Ce point est à mettre tout particulièrement en exergue parce que la réception de la communion debout (dans l’Église d’Occident) n’a été autorisée qu’en 1967 (instruction “Eucharisticum Mysterium”, n° 34). Or, le 7 mars 1965, à sa messe à la paroisse de Tous les Saints (Ognissanti), Paul VI avait distribué la communion aux fidèles debout (voir photo ci-dessous).
Il ne s’agissait pas d’un “accident”:
1. Le sanctuaire avait été aboli, puisque l’autel sur lequel le pape a célébré face au peuple avait été placé en dehors du sanctuaire existant, c’est-à-dire devant le banc de communion, et aucun banc de communion mobile n’avait été installé. Il était donc clair dès le départ qu’il serait impossible de donner la communion à genoux.
2. La distribution de la communion par le pape avait été longuement préparée, puisque, jusque là, lors des messes papales, le Souverain Pontife ne donnait jamais la communion aux fidèles. En février et mars 1965, il avait fallu de houleuses discussions entre pas moins de trois dicastères romains pour trancher la question de savoir si le Pape pouvait donner la communion à de simples fidèles. Rien n’avait donc été laissé à l’improvisation.
3. Paul VI a publiquement ridiculisé, dix jours plus tard, ceux qui protestaient contre le non-agenouillement à la communion.
À l’audience générale du mercredi 17 mars 1965, il se moquait comme suit des réticences à l’aggiornamento liturgique: “Auparavant, on était tranquille, chacun pouvait prier comme il voulait, le déroulement du rite était parfaitement connu; aujourd’hui tout est nouveau, tout a changé (…) Auparavant, on pouvait somnoler, voire papoter; mainenant c’est fini, il faut écouter et prier (…). On a même supprimé la clochette au Sanctus! Et puis ces prières qu’on ne sait pas où trouver, et la communion reçue debout…”. Dans ce même discours, Paul VI rejetait dédaigneusement de telles critiques en ces termes: “Nous ne ferons pas la critique de ces observations parce qu’il faudrait démontrer combien elles révèlent une compréhension superficielle du sens des rites religieux”.
Or, comme la communion à genoux est restée obligatoire jusqu’en 1967, ce que Paul VI tournait en ridicule en mars 1965 étaient tout simplement les règles liturgiques en vigueur! Pire encore, il qualifiait leur attachement de “révélateur d’un sens superficiel” de la liturgie. Comment nous convaincre ensuite que, quand le curé de la paroisse du coin viole les règles liturgiques et les tourne en ridicule, il est coupable de désobéissance? En réalité, il suit l’exemple donné par Paul VI (et ce dès avant la fin du concile).Plus encore, violer et dépasser en permanence la norme parce qu’elle ne va jamais assez loin dans la subversion devient d’après Paul VI une clef d’interprétation de Vatican II. En effet, toute cette audience générale du 17 mars 1965 était placée sous le signe de l’application et de l’interprétation de Vatican II, puisque Paul VI l’a ouverte en ces termes: “Chers fils et filles, dans une audience comme celle-ci, notre conversation familière ne peut manquer de revenir sur la question du jour: l’application de la réforme liturgique à la célébration de la sainte messe”.
Ce sont donc bien, en vertu de l’enseignement papal, une juste conception du sens de la liturgie et une bonne interprétation de Vatican II qui demandent de tourner en ridicule les règles liturgiques en vigueur et de les transgresser. En d’autres termes, avec Vatican II la règle consiste désormais à violer la règle. C’est Paul VI qui l’a enseigné comme juste compréhension du concile. À ce stade-là, ce n’est plus l’herméneutique de la rupture, ça devient l’herméneutique de la dialectique permanente. Cette herméneutique enseignée par le pape, interprète suprême d’un concile oecuménique, a d’autant plus de poids en l’occurrence qu’il s’agit du pape qui a dirigé le concile en question et qui l’a appliqué et expliqué de cette manière avant même la clôture de ce concile. Étant donné tout cela, que 50 ans plus tard l'”herméneutique de la continuité” ait du mal à convaincre, voilà qui ne devrait étonner personne.
———
N.B.: nous conseillons à nos lecteurs de lire
l’analyse fouillée fournie à ce sujet, l’année dernière déjà, par Alain de Beaugrain et l’abbé Benoît Wailliez.
Pauvre Pape (saint ?) Paul VI !
