Message de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, paru dans Eglise en Ille-et-Vilaine n°264 de mai 2015
“Elle n’est pas une joie du passé. Il ne s’agit pas de s’en souvenir pour être joyeux comme si certains et certaines à qui le Ressuscité se serait manifesté auraient le privilège de cette joie. Et nous, pauvres disciples du Seigneur qui n’avons jamais vu, nous serions contraints de nous souvenir de la joie des Apôtres et de Marie Madeleine pour être joyeux.
Non, la joie est aussi présente qu’est présent le Ressuscité. Elle est aussi réelle que le Ressuscité est réellement vivant comme notre Grand Prêtre, sans cesse auprès de nous pour nous présenter à son Père et Notre Père. Bref, c’est la joie des Enfants de Dieu. D’ailleurs, Jésus nous l’avait dit : « Tout ce que je vous dis là c’est pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. »
Ma joie ! Avons-nous bien entendu ? Comprenons-nous que notre Grand Prêtre, le Ressuscité, est dans la joie « parfaite », joie de voir l’œuvre du salut accomplie, joie de voir son Père glorifié ?
Bien sûr, il ne s’agit pas de nos joies mondaines. Il s’agit d’une joie qui vient de Dieu, qui naît de notre rencontre avec Jésus. Cette joie transfigure nos joies mondaines. J’ai rencontré cette joie sur le visage de nos frères et sœurs malades pendant le pèlerinage de l’Hospitalité Diocésaine Notre-Dame de Lourdes. Je l’ai aussi rencontrée dans un presbytère où une dame accueillante, ayant souffert de nombreuses maladies, avait un visage rayonnant quand elle m’a dit en joignant les mains vers le ciel : « Je rends gloire à Dieu pour tout le bien qu’Il fait. »
Je voudrais aussi vous partager la joie d’un prêtre, le père Francis Méhaignerie, décédé ce jeudi 23 avril. Ordonné prêtre en 1957, il écrit à son évêque en 1975 les mots suivants :
« Quant au mois d’août, je l’ai consacré à l’animation d’un mois sacerdotal. Avec une quinzaine de participants, nous avons vécu ces 4 semaines sur un rythme très simple : prière commune, temps personnel de travail, adoration et oraison, et partage fraternel en fin de journée. Parmi les sujets qui ont émergé le plus, j’ai noté : l’Eucharistie (célébration, mais aussi adoration prolongée…) ; une vive recherche de l’universalisme, à travers les conflits pastoraux inévitables lorsqu’on est inséré dans un peuple… ou sur une « terre » précise ; l’exercice du pouvoir, et son risque de réapparition subtile, même dans des choix de présence apostolique qu’avaient cru le mettre à l’écart ; la pauvreté et l’attitude d’humilité dans la présence du prêtre… J’y ai trouvé beaucoup de joie. »
En lisant ces propos, j’ai cru voir la vie du disciple apostolique à la suite de Jésus, quand le Maître prenait à l’écart les Douze pour les instruire. D’ailleurs, c’est bien cette vie avec Jésus qui est l’âme de la joie du prêtre (mais aussi de tout baptisé).
Écoutez encore ce propos du père Méhaignerie du 5 novembre 1985 :
« En prenant distance, il m’apparaît que c’est entre nous, prêtres, que nous avons à porter l’effort à venir… et un effort d’ordre spirituel. Comme si nous n’avions pas d’abord des tâches à accomplir, mais une foi à partager entre nous, notre relation à Jésus Christ à exprimer. Je sens que les jeunes y sont très sensibles, l’attendent. C’est une conversion à faire, et à refaire de notre façon de vivre le ministère presbytéral. »”
Cette joie spirituelle qui est dans le cœur des Chrétiens et donc, a fortiori, dans celui des prêtres est plus souvent évoquée que ressentie réellement. Le degré de joie d’une vie sacerdotale est ordinairement assez bas, même chez les prêtres les plus dynamiques. On pourrait se demander d’ailleurs pourquoi ce sont précisément ceux-là qui, avec leurs cérémonies participatives et festives, irradient autour d’eux une si puissante impression d’ennui.
Que vaut notre foi sans la résurrection ? Encourageons nos prêtres qui en ont un grand besoin dans ces temps difficiles de par le monde + + +
Comment se fait-il que, de façon fréquente, j’ai une pensée bienveillante pour Mgr Jean-Marie Le Vert, précédemment évêque de Quimper et Léon ; dans la situation de difficultés qui était la sienne, il aura manqué quelques mains secourables (notamment en provenance de l’archevêché de Rennes) ; c’est quand même terrible de penser chaque matin, en se rasant, à un certain “chapeau” mité !
Jakez Raulic