Le blogue Le Rouge & Le Noir a publié une intéressante analyse en 3 parties (1, 2 et 3) concernant le problème des vocations sacerdotales en France. En voici quelques extraits :
“1965 – 1975 : les grands chambardements
C’est l’époque des grandes remises en question et de très nombreux départs. […] La décrue brutale est donc due aux très nombreux départs : avec un pic à la fin des années 60 (probablement près d’un millier par an), ils sont entre 750 et 250 / an au fil des années 70 – 75.
1976 – 2002 : les ferments d’un renouveau
Après les grandes décrues on arrive, sous le pontificat du Pape Jean Paul II, à une certaine stabilisation des chiffres. Elle repose sur 3 ingrédients principaux : 1/ l’inertie du système, 2/ un renouveau spirituel, 3/ un renouveau traditionnel.
1/ L’inertie du système fait que beaucoup de diocèses, notamment ruraux ont continué d’accueillir et de former un nombre régulier de jeunes, issus des paroisses. C’est ce flux-là qui s’est tarit au changement de millénaire.
2/ Les mouvements spirituels, les communautés nouvelles (l’Emmanuel, Notre Dame de Vie, etc.) et l’initiative du diocèse de Paris (la maison St Augustin puis l’École cathédrale) ont favorisé un vrai renouveau des vocations. Ce qui caractérise ce renouveau est l’insistance spéciale sur la vie de prière fondée sur la lecture et la méditation des Écritures (oraison, lectio divina). Ensuite on redonna aussi une juste place à l’étude des sources (la patristique) et progressivement aux médiévaux (spécialement Saint Thomas d’Aquin).
3/ Le renouveau traditionnel est assez divers :
- Il y a ceux que Mgr Hyppolite Simon appelle les « Émigrés » qui sont nés et ont grandis d’abord hors frontière (et qui ne sont pas comptabilisés dans ces statistiques) : La fraternité St Pie X érigée canoniquement (avant la rupture) en Suisse, suivie (à partir de 1988) par la Fraternité Saint Pierre (Allemagne) et l’Institut du Christ Roi (Italie), la Communauté Saint Martin (Italie), la Communauté Saint Thomas Beckett (Belgique) et quelques autres communautés moins nombreuses.
- Pour filer la métaphore, on pourrait dire qu’il y eut aussi ceux de l’intérieur, un peu en marge des structures promues par le système (mais tout de même pris en compte dans ces statistiques) : Paray le Monial, Toulon, Ars… Ce renouveau allie piété ancienne et devotio moderna, étude des Pères et de Saint Thomas d’Aquin mais aussi une place plus notable à la liturgie.
2003 jusqu’à aujourd’hui : un lent déclin
Nous avons vu qu’après la grande diminution du clergé commencée après-guerre, il y a eu une relativement longue période (près de 30 ans) de stabilité autour de 1400 séminaristes. Et puis à vers les années 96-97 la décrue a repris, descendant même, au tournant du siècle, en dessous de 1000 pour se situer aujourd’hui autour de 600. Ce chiffre, pourtant bas, ne semble pas pour autant stabilisé. On peut craindre qu’il ne baisse encore.
Pourquoi cette dernière baisse ? Pour trois raisons principales :
1/ La fin du recrutement en zone rurale : l’inertie d’un recrutement paroissial et diocésain s’est achevée avec la fin du millénaire. Les jeunes qui entrent au séminaire sont aujourd’hui presque tous passés par les communautés nouvelles ou traditionnelles, les mouvements scouts ou de spiritualité.
2/ En outre, si les mouvements spirituels et communautés nouvelles ont été florissants dans les années 80, ils ont subi un certain revers en ce nouveau millénaire. Ils continuent d’avoir un rayonnement certain mais sont quelque peu en perte de vitesse dans le recrutement.
