Le Pape François a présidé, ce mercredi 10 février 2016, la messe du Mercredi des Cendres qui marque le début du Carême, un temps de pénitence qui prend un relief particulier en cette Année jubilaire de la Miséricorde. Cette année, comme ce fut le cas en 2013 peu après l’annonce de la renonciation de Benoît XVI, cette célébration s’est tenue à la basilique Saint-Pierre, et non à la basilique Sainte-Sabine, sur l’Aventin, comme c’est la tradition. Cette cérémonie s’est tenue en présence des reliques de saint Padre Pio et de saint Leopold Mandic, les deux confesseurs capucins, exposées depuis vendredi au Vatican.
Dans son homélie, le Pape s’est adressé, notamment, aux plus de 700 missionnaires de la miséricorde présents pour leur envoi en mission, en centrant une nouvelle fois sa réflexion sur le thème de la réconciliation.
«Les missionnaires de la miséricorde sont présents à cette cérémonie pour recevoir le mandat d’être des signes et des instruments du pardon de Dieu, a donc rappelé le Saint-Père. Chers frères, puissiez-vous aider à ouvrir les portes des cœurs, à dépasser la honte, à ne pas fuir de la lumière. Que vos mains paternelles bénissent et soulagent vos frères et sœurs ; qu’à travers vous le regard et les mains du Père se posent sur ses fils et guérissent leurs blessures !»
François a construit sa méditation autour des appels de saint Paul : «Laissez-vous réconcilier avec Dieu», et du prophète Joël :«revenez à moi de tout votre cœur». Il a rappelé que Dieu
«triomphe du péché et nous relève de nos misères, si nous les lui confions» Et cela relève de la grâce, mais aussi de la responsabilité individuelle de chacun : «C’est à nous que revient de reconnaitre notre besoin de miséricorde : c’est le premier pas du chemin chrétien ; il s’agit de franchir la porte ouverte qui est le Christ où Lui-même nous attend, le Sauveur, et nous offre une vie nouvelle et joyeuse.»
Le Pape a ensuite listé les freins qui empêchent de nombreuses personnes de se laisser embrasser par le pardon de Dieu :
«Il y a la tentation de blinder les portes, et de cohabiter avec son péché en le minimisant, en se justifiant toujours, en pensant de ne pas être pire que les autres ; mais en faisant ainsi, les verrous de notre âme se ferment, et nous restons enfermés en nous-mêmes, prisonniers du mal». Il a aussi évoqué comme un obstacle «la honte d’ouvrir la porte secrète de notre cœur», précisant toutefois que «la honte en réalité est un bon symptôme parce qu’elle indique que nous voulons nous détacher du mal ; cependant elle ne doit jamais se transformer en crainte ou en peur». Il a enfin évoqué «un troisième piège, celui de nous éloigner de la porte. Cela arrive lorsque nous nous terrons dans nos misères, quand nous ruminons continuellement, reliant entre elles les choses négatives jusqu’à plonger de manière abyssale dans les caves les plus sombres de notre âme.»
Face à ces trois risques, le Pape a rappelé que la tradition chrétienne offre trois «médicaments» pour soigner nos maladies, nos névroses, nos freins intérieurs : ces trois remèdes sont la prière, la charité vécue activement, et le jeûne, ou plus largement, la pénitence.
Le Pape a enfin lancé ce vœu rempli de bienveillance mais aussi de fermeté :
«Que le Carême soit un temps bénéfique pour nous couper de la fausseté, de la mondanité, de l’indifférence ; pour ne pas penser que tout va bien si je vais bien ; pour comprendre que ce qui compte vraiment n’est pas l’approbation, la recherche du succès ou du consensus, mais le nettoyage du cœur et de la vie pour retrouver l’identité chrétienne, c’est-à-dire l’amour qui sert et non l’égoïsme qui nous sert.»
Voici une traduction complète de l’homélie du Saint-Père :
«La Parole de Dieu, au début du chemin de Carême, adresse à l’Église et à chacun de nous deux invitations.
La première est celle de Saint-Paul : «laissez-vous réconcilier avec Dieu». Il ne s’agit pas simplement d’un bon conseil paternel et pas seulement non plus d’une suggestion. C’est une véritable supplique au nom du Christ : «nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu.» Pourquoi un appel si solennel et fervent ? Parce que le Christ sait combien nous sommes fragiles et pécheurs, il connait la faiblesse de notre cœur ; il le voit blessé par le mal que nous avons commis et tout de suite ; il sait combien nous avons besoin de pardon, il sait que nous avons besoin de nous sentir aimés pour faire le bien. Tout seul, nous ne sommes pas capables : et pour cela l’Apôtre ne nous dit pas de faire quelque chose, mais de nous laisser réconcilier avec Dieu, de lui permettre de nous pardonner, avec confiance parce que «Dieu est plus grand que notre cœur». Il triomphe du péché et nous relève de nos misères, si nous les lui confions. C’est à nous que revient de reconnaitre notre besoin de miséricorde : c’est le premier pas du chemin chrétien ; il s’agit de franchir la porte ouverte qui est le Christ où Lui-même nous attend, le Sauveur, et nous offre une vie nouvelle et joyeuse.