Lui, qui, ayant subi la “bronca” que l’on sait, orchestrée lors de la promulgation alors très courageuse de l’encyclique “Humanae Vitae”, sembla annihilé au point de ne plus rien entreprendre, mis à part la promulgation du N.O.M. (Nouvel Ordo Missae), lors des dix dernières années amères d’un pontificat désastreux, n’aurait-il été en fin de compte qu’un “arroseur arrosé” ?
Ceci au point de se lamenter, avec clairvoyance, que “les fumées de Satan se sont infiltrées dans l’Eglise”, et que cette dernière “ne sera sauvée que par les prières des vielles femmes” !
Cependant, rendons crédit à sa magnifique “Profession de Foi” publiée en 1975 : le “testament spirituel protestation”, d’un Naute sans gouvernail … ?
Le Père Calmel disait que la révolution liturgique suivrait “son train d’enfer” et que rien ne l’arrêterait une fois commencée. C’est ce que l’on voit avec les fantaisies à l’infini suivant les paroisses.
Dieu seul arrêtera cette imposture qui renverse la religion en inversant le sens du Sacrifice.
Pour que les fumées de Satan entrassent dans l’Eglise, il a bien fallu que le portier, celui qui détient les clefs, lui ouvrît les vantaux du portail…
il se moquait comme suit des réticences à l’aggiornamento liturgique :
… …
Incroyable ! Je ne connaissais pas ses paroles de Paul IV.
Un pape qui prononce ses paroles stigmatisantes pour des fidèles est-il toujours pape ?
La question : les derniers papes sont-ils des représentants du christ ou de Satan ? À constater leurs décisions détruisant le catholicisme la question se pose. (dû moins pour moi)
Bonjour,
D’une part, je vous remercie par avance de bien vouloir publier mes messages en rapport avec cet article, notamment mes réponses aux messages de Romanos et du Père Jean-François Thomas s.j..
D’autre part, je prends appui, dans un domaine extérieur à la liturgie, sur la fin de l’analyse qui figure sur Tradinews, et à laquelle vous renvoyez vos lecteurs :
” L’injonction répétée comme un refrain « Obéissez au concile » est donc fondamentalement dépourvue de sens, puisqu’on n’obéit pas à une non-loi. Comme l’a expliqué l’abbé Pagliarani au congrès de Si Si No No de 2010, en l’absence d’enseignement clair il reste à se référer à l’enseignement précédent. ”
(Et à l’enseignement postérieur, avant tout en ce qu’il est clarificateur et consolidateur, suis-je tenté de dire…)
Je pense ici à deux passages du Concile, deux passages auxquels les conciliaires, dans l’acception dominante de ce terme, se gardent bien d’obéir :
Gravissimum Educationis
10. Facultés et universités catholiques
” Quant aux écoles supérieures et surtout aux universités et facultés, l’Église les entoure d’un soin vigilant. Bien plus, dans celles qui dépendent de son autorité, elle entend que, par une organisation rationnelle, on travaille dans chaque discipline selon les principes et la méthode particuliers à celle-ci et avec la liberté propre à la recherche scientifique, de manière à en acquérir progressivement une plus profonde maîtrise. Les problèmes nouveaux et les recherches suscitées par le progrès du monde moderne seront étudiés très soigneusement. On saisira plus profondément comment la foi et la raison s’unissent pour atteindre l’unique vérité. Ce faisant, on ne fera que suivre la voie ouverte par les docteurs de l’Église et spécialement par Saint Thomas [31]. De la sorte se réalisera comme une présence publique, durable et universelle, de la pensée chrétienne dans tout l’effort intellectuel vers la plus haute culture ; et les étudiants de ces instituts seront formés à devenir des hommes éminents par leur science, prêts à assumer les plus lourdes tâches dans la société, en même temps que témoins de la foi dans le monde [32]. ”
Optatam totius :
” 15. On enseignera les disciplines philosophiques de manière à guider tout d’abord les séminaristes dans l’acquisition d’une connaissance solide et cohérente de l’homme, du monde et de Dieu. Pour y parvenir, ils s’appuieront sur le patrimoine philosophique à jamais valable [29] ; il faudra tenir compte également des recherches philosophiques contemporaines, spécialement celles qui exercent une plus grande influence dans leur pays propre, et aussi des progrès scientifiques récents. Ainsi, les séminaristes, comprenant bien la mentalité contemporaine [30] seront-ils utilement préparés au dialogue avec les hommes de leur temps.
