Monseigneur Jacques Habert est évêque du diocèse de Séez, dont fait partie la ville d’Alençon où a vécu la famille Martin avant la mort de Zélie en 1877. Il répond à Aleteia:
“Si Louis et Zélie Martin sont canonisés, ils seront le premier couple de l’histoire de l’Église à l’être comme tel. À quoi – ou à qui ? – doit-on une telle première ?
Au pape Paul VI, qui a déclaré en 1971 : « S’ils sont canonisés, ils doivent l’être ensemble ». À cette époque, l’enquête sur la sainteté des parents de sainte Thérèse avait été lancée séparément, pour Louis d’abord, puis pour Zélie, depuis le carmel de Lisieux. En réunissant ces deux causes en une seule, Paul VI a posé un acte très novateur, dont le premier fruit a été la commune béatification de ces époux, le 19 octobre 2008. À ce titre, notamment, Paul VI peut être considéré comme un « Pape de la famille », au même titre que saint Jean Paul II.
Comment expliquer qu’avant lui, aucun Pape n’ait entrepris une telle démarche ?
Peut-être parce que jusque-là – où en tout cas pendant toute une période de la vie de l’Église –, on avait tendance à considérer la vie consacrée comme une voie supérieure à celle du mariage. En décidant de les canoniser ensemble, Paul VI a envoyé un signe fort aux croyants du monde entier, en adéquation avec l’appel universel à la sainteté lancé par le Concile Vatican II.
Certaines « mauvaises langues » disent que s’ils montent sur les autels, c’est parce que ce sont les parents de Thérèse (ils seraient pistonnés, en quelque sorte…) ! Qu’en pensez-vous ?
D’une certaine façon, c’est vrai ! Si elle est confirmée, leur canonisation, portée par le carmel de Lisieux dont le rôle a été déterminant, est une surabondance de la grâce de Thérèse. Ils ont sans nul doute bénéficié de la sainteté de leur fille, à laquelle, en même temps, ils ne sont pas étrangers : les documents révèlent que si Thérèse a pu devenir ce qu’elle a été, c’est grâce à ce qu’elle a reçu dans sa famille, en particulier de ses parents ; de son père, surtout, dont la foi et la piété l’ont beaucoup marquée, sa mère étant morte quand elle n’avait pas encore 5 ans. S’ils deviennent saints, c’est le mariage qui, à travers eux, sera canonisé, comme signe que la sainteté d’un couple rejaillit sur toute la famille, et pour commencer, sur celle des enfants. Reste que de nombreux couples ont été aussi saints qu’eux, même s’ils ne monteront jamais sur les autels.
Malgré le fossé – l’abîme, même – qui sépare leur époque de la nôtre, peuvent-ils être un exemple pour les époux d’aujourd’hui ?
La sainteté n’est pas de l’ordre de l’imitation. Prenons l’exemple du Curé d’Ars. Ce n’est pas parce qu’il a été proclamé « patron de tous les curés de l’univers » que ceux-ci doivent porter des sabots ! Concernant Louis et Zélie Martin, il s’agit plutôt de s’inspirer de la façon dont ils ont vécu la foi, l’espérance et la charité, avec les contingences de leur milieu et de leur époque, ceux de la petite bourgeoisie provinciale du XIXe siècle, marquée (notamment) par le jansénisme.
S’inspirer d’eux… de quels traits en particulier ?
De l’amitié, de la tendresse et de l’affection que l’on voit grandir entre eux et s’épanouir au fil des ans, à travers leurs écrits, notamment la correspondance. Après quelques années d’un mariage célébré trois mois seulement après leur première rencontre, Louis signe au bas de l’une de ses lettres à Zélie : « Ton mari et ami pour la vie ». Quel bel exemple à donner aux fiancés qui se préparent au mariage !
Et sur le plan éducatif, en quoi ces époux dont les cinq filles sont entrées au couvent peuvent-ils aider les parents chrétiens d’aujourd’hui ?