3/ Parmi les institutions plus traditionnelles, celles plus insérées dans la vie ecclésiale ont eu le plus de mal : le séminaire de Paray le Monial a fermé, celui d’Ars n’accueille qu’un petit nombre de français et Toulon peine à se réformer après avoir été aux avants postes de la vague du renouveau charismatique. De nouvelles institutions, à Bayonne ou à Vannes, essayent de prendre le relais…
Les communautés traditionnelles (qui ne sont pas prises en compte dans ces statistiques) ont mieux résisté ayant gardé un recrutement assez constant voire en légère augmentation. Notons la particularité de la Communauté Saint Martin : les rentrées pléthoriques de ces dernières années (16 en 2012, 31 en 2013, 26 en 2014) alors qu’elles stagnaient autour d’une dizaine jusque-là, ne cessent d’interroger.
De sorte qu’aujourd’hui on dénombre environ 600 séminaristes diocésains (dont une cinquantaine de l’Emmanuel et quelques dizaines appartenant à des nouvelles communautés), à quoi il faut ajouter une centaine à la Communauté Saint Martin et une centaine dans les communautés traditionnelles avec la Forme extraordinaire (Institut du Christ Roi, Fraternité Saint Pierre, Missionnaires de la Miséricorde, Institut du bon Pasteur). […]
Après la débâcle des années 60 – 70 on a assisté à un premier renouveau, à partir des années 80, fondé sur la redécouverte de la vie spirituelle et des Saintes Écritures comme Parole de Dieu. On réhabilita ainsi les principaux éléments de la tradition spirituelle : la lectio divina de l’héritage monastique, l’oraison carmélitaine, les exercices de saint Ignace de Loyola, etc. L’illustration emblématique de ce renouveau fut le diocèse de Paris. Avec le renouvellement de certaines « Cathos » (Toulouse par exemple) et la création de nouveaux Studiums (Venasque, l’École cathédrale à Paris…), l’accent a été mis sur l’étude de la tradition théologique chez les Pères de l’Église et les Théologiens médiévaux, notamment saint Thomas d’Aquin.
Héritage liturgique ?
Après ce double effort de réhabilitation, beaucoup ont pensé être arrivé au septième jour et pouvoir se reposer. Le Cardinal Lustiger chantait à bon droit son Nunc Dimittis. « Tout est accompli » pensaient ceux qui avaient œuvré pour ce renouveau. Il y avait bien sûr l’écho lointain de quelques institutions marginales qui réclamaient d’exhumer aussi la tradition liturgique, mais ça n’allait pas plus loin…
Puisque la tradition liturgique latine n’était, pendant toutes ces années (1970 – 1990), que parcimonieusement accessible, un certain nombre de communautés et mouvements ont, pour contourner cette tacite interdiction, puisé dans la tradition orientale, pour le chant notamment, et ont aussi développé l’adoration eucharistique. Après ce bel effort, beaucoup pensaient pouvoir s’arrêter là… avec une liturgie eucharistique excessivement dépouillée, dans la ligne des traditions cistercienne et carmélitaine… Mais les jeunes générations, ignorant tout des querelles d’antan, sensibles aux efforts liturgiques du jeune clergé, ne comprennent pas toujours cette extrême sobriété et ces lacunes dans l’héritage d’une liturgie centrée sur Dieu, c’est-à-dire considérée d’abord comme le lieu de la Rencontre avec Dieu avant même d’être le lieu de la communauté et de l’ecclesialité. D’où leur intérêt pour les éléments de la tradition liturgique latine. C’est sur cette vague de fond que surfe la Communauté Saint Martin. Mais son succès ne se limite pas à cela…
Le syndrome conservateur
Il y a dans l’Église un fort instinct de conservation, généralement inversement proportionnel à l’ancienneté des choses… Ce syndrome conservateur illustre la difficulté des institutions ecclésiastiques en France à s’adapter, mais particulièrement celles, plus classiques qui sont nées à partir des années 70… Face à la débandade un certain nombre de maisons de formation ont voulu réagir et maintenir, bien souvent au forceps face à une très forte contradiction, quelques éléments vitaux de la tradition spirituelle, théologique et liturgique… Mais pour ce faire et pour être accepté – au moins toléré – par l’Institution, il leur a fallu s’imposer quelques bornes infranchissables au-delà desquels ils ne devaient pas aller. Et eux-mêmes, poussés par la très forte pression du moment, devaient fréquemment se dédouaner de ne pas être intégristes, traditionnalistes, conservateurs, etc. Ils se sont donc arc-boutés à cette limitation vitale de ne pas en faire trop, spécialement en liturgie. Exit alors et tabou la soutane, le latin, l’orientation liturgique, le grégorien, la forme extraordinaire… Les exemples de maisons de formation qui ont souffert de ce syndrome sont multiples (Paray le Monial, Ars, Le Puy, Toulon dans une moindre mesure, etc.).
