Homélie prononcée en la Solennité de la Toussaint à la Cathédrale de Laval, par Mgr Thierry Scherrer :
“Vous me pardonnerez si mon intervention ressemble davantage à une narration biographique qu’à une homélie proprement dite. Mais puisque Louis et Zélie Martin, parents de Thérèse, viennent d’être canonisés et qu’au même moment s’achevait à Rome le Synode sur la famille, j’ai pensé qu’en cette solennité de la Toussaint, il valait la peine de nous attarder un instant sur la physionomie singulière de cette famille pour voir comment l’expérience qui fut la sienne pouvait être à même d’éclairer un tant soit peu nos propres situations familiales. J’ai bien conscience évidemment que ce que nos familles vivent aujourd’hui dans leur diversité, et même dans leur complexité, nous transportent à des années lumières du modèle familial qu’ont représenté les Martin. Il ne s’agit donc pas tant de les imiter que de s’inspirer de leur chemin de vie, de ce qu’ils ont vécu pour y puiser lumière et encouragement.
Commençons d’abord par dissiper un malentendu persistant qui consiste à enfermer la famille Martin dans une catégorie sociopolitique bien typée : la famille Martin serait une famille de « petits bourgeois chrétiens » avec toutes les caricatures liées à cette désignation : des gens attachés à leur petit confort, peu ouverts sur l’extérieur et aux principes religieux étriqués. En réalité, les Martin, tels qu’on les voyait vivre à Alençon, n’étaient pas des « bourgeois » au sens social du mot, mais des artisans commerçants, des gens courageux qui ont réussi, c’est vrai, par leur travail et le sens des affaires, Louis comme horloger-bijoutier et Zélie comme fabricante de point d’Alençon. Et qui oserait le leur reprocher ? C’est déjà une indication claire pour nous : la sainteté n’a rien d’extraordinaire, elle se vit au quotidien par le moyen du travail et dans l’accomplissement persévérant de ce qu’on appelle le devoir d’état.
Ce qui nous frappe ensuite, c’est le climat profondément évangélique dans lequel cette famille a vécu. C’est vrai que si Louis et Zélie Martin n’avaient pas une culture immense, si leur habitation était décorée selon un goût particulier et en soi contestable, qui était celui de l’époque, ce furent des parents animés d’une foi profonde, vivante et jaillissante, parce que, dans la sincérité de leur cœur, ils ont toujours été attentifs aux signes de la volonté de Dieu et soucieux de l’accomplir en tout. Autant le dire : il n’y a dans cette maison ni tiédeur ni formalisme, au contraire. Tout chez eux respire l’évangile. Au centre de la famille Martin est le père, un père humainement vénéré, aimé, presque divinisé. Thérèse sera convaincue toute sa vie de la sainteté de son père (et elle ne se trompait pas !), si bien que Louis Martin deviendra pour Thérèse l’image immédiate de Dieu le Père. Quant à Zélie, elle est, en tant que maman, l’atmosphère de l’amour, et avant tout, l’atmosphère dans laquelle on prie. On pourrait dire que Thérèse a appris à prier « dans la mère » comme on prie tout naturellement dans une église. C’est beau une famille où le père et la mère conjuguent la richesse de leurs différences pour le bien de leurs enfants ! Paternité et amour nous renvoient à la deuxième lecture tirée de la lettre de Jean : « Voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a aimés. Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes ».
Toute une atmosphère religieuse, donc, fait de cette famille une petite «église domestique », selon la belle expression de saint Jean Chrysostome. Il va sans dire que ce climat fervent et profondément religieux leur sera utile pour traverser les épreuves nombreuses auxquelles ils seront affrontés. Et là, nous pensons à ce passage de l’Apocalypse entendu en première lecture : cette « foule immense » de pauvres, de petits qui « reviennent de la grande épreuve ». C’est ce qui nous touche en premier dans la famille Martin : ce courage admirable au cœur des vicissitudes de l’existence. On se souvient, en particulier, qu’entre 1860 et 1873, Louis et Zélie auront neuf enfants, dont 4 mourront en bas âge. Thérèse fut elle-même profondément marquée par les épreuves familiales qu’elle dut affronter très jeune, en particulier la mort de sa maman alors qu’elle a seulement 4 ans. A 9 ans, Thérèse vivra une nouvelle séparation douloureuse avec le départ de sa sœur Pauline, sa « seconde mère », qui entre au Carmel en 1882, suivie quatre ans plus tard par Marie, sa « troisième mère ». Et il y a aussi Louis Martin qui connut les troubles neuropsychologiques que l’on sait et fit plusieurs séjours en asile psychiatrique. On sait à quel point ces différentes épreuves douloureuses marquèrent le cheminement spirituel de Thérèse et comment elles ouvrirent son cœur à la Miséricorde divine qui vient consoler ses enfants souffrants.
