront le 28 mars 2016, lundi de Pâques, et se clôtureront le 13 novembre. Mgr Kalist, évêque de Limoges, propose d’en faire un temps fort de conversion.
Vous êtes arrivé dans ce diocèse au moment de la dernière édition de ces Ostensions septennales. Qu’est-ce qui vous a frappé dans ces manifestations?
Nommé évêque le 25 mars 2009 mais ordonné le 17 mai, j’ai pris les choses en cours de route dans la mesure où les cérémonies commencent au tout début du printemps. Ce sont de beaux événements dont je garde un souvenir assez éblouissant. J’arrivais du Berry, une région voisine et cependant bien différente où, en tant que curé de paroisses, j’avais eu l’occasion de célébrer nombre de fêtes viticoles, agricoles ainsi que de saints locaux, mais toujours dans le cadre particulier d’une commune ou d’une corporation et jamais avec la présence des reliques. Or en Limousin, si les rites locaux peuvent être différents et la participation variable, la fête des uns se transporte chez les autres. C’est une fête plurielle qui draine de grandes foules et rassemble très largement en bousculant les clivages (sociaux, religieux..). Le mot « ostension » vient du latin ostendere qui signifie montrer : on processionne donc avec les reliques des saints. Grâce au travail des historiens, j’ai du reste appris beaucoup de choses sur ce culte des reliques assez nouveau pour moi et dont je peux témoigner qu’un très grand soin est pris, tant pour les conserver que pour les authentifier.
Quel est le rôle de l’Église dans l’organisation des Ostensions ?
L’Église est l’un des trois acteurs majeurs qui interagissent de manière la plus équilibrée possible. Le clergé catholique les légitime et leur donne une certaine orientation évangélique. Les Confréries (associations séculaires dont certaines remontent au Moyen Age) et les comités (créés pour les besoins de l’événement), sont détenteurs de la tradition et de la norme. « Gardiens du Temple et de ce qui est dans le temple », elles et ils ont un rôle clé dans la préparation pratique (finances, liens avec une société civile globalement bienveillante…). Quant au peuple, il se mobilise de façon étonnante qui pour préparer des décors, qui pour être interpréter une scène biblique. C’est ainsi qu’à Saint-Junien (photo), une procession-spectacle réunit pas moins de 1000 figurants !
Comment éviter de donner hors Église une image de la dévotion populaire qui ne se résume pas à un certain « folklore » ?
C’est évident qu’il existe une ambiguïté entre le culturel et le cultuel et que ce rapport central aux reliques n’est pas la fin ultime de la pratique chrétienne. C’est pourquoi elle doit être accompagnée d’une proposition d’évangélisation. D’où ma lettre pastorale, « Un peuple en marche », parue à la Toussaint 2014 et ce nouveau texte « Ostensions 2016, un chemin de guérison ».
Sans vouloir récupérer ces manifestations et en faire des catéchèses à grande échelle, j’interroge: à quelles conditions peuvent-elles être vécues et avoir un avenir ?
Justement, les premières Ostensions avaient été organisées pour implorer la protection divine contre le Mal des Ardents (l’ergotisme, maladie provenant de l’ergot de seigle), un fléau qui a disparu.
Quelle est leur modernité ?
J’invite ceux qui y participeront à regarder la société dans laquelle ils vivent et à repérer les maux contre lesquels apparemment nous ne pouvons rien faire. Le terrorisme ou le chômage, bien-sûr, mais aussi la difficulté à faire communion en communauté chrétienne, les petites malveillances, les rejets de l’autre, etc. Ayant désigné le Mal, on peut prier pour en être libéré en se tournant, ainsi que ce fut fait contre « le Mal des Ardents », vers Dieu et les intercesseurs que sont les saints. On peut aussi s’engager dans la mesure où on a prise sur ces maux, dans le domaine économique ou l’environnement comme on l’a vu récemment avec la COP21. Il faut aussi savoir rendre grâce pour tout ce qui est bon et le fêter. La fête est une autre dimension importante de l’Ostension.