Et par la suite, quand un plus grand nombre de fidèles redécouvrait ces réalités liturgiques, ces Institutions sont restées rigoureusement sur la même ligne sans en dévier (sauf peut-être Toulon). De sorte qu’elles ne répondaient plus vraiment aux attentes nouvelles des plus jeunes générations.
Voici aussi pourquoi ceux qui sont sortis de ces Maisons de formation ont quelquefois du mal à accepter cette vague de fond qui favorise la redécouverte de l’héritage liturgique et ont par exemple accueillis le Motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI avec inquiétude et circonspection. […]
Le statut du séminariste
Qu’est-ce qu’un séminariste ? Un séminariste est un homme qui se destine à devenir prêtre : de ce point de vue il est dans un état transitoire, en pure puissance, dans la perspective de l’ordination. Mais en attendant l’ordination, qu’est-il ? Dans l’ordre de la grâce, il est baptisé, confirmé, appelé à être une pierre vivante de l’Eglise, témoin du Christ sauveur. Selon le droit de l’Eglise il est un laïc jusqu’au diaconat qui l’introduit alors dans la cléricature.
Autrefois le séminariste avait un statut : il était clerc à partir de la tonsure ; une identité : par la réception des ordres mineurs, il participait déjà, dans une certaine mesure, au presbytérat (la mission du Christ d’enseigner, de sanctifier et de gouverner) ; une perspective : le sacerdoce (le pouvoir d’offrir le sacrifice et de remettre les péchés).
On devenait clerc par la cérémonie de la tonsure, marque de l’appartenance au Seigneur et d’une certaine forme de consécration. Le clerc est celui qui est mis à part pour le service du Seigneur. Ce statut du séminariste se déployait dans trois domaines : social, ecclésial et liturgique.
Aujourd’hui, dans un contexte qui a bien changé, il peut être intéressant de s’interroger sur la place des séminaristes dans la société, dans l’Eglise et dans la liturgie.
* Le statut social du clerc en général (excepté l’évêque dans une certaine mesure) n’existe plus dans la société française, et ça n’est pas forcément un mal dans la mesure où cette position humble favorise la sanctification du clergé. En tout cas la redécouverte d’un certain statut pour les séminaristes d’aujourd’hui n’est certainement pas de cet ordre.
* Dans l’Eglise, le séminariste peine à trouver sa place pour 3 raisons :
1. Comme le remarquait Mgr Piacenza, alors secrétaire de la Congrégation pour le Clergé, « sous le profil du droit canonique, aujourd’hui, le séminariste est l’une des figures les plus « fragiles », ayant presque toutes les « charges » d’un clerc, sans aucune garantie réelle ou protection.»