Toutes leurs filles sont devenues religieuses et cela est exceptionnel. Mais aucun des deux ne les a poussées dans cette voie. Ils ont été au contraire très respectueux de la volonté de Dieu. Louis, en particulier, qui a vécu plus longtemps. Ce sera pour lui un grand sacrifice de donner Thérèse, sa petite dernière, à Dieu. Mais il s’inclinera ; et il sera le premier à l’encourager à demander au Pape une dispense, pour qu’elle puisse entrer au carmel à 15 ans. L’un et l’autre sont un exemple d’abnégation et de docilité à la volonté de Dieu.
Louis et Zélie Martin étaient-ils pour autant des parents parfaits ?
Mais non ! Zélie, par exemple, était souvent exaspérée par Léonie, dont elle a pu écrire : « Elle est recouverte de défauts comme d’un manteau » et qui sera pourtant peut-être elle aussi béatifiée. Pour les parents, c’est un motif de ne pas désespérer de leurs enfants, mais aussi d’eux-mêmes.
Quel fut le secret de la sainteté de ce couple et plus largement, de leur famille : le repli sur soi pour éviter la contamination ?
Louis et Zélie Martin n’étaient pas repliés sur eux-mêmes et sur leurs enfants. Louis faisait partie du cercle catholique Vital-Romet et des conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Chef d’entreprise, Zélie avait le souci de ses ouvrières. La maison Martin n’était pas un vase clos confiné. Il s’y vivait une grande ouverture aux pauvres et aux malheureux, une charité concrète et se donnant de la peine. Un exemple parmi tant d’autres : lors d’une promenade, la famille croise un vieil homme dans le besoin. On ne se contente pas de lui faire l’aumône : on le ramène à la maison, pour lui donner une bonne paire de souliers et un bon dîner. Louis s’occupe aussi de lui trouver une place dans un hospice.
Quand vous avez été nommé évêque de Séez, en octobre 2010, connaissiez-vous les époux Martin ?
À cette époque, j’étais curé de Charenton. L’année précédente, j’avais donné huit conférences sur les saints dans ma paroisse et comme exemple de parents, j’avais choisi Louis et Zélie Martin, qui venaient d’être béatifiés (19 octobre 2008). Je les avais découverts en préparant mon exposé. Mais j’aimais déjà leur fille, dont nous venions d’accueillir les reliques (juin 2010). J’avais lu Histoire d’une âme à deux reprises : une fois au séminaire, puis 15 ans plus tard…
Quand vous avez appris votre nomination, sur les terres où avait vécu le couple Martin, quelle a été votre réaction ?
Quand le nonce apostolique m’a demandé si je voulais être évêque de Séez, je lui ai demandé : « Où est-ce ? ». Il m’a répondu : « Près d’Alençon ! ». Cela me parlait davantage ! À mon arrivée dans ce diocèse, j’ai vite pris conscience que je serai l’évêque contemporain de la canonisation de ces parents ; et que ce serait une grande grâce.
Quelle est votre rôle dans cette cause ?
Je ne suis pas autant impliqué, ni au même titre, que le postulateur de la cause, le père Sangalli, ou le Carmel de Lisieux, qui la porte depuis le départ. Mais je la soutiens et l’encourage comme évêque du diocèse où se sont mariés et ont vécu ces époux ; ce qui n’est pas le cas de Lisieux, où, quand la famille s’est établie, Zélie n’était déjà plus. À ce titre, je suis en contact avec des groupes ou des personnes proches d’eux, en France et à l’étranger. Je suis également allé à Valence en mai 2013, pour rencontrer la petite Carmen, guérie par leur intercession. Ils font partie des saints que j’aime beaucoup prier. Je les invoque pour des intentions diocésaines et familiales.
Qu’attendez-vous de leur canonisation ?
Si elle a lieu, j’espère qu’elle aidera les chrétiens à passer d’une attitude de défense à celle de l’annonce de la Bonne Nouvelle du mariage et de la famille. Il est juste d’être contre la GPA, le mariage entre deux personnes de même sexe, l’adoption par un couple homosexuel… et le Pape met souvent les points sur les i à ce sujet. Mais il est encore mieux de promouvoir la beauté du plan de Dieu sur le mariage et la famille, tel qu’il apparaît dans le livre de la Genèse et l’Évangile, comme le Pape le fait également, dans ses catéchèses du mercredi. C’est d’ailleurs l’objectif recherché par l’Église à travers le synode sur la famille. Si elle était confirmée, la canonisation de Louis et Zélie Martin pourrait aider en ce sens. Ce serait d’ailleurs presque mieux qu’elle ait lieu au début plutôt qu’à la fin du synode. Elle pourrait alors le porter, ce serait sa première grâce.”