Un troisième point est à signaler. Nous savons en effet que Louis et Zélie s’étaient mariés alors que l’un et l’autre avaient désiré dans un premier temps suivre totalement le Seigneur dans la vie religieuse. A 22 ans, Louis fut attiré par la vie des Chanoines réguliers de saint Augustin qu’il avait rencontrés au col du Grand-Saint Bernard. Mais le Prieur, voyant qu’il ne connaissait pas le latin, refusa sa candidature. Quant à Zélie, elle avait pensé un temps devenir religieuse de Saint Vincent de Paul, chez les Filles de la Charité à l’Hôtel-Dieu d’Alençon. Mais la Supérieure lui fit clairement sentir que là n’était pas sa vocation. Zélie en fut très déçue mais s’inclina, une fois de plus, devant la volonté de Dieu. Elle fit alors cette prière admirable : « Mon Dieu, puisque je ne suis pas digne d’être votre épouse comme ma sœur Élise (visitandine au Mans), j’entrerai dans l’état du mariage pour accomplir votre volonté sainte. Alors, je vous en supplie, donnez-moi beaucoup d’enfants et qu’ils vous soient tous consacrés ». Chez les Martin, c’est trop clair, on ne rencontre pas d’opposition entre les deux états de vie que sont la vocation conjugale et la vocation religieuse, mariage et virginité. C’est ainsi que Thérèse a grandi dans une famille où amour terrestre et amour céleste, amour charnel et amour divin se compénètrent et se fécondent l’un l’autre sans distinction et sans séparation. Du coup, l’amour qu’elle vit dans la famille est un amour parfaitement pur et exempt de tout ce qui est trouble, confus et dangereux. C’est là encore, sans aucun doute, une indication importante pour nous. La famille est le lieu – le premier – où peut s’éveiller dès le plus jeune âge un rapport personnel avec Dieu. C’est le cas de Thérèse qui n’a jamais eu à l’égard de Dieu un rapport légal, mais toujours un rapport personnel. C’est ce qui fait d’ailleurs que, depuis sa jeunesse (c’est elle qui le déclare), elle n’a jamais rien refusé à Dieu. Toujours elle n’a eu de cesse que d’accomplir ce que Dieu voulait : elle ne pensait jamais à elle-même, elle ne se demandait pas si l’accomplissement de ce vouloir divin serait pour elle facile ou difficile, si elle ferait quelque chose volontiers ou à contrecœur, si elle serait récompensée ou non ; elle pensait uniquement à Dieu qu’elle aimait. Elle ne désirait qu’une chose : faire plaisir à Jésus, lui épargner toute tristesse. Elle l’avait dit à sa sœur Léonie lorsque celle-ci avait quitté le couvent pour la deuxième fois : « Si tu veux être une sainte, cela te sera facile… que ton but soit unique : faire plaisir à Jésus ».