2. Les séminaristes, aujourd’hui très peu nombreux, ne sont plus vraiment repérables dans la vie ecclésiale ordinaire.
3. Les laïcs ont pris des responsabilités dans les paroisses. La coordination avec les prêtres (curé, vicaire, auxiliaire) n’est déjà pas toujours très simple. On comprend alors que le séminariste n’y ait pas vraiment sa place…
En outre se pose la question de l’habit pour les séminaristes. Symptomatique à cet égard que cette pratique du diocèse de Versailles d’avoir pour les séminaristes une sorte d’uniforme commun (un polo). Cependant faut-il vraiment réinventer un uniforme là où il existe déjà ? Les communautés traditionnelles ont cette particularité de donner la soutane dès le séminaire : pour certains à l’issue de la première année (Institut du Christ Roi, Fraternité Saint Pierre), en 3e année pour les Missionnaires de la Miséricorde ou par étape comme à la Communauté St Martin (au chœur en 3e année puis en début de 6e année). On pourrait imaginer que les diocèses fassent un peu pareil avec l’habit de clergyman. Mais ça n’est pas le cas hors cette bizarrerie romaine qui veut que les séminaristes français (à partir de la 3e année) portent le clergyman à Rome mais l’enlèvent quand ils rentrent en France…
* Quelle place donner alors aux séminaristes dans la liturgie ? C’est une question à laquelle les diocèses ont essayé de répondre au fil du temps de manières diverses. Une chose est sûre, même s’il y a des évolutions ces derniers temps, il n’y a pas encore vraiment pour les séminaristes de place attitrée et reconnue par tous, prêtres et laïcs. Les séminaristes sont soit avec les laïcs dans la nef, ou éventuellement comme chantre au micro d’animation, soit en aube s’ils exercent une fonction liturgique, mais moins fréquemment et en général (sauf exception) pas systématiquement en aube dans le chœur, quand ils n’y exercent pas de fonction liturgique particulière (même après leur Admission). […]
Pourquoi un nombre important de jeunes préfère entrer dans les communautés traditionnelles (au sens large) plutôt que dans les diocèses ? Les nombreuses entrées ces dernières années à la Communauté Saint Martin ne peuvent laisser indifférent. Voici 7 points qui nous semblent expliquer cet engouement :
1. La liberté des post-modernes
Mgr Dominique Rey avait raison de dire que les jeunes d’aujourd’hui choisissaient leur séminaire comme ils le feraient pour une école de commerce. Autrefois quitter son diocèse pouvait apparaître comme une infidélité, même légère, aujourd’hui cela semble plutôt un gage d’ouverture et d’universalité…
2. Le sentiment d’être accueillis comme ils sont, avec leur culture familiale (même tradie)
Ces jeunes ont souvent fréquenté les mêmes lieux (et aussi un peu les mêmes milieux) : les scouts d’Europe, le pélé de Chartres, les jmj, la messe tradie, etc., dans une culture alors considérée non comme un handicap mais comme une richesse.
3. Dans un cadre homogène et rassurant
Le cadre du séminaire et celui de la Communauté sont homogènes et rassurants (pour les jeunes comme pour leurs parents). Cohérence entre leur histoire (celle de leurs confrères), la formation au séminaire et le ministère futur.
4. Pour un projet valorisant
Clairement assumé par le jeune, valorisé dans les familles, reconnu par la communauté, le statut de séminariste lui permet de se lancer déjà, à sa place, dans un authentique apostolat.
5. Pour recueillir un héritage (spirituel, théologique et liturgique)
Être un héritier, se mettre à l’école de la Tradition de l’Église… Pour un monde qui souffre de tant de ruptures, un tel enracinement est assurément une richesse précieuse aux yeux des jeunes générations. Le paradoxe veut que ce soit les communautés (récentes) qui transmettent cet héritage ancien…
6. Dans une perspective claire et un parcours plus lisible
En entrant au séminaire, ils deviennent séminaristes (et pas seulement à partir de l’Admission). Ils connaissent les étapes qui les conduiront au fil des années jusqu’à l’autel de Dieu…
