La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu jeudi un arrêt de chambre rejetant la requête de deux homosexuels autrichiens, Horst Michael Schalk et Johann Franz Kopf, qui estimaient leur droit au mariage et à la vie de famille, ainsi que leur droit de ne pas subir de discrimination du fait de leur orientation sexuelle, lésés parce que la mairie de Vienne leur a refusé le mariage civil. C’est une heureuse décision, puisque les juges ont affirmé le droit des 47 Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme de définir le mariage comme ils l’entendent, puisque le texte, qui ne dit rien sur le sexe des époux, ne saurait être obligatoirement interprété comme obligeant à reconnaître les unions homosexuelles.
Les juges tirent d’ailleurs partie de l’absence de consensus sur ce point entre les Etats, dont sept seulement ont institué le « mariage gay » : pas d’obligation, donc, mais pas d’interdiction non plus, chacun devant évoluer dans le cadre de son propre ordre juridique et selon les « besoins sociaux » en la matière.
Comme lAutriche a institué un partenariat civil ouvert aux homosexuels au début de cette année, la Cour s’est par ailleurs refusée à dire que l’absence d’une telle solution voisine du mariage mais non assortie de tous ses droits constituait une discrimination en soi, mais elle a noté que le fait que ces « pacs » et autres unions légales ne sont pas non plus la règle partout en Europe. En tout cas pas encore…
Sans s’appesantir sur l’argumentation juridique de la CEDH, et tout en saluant cette heureuse affirmation de la liberté des Etats membres du Conseil de l’Europe en la matière, il faut faire quelques remarques. La première étant que la décision a été prise à une courte majorité : 4 des 7 juges qui composaient la chambre saisie de l’affaire. Les trois autres, dans une opinion dissidente rédigée en commun, ont estimé au contraire que les couples gay devaient avoir accès à un statut dans une certaine mesure comparable au mariage. Ils ajoutent que plusieurs éléments de l’arrêt de la CEDH font de toute manière progresser les droits homosexuels en reconnaissant que la notion de « vie de famille » est applicable aux couples de même sexe, et en déduisent que ceux-ci, ne devant pas a priori être considérés – sous peine de discrimination – comme moins capables que les autres de former un « relation stable », doivent trouver pour celle-ci un cadre juridique.
Cette désunion autour de la décision pourrait inciter Schalk et Kopf – dont un seul cependant était présent à l’audience le 25 février dernier – à faire appel en demandant à la Grande chambre de la CEDH de revoir l’affaire.
J’avais noté au moment de l’audience le caractère timoré de la défense de l’Autriche qui avait tout misé, non sur l’affirmation de ce qu’est, fondamentalement, le mariage, mais sur la présentation des droits que ce pays offre désormais aux couples homosexuels.
Il faut rappeler aussi que le Centre européen pour la justice et la loi (ECLJ), qui auprès de ce genre d’instances européennes est le porte-voix des valeurs familiales traditionnelles et des droits de la religion, n’avait pu intervenir en tant que tierce partie, la CEDH n’ayant révélé la tenue de ce procès qu’au dernier moment, contrairement à sa pratique constante.
L’ECLJ, qui a beaucoup travaillé auprès du Conseil de l’Europe pour contrer les efforts du lobby homosexuel, s’est félicitée de la décision qu’il a certainement contribué à préparer par son travail de fond. Face à une « stratégie très bien organisée » portée par quatreONG qui promeuvent les demandes du lobby homosexuel au Conseil de l’Europe, l’arrêt de la CEDH marque réellement… un temps d’arrêt. La Cour a notamment contré l’idée selon laquelle le « consensus » sur les droits homosexuels serait désormais très généralisé, et n’a pas contredit le jugement de la Cour constitutionnelle autrichienne affirmant que, dès lors que le mariage est orienté vers la « possibilité d’être parents », rien dans la Convention européenne n’oblige à étendre le droit de contracter mariage à ceux qui ne peuvent être parents.
Compte-rendu d’audience sur ce blog ici.
Réaction de l’ECLJ ici (en anglais).
ce n'est pas (encore) un droit, mais ça va le devenir, dans la mesure où il y a discrimination évidente. ça s'appelle la tolérance.