Que le Saint Esprit Le guide et l’éclaire ! afin que ce merveilleux couple qui a su donné à Jésus toutes leurs filles, dont la petite dernière est la Grande Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face ! que Dieu veuille guider le Pape afin que ce saint couple soit sanctifié sur les Autels, afin que Satan n’aie pas le dernier mot : l’union de couples homosexuels, GPA PMA, et la communion des divorcés… tout ce qui est contraire à la Loi de Jésus et le contraire de ce qu’a vécu ce saint couple : ZELIE et LOUIS qui ont su offrir leurs maladies et souffrances à Celui qui avait béni leur union si magnifiquement !
La photo est éloquente, vous ne trouvez pas ?
Chacun de ces deux visages exprime intensément : l’élévation mystique et la douloureuse profondeur dont la jeune Thérèse a fait une synthèse .
Une fois que l’on a dit que la sainteté n’est pas de l’ordre de l’imitation, on ne voit plus pourquoi elle devrait être donnée en exemple. Tous les anciens Saints sont devenus saints en essayant d’imiter d’autres Saints. Il est vrai qu’ils ne se souciaient pas de savoir s’ils imitaient des Saints marqués par le “jansénisme”. Comme ils voulaient avoir en eux les mêmes sentiments, ils voulaient avoir aussi les mêmes pensées.
Le culte des Saints a perdu d’ailleurs tout son sens depuis que les prédicateurs ne parlent plus des fins dernières et ne s’intéressent pas non plus aux grâces d’oraison ni aux miracles. J’écris “les prédicateurs” pour ne pas écrire “l’Eglise” et que l’on me réponde que l’Eglise est sainte et par conséquent infaillible… Mais la froideur à l’égard du surnaturel et l’irrévérence à l’égard des extraordinaires mortifications des Saints qui justement étaient gratifiés des consolations spirituelles et des dons “charismatiques” les plus extraordinaires a bien été orchestrée par les plus hautes autorités de l’Eglise depuis le commencement de son effroyable décadence théologique des années conciliaires et post-conciliaires.
Il est quand même temps de rétablir la vérité : si Louis et Zélie Martin sont canonisés, ils ne seront pas le premier couple de l’histoire à l’être.
Avant eux, il y eut saint Elzéar et sainte Delphine, au XIIIème siècle. Il est vrai qu’eux deux formaient un couple très spécial, en ce sens qu’ils se sont séparés pour fonder chacun un ordre monastique.
Bien avant eux, l’Église compte une quinzaine de saints couples, dont le plus “récent” était composé de saint Blandin et sainte Salaberge, qui vécurent au VIIème siècle et qui eurent au moins cinq enfants, dont deux sont devenus saints : Anstrude et Baudouin de Laon.
Bien sûr, quatorze siècles ont passé depuis saint Blandin et sainte Salaberge, bien oubliés de nos jours, et qu’ils sont devenus saints à une époque où les procès en canonisation n’existaient pas, mais il n’en reste pas moins qu’en attendant des saints plus “modernes”, saint Blandin et sainte Salaberge sont un saint couple qu’il est permis de prier.
Ma foi, si Louis et Zélie Martin peuvent maintenir le futur Synode dans la ligne droite des enseignements de l’Église, ce sera un miracle confirmant leur canonisation !
“Peut-être parce que jusque-là – où en tout cas pendant toute une période de la vie de l’Église –, on avait tendance à considérer la vie consacrée comme une voie supérieure à celle du mariage.” Mais cela n’a pas empêché l’église de canoniser Saint Henri II et sainte Cunégonde au XIIe siècle… Pourquoi vouloir toujours se placer en rupture ?
La supériorité de la chasteté consacrée sur le mariage a été, de plus, enseignée explicitement par le Concile de Trente, contre les Protestants et en parfait accord avec la doctrine de Saint Paul sur le mariage et la continence volontaire.