7. En vue d’un ministère respectueux de leur histoire.
Les jeunes prêtres qui sortiront du séminaire se retrouveront à plusieurs, en communauté, et ne seront a priori pas destinés à être en première ligne dans la confrontation avec les anciennes générations de prêtres et de laïcs aux idées avancées… […]
Il y a dans l’Église une inertie, un conservatisme plus grand qu’ailleurs, (le Pape François le souligne assez !) qui rendent les réformes difficiles. Les mentalités changent plus par le renouvellement des générations. Mais les jeunes générations, moins nombreuses, peinent à se faire entendre. Même si l’on peut souhaiter des réformes rapides et audacieuses des institutions diocésaines, il est probable qu’elles restent, pour un certain temps encore, des vœux pieux…
En additionnant aujourd’hui les séminaristes des communautés traditionnelles, de la Communauté Saint Martin, des communautés nouvelles (Emmanuel, N D de Vie, Points-Cœur, etc.), on arrive aujourd’hui à presque 300 jeunes (350 si on voulait compter le chemin néochatéchuménal) en formation dans les communautés diverses, tandis que les séminaristes proprement diocésains sont entre 500 et 520. Si les mêmes tendances se maintiennent on peut imaginer que ces deux groupes s’équivaudront aux alentours de 2020. Cela annonce un visage un peu nouveau pour l’Église en France. On peut aussi se demander si en fin de compte un certain nombre de diocèses ne seront pas alors obligés de sous-traiter la formation des séminaristes aux communautés…”
Dieu n’est pas nommé dans cette analyse. C’est pourtant lui qui permet ce qui arrive. De même, Freud et le communisme ne sont pas nommés. Ils ont pourtant donné une idéologie qui dans l’esprit de beaucoup devait remplacer les réalités de la foi. On devrait savoir que Freud n’a jamais guéri personne. Qui le dit? Le communisme est discrédité, mais pas son rationalisme forcené. Enfin les sites mariaux sont ignorés, or Marie est mère de l’Eglise. Si on ne l’honore pas, on n’honore pas l’Eglise. Toutes ces raisons doivent être mises en évidence, si on veut un renouveau des vocations.
Excellente analyse, tout à fait intéressante et avec laquelle je suis entièrement d’accord. Les séminaristes ne sont plus reconnus à part entière physiquement, socialement, aucune place dans la liturgie arrivée aux mains des laïcs. Pas de reconnaissance en tant que “choisis de Dieu” élus, mis à part, même par leur paroisse, leurs prêtres diocésains, ce qui est un comble, et j’ose même pas dire par leur évêque pour les diocésains.
Pas un mot sur la qualité de l’enseignement dans les séminaires diocésains ou les regroupements ! L’ignorance de ces “jeunes” prêtres est stupéfiante ! Surtout sur l’histoire de l’Eglise, le latin etc… Ils ont incapables de juger des traductions lamentables des textes officiels. Cette ignorance confine à la stupidité. Voici un exemple irréfutable.
Magnificat dans sa livraison de novembre 2014, à la date du 15 , écrit : ” Mais voici ce que produit l’Esprit…” Ce texte n’existe pas. Le latin dit : “Fructus autem spiritus est caritas …”.
Mais le pire est l’incohérence avec le commentaire de Saint François de Sales qui suit le même texte une page plus loin ! ” Voyez, Théotime, que ce divin Apôtre comptant ces douze fruits du Saint-Esprit, il ne les met que pour un seul fruit : car il ne dit pas : Les fruits sont la charité , la joie, mais seulement : “Le fruit de l’Esprit est la charité la joie. Or voici le mystère…”
Ce n’est qu’un cas parmi des milliers. Il y a rupture radicale dans la transmission de l’Ecriture Sainte et l’accessibilité à la valeur du commentaire de Saint François de Sales !
Combien de séminaristes ont interpelé leur supérieur sur pareille nullité !
Votre remarque est juste, JPM, mais en fait, ces séminaristes “sont en phase” avec leur génération qui a disposé, subi, accepté (c’est comme vous voudrez) un système éducatif et un mode d’éducation parental tout à fait désastreux, qui les empêchent d’avoir une capacité de jugement et une force de caractère indispensables à répondre aux défis de notre époque.
Lorsque saint François de Sales écrit “introduction à la vie dévote”, il s’adresse à un public qui connaît ses humanités classiques, qui connaît les dangers de l’exercice du pouvoir politique, une expérience difficile de la vie de tous les jours et qui connaît le sens de la liturgie (et l’on pouvait en dire autant de ceux qui étaient “de la religion prétendûment réformée” : il suffit de lire “les tragiques” d’A. d’Aubigné pour s’en rendre compte !).