On enseignera l’histoire de la philosophie de telle manière que les séminaristes, en parvenant jusqu’aux principes derniers des différents systèmes, en retiennent ce qui se révèle vrai, en puissent découvrir, à leur racine même, les erreurs et les réfuter.
La méthode même de l’enseignement stimulera chez les séminaristes l’amour de la vérité qu’il faut chercher, examiner, démontrer avec rigueur, tout en reconnaissant honnêtement les limites de la connaissance humaine. Qu’on soit très attentif à l’étroite liaison entre la philosophie et les vrais problèmes de vie ou les questions qui agitent l’esprit des séminaristes. On les aidera à découvrir les relations entre les raisonnements philosophiques et les mystères du salut, que la théologie étudie à la lumière supérieure de la foi.
16. Les disciplines théologiques seront enseignées à la lumière de la foi, sous la conduite du Magistère de l’Église [31], de telle façon que les séminaristes puisent avec soin dans la Révélation divine la doctrine catholique, qu’ils la pénètrent à fond, qu’ils en fassent la nourriture de leur propre vie spirituelle [32] et qu’ils puissent au cours de leur ministère sacerdotal l’annoncer, l’exposer et la défendre.
On mettra un soin particulier à enseigner aux séminaristes l’Écriture sainte, qui doit être comme l’âme de toute la théologie [33]. Après une introduction convenable, on les initiera soigneusement à la méthode de l’exégèse, ils étudieront les grands thèmes de la Révélation divine et ils recevront stimulant et aliment de la lecture et de la méditation quotidiennes des Livres saints [34].
La théologie dogmatique sera exposée selon un plan qui propose en premier lieu les thèmes bibliques eux-mêmes. On montrera aussi aux séminaristes l’apport des Pères d’Orient et d’Occident pour une transmission et un approfondissement fidèles de chacune des vérités de la Révélation. On fera de même pour la suite de l’histoire du dogme, en tenant compte également de sa relation avec l’histoire générale de l’Église [35]. Puis pour mettre en lumière, autant qu’il est possible, les mystères du salut, ils apprendront à les pénétrer plus à fond, et à en percevoir la cohérence, par un travail spéculatif, avec saint Thomas pour maître [36]. On leur enseignera à les reconnaître toujours présents et agissant dans les actes liturgiques [37] et toute la vie de l’Église. Ils apprendront à chercher à la lumière de la Révélation la solution des problèmes humains, à appliquer ces vérités éternelles à la condition changeante des réalités humaines, et à les communiquer de façon adaptée aux hommes de leur temps [38].
De même les autres disciplines théologiques seront rénovées par un contact plus vivant avec le mystère du Christ et l’histoire du salut. On s’appliquera, avec un soin spécial, à perfectionner la théologie morale dont la présentation scientifique, plus nourrie de la doctrine de la Sainte Écriture, mettra en lumière la grandeur de la vocation des fidèles dans le Christ et leur obligation de porter du fruit dans la charité pour la vie du monde. Pareillement, en exposant le droit canonique et l’histoire ecclésiastique, on se référera au mystère de l’Église, en harmonie avec la Constitution dogmatique de Ecclesia promulguée par ce Concile. La sainte liturgie, qui doit être tenue pour la source première et nécessaire de l’esprit authentiquement chrétien, sera enseignée conformément aux articles 15 et 16 de la Constitution de la sainte liturgie [39].
Compte tenu des conditions propres aux diverses régions, les séminaristes seront initiés à une connaissance plus approfondie des Églises et communautés ecclésiales séparées du Siège apostolique romain, afin qu’ils puissent apporter leur concours au rétablissement de l’unité entre tous les chrétiens, selon les prescriptions de ce Concile [40].
On les introduira aussi à la connaissance des autres religions, particulièrement répandues en telle ou telle région, afin qu’ils découvrent mieux ce qu’elles ont, par une disposition divine, de vrai et de bon, qu’ils apprennent à en réfuter les erreurs, et qu’ils puissent communiquer la pleine lumière de la vérité à ceux qui ne l’ont pas. ”
Je vous remercie pour toute publication de ce message, qui n’est jamais qu’un rappel de deux passages du Concile qui ont été liquidés ou piétinés par la très grande majorité de ceux-là même qui étaient chargés de les appliquer, et je vous remercie, d’une manière générale, pour l’espace d’expression catholique que vous mettez à notre disposition.
Excellente continuation.
A Z