J’ajoute un dernier point qui me semble important, à savoir la dimension festive qui se vivait chez les Martin, en particulier le dimanche qui était à leurs yeux un jour sacré : « Le Dimanche ! Quelle journée que celle du Dimanche, écrit Thérèse ! C’était la fête du Bon Dieu, la fête du repos ». On dit volontiers que notre époque a gagné en loisirs, mais qu’elle a perdu le sens de la fête. Je crois que c’est une remarque très juste. Il nous faut donc réintroduire la fête au cœur de nos familles. Pas une fête où on « s’éclate », si vous me permettez l’expression, mais une fête où l’on retrouve la joie d’être ensemble, de dialoguer, de se détendre d’une façon simple et joyeuse. Ce serait très salutaire pour nos familles aujourd’hui. Une maison qui respire l’évangile, où la foi et l’espérance soutiennent les épreuves de l’existence, où chaque dimanche est vécu comme une fête, où l’on crée un climat favorable à l’éclosion des vocations, où l’on apprend à se donner par amour pour le Seigneur et pour les autres : c’est tout cela, la famille Martin, une famille ou « Dieu premier servi » était leur raison de vivre. Et c’est en quoi ils nous disent bien quelque chose de ce que peut être la sainteté pour nous aujourd’hui, la sainteté pour nos familles. Louis et Zélie nous redisent qu’il n’y a pas de sainteté sans amour ni d’offrande véritable sans sacrifice, c’est-à- dire sans renoncement effectif à soi-même. Ils ont compris que la sainteté se vivait au cœur de la fragilité humaine, qu’elle consistait à offrir sa pauvreté à l’œuvre transfiguratrice de la grâce. Par l’intercession des saints Louis et Zélie, demandons au Seigneur les grâces de réconciliation dont nos familles ont tant besoin. Demandons-leur le courage indispensable pour témoigner sereinement, là où nous vivons, de la radieuse nouveauté de l’Évangile.”
Merci Mgr de nous faire voir un autre chemin sur la sainteté dans le respect des laïcs + + +
Merveilleuse homélie, en fait les parents Martin ont formé leur fille par leur spiritualité à la spiritualité d’enfance de Ste Thérèse. Ils ont eu 5 filles religieuses, ce qui est une immense grâce pour leur famille. Mais eussent-il eu 5 filles ou fils ayant la vocation du mariage ou du célibat consacré ou non, cela n’aurait rien enlevé à leur spiritualité et à celle de leurs enfants. Eux et leur fille Thérèse, je dirais même tous leurs enfants ont vécu de cette enfance spirituelle, ils ont montré le chemin à leurs enfants quelle que fût leur vocation. ça a été très dur à vivre pour Léonie et elle voyant que tout se passait pour le mieux pour ses soeurs, ça a dû être culpabilisant pour elle de ne pas répondre à l’attente de ses parents, de ses soeurs, et de Dieu du moins en apparence. Cette famille nous montrer le chemin de la sainteté effectivement à travers l’ordinaire de nos vies et c’est merveilleux, et cela l’est d’autant plus que la famille est attaquée, la vie dès ses débuts, par l’avortement et la fin par l’euthanasie que les F.M. voudraient bien faire passer. Etre saint dans l’ordinaire de nos vies, pas besoin d’être un héros, comme je le disais à un petit garçon de 8 ans dont les parents toxicomanes avaient fait de la prison, on est tous des héros du quotidien si on fait bien ce qu’il y a à faire, cet enfant est papa, je n’ai plus de nouvelles depuis longtemps, j’espère que depuis il a demandé le baptème et qu’il a répondu à la grâce de Dieu.
Respect des laics……L’amour des fidèles.
Une homélie où chacun peut se servir. Entre :
…….Il ne s’agit donc pas tant de les imiter que de s’inspirer de leur chemin de vie, de ce qu’ils ont vécu pour y puiser lumière et encouragement…….
et /……. Si tu veux être une sainte, cela te sera facile… que ton but soit unique : faire plaisir à Jésus ».
Un prêtre ne doit pas craindre de se montrer dirigiste.
Main de fer, gant de velours…Charité et fermeté. Bienveillance et solidité.
La lecture plurielle doit être impossible. Autrement on se retrouve a “respecter les laïcs” et a laisser les fidèles a leur sort.
Au lieu d’essayer de démolir la porte étroite qui mène au Royaume des cieux pour en construire une nouvelle, toute grande. Je proposerais un synode portant sur l’adultère, et la fornication (en plus de la pédophilie) qui sévit pour une large proportion du clergé catholique; chacun laisserait son attirail somptueux, à la porte, les fesses à l’air, comme François, pour se revêtir du sac et de la cendre et ainsi entamer une période de jeûne et de prière pour le pardon de leur péchés et scandales sans nombre.
Beaucoup de vérités dans les commentaire mais je dis encore une fois, merci Mgr.
Dieu ne regarde pas ce que l’homme regarde et dans saint Marc (12,38-44) : une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes…
Ne dit-on pas aussi : tous les péchés des hommes seront pardonnés ?