Alors, que les générations précédentes, au lieu de se montrer démagogiques et démissionnaires en tout viennent en aide à ces séminaristes quelles que soient leurs références : traditionnelles, voire traditionnalistes, concilaiires, voire modernistes (je le dis sur le ton de la boutade, certe) et aient la franchise de leur propos pour leur éviter de graves erreurs de jugement dans leur vie future de consacré ; et une prière associée à cet agir ne sera pas de trop pour les aider de la sorte !
Cette étude est fort intéressante, mais ses conclusions sont quelque peu préoccupantes, et pas seulement pour des raisons d’effectifs. Que des séminaristes veuillent un parcours et un statut respectueux de leur histoire personnelle peut se comprendre. Il n’en demeure pas moins que l’on devient prêtre pour être au service d’un peuple. Si les goûts personnels – spirituels,pastoraux, liturgiques ou vestimentaires- du futur prêtre correspondent à ceux du peuple auquel il est envoyé, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, il faudra bien qu’il s’adapte car sinon il se reproduira un phénomène caractéristique du XIXème et du XXème siécle, quand les paroisses “bourgeoises” ont vainement attendu dans leurs églises les ouvriers issus de l’exode rural. Croire que le retour au latin ,au sacré et à la soutane ramènera les gens à l’église est illusoire. Curieusement , l’étude du “Rouge et le Noix” considère que la liturgie traditionnelle orienterait vers Dieu alors que les liturgies dépouillées tourneraient l’assemblée vers elle même: et de citer à l’appui les liturgies cisterciennes et carmélitaines, qui ne sont pourtant pas particulièrement “horizontalistes”! Le latin et le grégorien sont beaux, mais ils peuvent fort bien conduire à la représentation du mystère plutôt qu’au mystère lui-même. St Vincent de Paul conseillait à ses lazaristes de prêcher en patois, St Louis-Marie Grignon de Montfort composait des cantiques sur des airs à la mode, le bienheureux P.Chevrier attachait plus d’importance à l’accueil des pauvres dans son église du Prado qu’à la beauté liturgique. Dans cette adaptation au monde tel qu’il est les prêtres ne sont pas isolés sur le plan sociologique: les professeurs, les médecins ou les gendarmes ont eux aussi perdu l’aura dont ils bénéficiaient autrefois. Cette comparaison est un peu triviale et je m’en excuse, mais elle aide à réfléchir.
Concernant le vêtement des séminaristes, dur de les faire porter le clergyman, tandis que beaucoup de prêtres sont complètement en civil. Ceux de la communauté St Martin, en cravate, font un peu trop BCBG. Les faire porter un uniforme sobre mais distinct de la tenue sacerdotale me semble une bonne idée.
Les séminaristes sont en effet dans une position ambiguë, officiellement laïcs mais à moitié clercs dans les faits. A la fois en formation pour être prêtre, à la fois en discernement de leur vocation, avant l’ordination diaconale ils n’ont pas pris d’engagement. En les faisant porter trop tôt la soutane ou le col romain, ils auraient l’aire de “défroquer” s’ils quittaient le séminaire (de leur initiative, ou de celle des autorités ecclesiales.
Un des freins aux vocations, ce n’est pas seulement la perte de prestige social, mais aussi la perte du sens du sacré. Si le prêtre n’est qu’un animateur socio-culturel, ou un desservant à la merci du quarteron de bigotes qui dirige la paroisse, pas étonnant qu’on ne se bouscule pas au portillon du séminaire.