Des obstacles peuvent exister, qui ferment les portes du cœur. Il y a la tentation de blinder les portes, et de cohabiter avec son péché en le minimisant, en se justifiant toujours, en pensant de ne pas être pire que les autres ; mais en faisant ainsi, les verrous de notre âme se ferment, et nous restons enfermés en nous-mêmes, prisonniers du mal.
Un autre obstacle est la honte d’ouvrir la porte secrète de notre cœur. La honte en réalité est une bon symptôme parce qu’elle indique que nous voulons nous détacher du mal ; cependant elle ne doit jamais se transformer en crainte ou en peur.
Il y a un troisième piège, celui de nous éloigner de la porte. Cela arrive lorsque nous nous terrons dans nos misères, quand nous ruminons continuellement, reliant entre elles les choses négatives jusqu’à plonger de manière abyssale dans les caves les plus sombres de notre âme. Alors nous devenons même familiers de la tristesse dont nous ne voulons pas, nous nous décourageons et nous sommes plus faibles face aux tentations. Cela arrive parce que nous restons tout seul avec nous même, nous renfermant sur nous, fuyant la lumière, alors que seule la grâce du Seigneur nous libère. Laissons-nous alors réconcilier, écoutons Jésus qui dit à celui qui est fatigué et opprimé «viens à moi». Ne reste pas enfermé sur toi-même, mais va à Lui ! Là se trouvent la détente et la paix.
Les missionnaires de la miséricorde sont présents à cette cérémonie pour recevoir le mandat d’être des signes et des instruments du pardon de Dieu. Chers frères, puissiez-vous aider à ouvrir les portes des cœurs, à dépasser la honte, à ne pas fuir de la lumière. Que vos mains paternelles bénissent et soulagent vos frères et sœurs ; qu’à travers vous le regard et les mains du Père se posent sur ses fils et guérissent leurs blessures !
Il y a également une deuxième invitation de Dieu, qui dis, par le biais du prophète Joël: «Revenez à moi avec tout votre cœur». S’il faut revenir c’est parce que nous nous sommes éloignés. C’est le mystère du péché : nous nous sommes éloignés de Dieu, des autres, et de nous-mêmes. Ce n’est pas difficile de s’en rendre compte : tous nous voyons combien nous nous fatiguons à avoir vraiment confiance en Dieu, à nous fier à lui comme Père, sans peur ; combien il est difficile d’aimer les autres au lieu de penser du mal d’eux ; combien cela nous coûte de faire vraiment du bien alors que nous sommes attirés et séduit par tant de réalités matérielles qui disparaissent et à la fin nous laissent pauvres.
À côté de cette histoire de péché, Jésus a inauguré une histoire de Salut. L’Évangile qui ouvre le carême nous invite à en être les protagonistes, en embrassant trois remèdes, trois médecines qui guérissent du péché. Le premier est la prière, expression d’ouverture et de confiance en Dieu : C’est la rencontre personnelle avec lui qui raccourcit les distances créées par le péché. Prier signifie dire : «Je ne suis pas autosuffisant, j’ai besoin de Toi, Tu es ma vie et mon salut». Deuxième médecine, la charité pour dépasser l’extranéité ressentie vis-à-vis des autres. L’amour véritable, en effet, n’est pas un acte extérieur, ce n’est pas donner quelque chose de manière paternaliste pour tranquilliser sa conscience, mais accepter ceux qui ont besoin de notre temps, de notre amitié, de notre aide. C’est vivre le service, en triomphant la tentation de nous auto-satisfaire. En troisième lieu, le jeune, la pénitence, pour nous libérer des dépendances de ce qui est éphémère, et nous entrainer à être plus sensible et miséricordieux. C’est une invitation à la simplicité et au partage : ôter quelque chose de notre table et de nos biens pour retrouver le véritable bien de la liberté.
«Retournez à moi, dit le Seigneur, retournez avec tout votre cœur» : non seulement avec quelques actes extérieurs, mais du plus profond de nous-mêmes. En effet Jésus nous appelle à vivre la prière, la charité et la pénitence avec cohérence et authenticité, en vainquant l’hypocrisie. Que le Carême soit un temps bénéfique pour nous couper de la fausseté, de la mondanité, de l’indifférence ; pour ne pas penser que tout va bien si je vais bien ; pour comprendre que ce qui compte vraiment n’est pas l’approbation, la recherche du succès ou du consensus, mais le nettoyage du cœur et de la vie pour retrouver l’identité chrétienne, c’est-à-dire l’amour qui sert et non l’égoïsme qui nous sert.
Mettons nous en chemin ensemble comme Église (nous aussi, nous deviendrons cendres), et en recevant les Cendres et en maintenant le regard sur le Crucifix. Lui, en nous aimant, il nous invite à nous laisser réconcilier avec Dieu et à retourner à Lui pour nous retrouver nous-mêmes.»
Source Osservatore Romano