Mais est-il indispensable que le prêtre – ou le séminariste – soit reconnu à son vêtement ? Cette question n’est pas une provocation mais une simple invitation à la réflexion. Dans mon secteur paroissial, pourtant riche d’une quarantaine de clochers, le prêtre ne porte pas de vêtement distinctif: il est pourtant connu de tous ses paroissiens et même bien au delà comme étant “le curé”. La communauté chrétienne doit se reconnaître non à son vêtement, mais à l’amour de Dieu et du prochain. L’amour du prochain commence par une (re)connaissance minimale de l’autre. Le gendarme a besoin d’un uniforme – de plus en plus discret au demeurant – pour faire reconnaître l’autorité dont il est porteur. En est-il de même du curé ? Sans doute un signe distinctif est-il utile, j’en conviens volontiers. Mais je fais observer que si le curé porte un uniforme voyant tel que la soutane, tout baptisé devrait au minimum porter une petite croix, parce que tout chrétien doit être prêtre (intercesseur), prophète (annonceur de évangéliser) et roi (serviteur) pour ses frères. Le curé a le même devoir comme tout baptisé, mais son sacerdoce est spécifiquement au service de la communauté chrétienne.
Cette fixation sur la vêture du prêtre me parait un peu surréaliste.
Sauf erreur de ma part, le Concile du Vatican n’a pas supprimé le port de la soutane, mais a autorisé le port d’un autre vêtement, avec des prescriptions assez strictes, qui écartent en tous cas les pulls, cravates club, jeans, et autres fantaisies qu’on voit malheureusement trop souvent. Dérive logique : s’il n’y a pas de norme, donc d’uniforme, où est la limite ?
Deux observations :
1. Il est nécessaire que le curé soit reconnu. Que tous ses paroissiens le connaissent n’est pas un critère : il est là pour évangéliser tout le monde, et non les 5% de baptisés qui vont régulièrement à la messe. Et que penser d’un prêtre, qui a consacré sa vie à Dieu, et qui parait en avoir honte ? Bien sûr que l’amour du prochain est plus important que le vêtement, mais l’amour ne se voit pas en croisant les gens dans la rue. D’ailleurs l’expérience spectaculaire du Père Zanotti-Sorkine à Marseille est bien là pour montrer qu’un prêtre “visible” attire les baptisés peu pratiquants, et même les non baptisés, et même les incroyants. Sil a le culot d’afficher sa Foi, c’est donc qu’il y croit.
2. Voyagez. Vous verrez les prêtres en soutane ou en clergyman en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Italie, en Espagne, au Portugal, aux Etats-Unis, pour ne parler que des pays que je visite. Les prêtres y sont partout visibles. Il n’y a apparemment qu’en France qu’ils ne le sont pas, et où ils croient suivre la norme alors qu’ils sont pratiquement les seuls à être en dehors.
Mais soyons justes, le col romain et l’habit de clergyman reviennent lentement, mais sûrement, de même que les liturgies soignées et des ornements qui font honneur à Dieu, et sont le signe que la messe n’est pas une pièce de théâtre, mais la manifestation d’un mystère sacré. Cela justifie que le prêtre s’y prépare de manière visible, en prenant la peine par exemple de revêtir une chasuble. Ce n’était pas toujours le cas il y a encore quelques années, sans parler des années 70. Tout va bien qui finit bien.
En partie d’accord avec Bruno Anel. Ces jeunes prêtres semi-tradis risquent d’avoir des difficultés une fois parachutés dans une paroisse lambda.
je pense aussi que l’opposition entre les 2 formes liturgiques est excessives, le “sens du sacré” peut se transformer en esthétisme et en spectacle ; l’encens, les beaux ornements, la chorégraphie des enfants de choeur ; à l’inverse une liturgie dépouillée de style monastique, ça incite au recueillement.
Un des risques est aussi que l’Eglise ne rassemble plus qu’un milieu social BCBG, les campagnes bretonnes, longtemps très catholiques, ne le sont plus guère en ce qui concerne les jeunes générations populaires.
Quand on étudie l’évolution du nombre des séminaristes, ne faut-il pas analyser en parallèle l’évolution démographique et celle de la pratique dominicale
Quel était le pourcentage de familles nombreuses en 1950, 1970, 1990, etc……? Quel était le pourcentage de pratiquants à ces époque?
En fait, il faudrait voir quel est le ratio “jeunes” pratiquant (18-25 ans, p.ex.)/nombre d’entrées au séminaire.