Il y a un monde entre la relatio post disceptationem, rapport d’étape publié sous forme de hold-up qui a donné une importance exagérée aux positions d’une minorité, ou ultra-minorité progressiste, et le document final de ce premier synode extraordinaire sur la famille. La relatio synodii rend compte de la réaction vigoureuse de nombreux pères synodaux après une publication qui a fait tant de mal en donnant aux médias, mais aussi à de nombreux catholiques, l’impression que la doctrine et la discipline de l’Eglise avaient déjà changé – comme le raconte un prêtre cité par LifeSite. Oui, déjà des couples qui cohabitent se sont présentés pour se marier – ce qui est bien – mais en même temps, raconte-t-il, ils ne comprennent pas qu’un prêtre leur fasse une remarque sur l’irrégularité de leur vie. « Je croyais que ce nouveau pape était pour l’accueil », dit la jeune femme…
Dans le document final, le n° 14 qui était l’un des plus scandaleux a été profondément remanié pour intégrer l’ensemble de la réponse du Christ sur le divorce, alors que le rapport d’étape « oubliait » de rappeler sa conclusion : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Les n°s 14 et suivants redisent la doctrine de l’Eglise, non sans oublier la miséricorde offerte à tous, mais non sans signaler que « le repentir et la conversion sont conditions du pardon ».
La « gradualité » a disparu. Le n° 17 qui en faisait une présentation erronée a été profondément remanié pour rappeler la doctrine de l’Eglise dans Gaudium et Spes, tandis que les approfondissements apportés par Humanae vitae et plusieurs textes de Jean-Paul II font leur entrée dès le n°18. C’est d’ailleurs d’une manière générale que le texte est enrichi de rappels doctrinaux qui n’ont rien de sec ou de lourd, avec la référence fréquente à la grâce que Dieu donne pour suivre sa loi. Le rappel sur la valeur du mariage naturel (n°22) dans la mesure où il est fondé sur « la relation stable et vraie entre un homme et une femme » n’est plus une justification de ce qu’il peut y avoir de désordonné dans les unions actuelles.
Le n°24 rappelle qu’il ne peut y avoir d’autre mariage que sacramentel pour les baptisés, et que toute « rupture est contraire à la volonté de Dieu », mais ajoute que l’Eglise est conscience de la « fragilité » de ses enfants qu’il faut « accompagner avec miséricorde et patience par les possibles étapes de croissance des personnes ». Voilà qui est déjà beaucoup moins ambigu.
Le n°25, sur les unions civiles et « rémariages » n’a bénéficié que de 140 votes favorables et 39 contre – soit que les partisans de l’élargissement l’aient trouvé trop étroit, soit que les plus traditionnels en aient jugé la rédaction insuffisamment nette, comme le note Sandro Magister : le fait est que le progrès par rapport au rapport d’étape est notable puisqu’il est clairement dit que l’Eglise a pour rôle d’aider les personnes à connaître « la divine pédagogie de la grâce » pour atteindre la plénitude du plan de Dieu pour elles. Le texte cite la « grâce qui est à l’œuvre » dans ces couples y compris pour qu’ils prennent soin l’un de l’autre.
Le n°27 sur la reconnaissance des valeurs positives de certaines formes de cohabitation stable dans la société d’aujourd’hui, fait lui aussi partie des paragraphes ayant recontré moins d’adhésion : 147 pour, 34 contre.
Le n°28 rappelle la nécessité de la conversion et la demande à la femme adultère de ne plus pécher (152 pour, 27 contre).
L’urgence de l’annonce de l’Evangile de la Vie occupe les paragraphes suivants : avec notre responsabilité qui est de semer, non de récolter, la primauté de la grâce ; et le rappel que l’enseignement de l’Eglise sur la famille est « signe de contradiction ». Cette annonce suppose une« meilleure formation » des prêtres, catéchistes, diacres… Le n°39 évoque la « chasteté » comme « précieuse condition d’une vraie croissance de l’amour interpersonnel. » Et le 40 l’assistance à la messe dominicale, si importante notamment pour les jeunes mariés.
Le n°41, évoque ceux qui ne vivent plus dans le mariage : il faut un « dialogue pastoral pour mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent les conduire à une plus grande ouverture à l’Evangile de la Vie dans sa plénitude ». Avec la recherche des éléments « positifs » dans ces situations : 125 voix pour, 54 contre. Les paragraphes 42 et 43, sur les situations du mariage dans certains pays et la nécessité de les accompagner avec délicatesse, recueillent un peu plus de voix, mais pas le consensus général.
Le n°47 parle des injustices subies par les époux abandonnés, contraints à la séparation par la violence de l’autre, des victimes innocentes des divorces que sont les enfants, de la difficulté du pardon ; et propose que chaque diocèse mette en place des structures de conseil pour éviter quand c’est possible la rupture des mariages.
La procédure de reconnaissance de nullité doit être assouplie, suggère le n°48 : encore un paragraphe plus controversé (143 pour, 35 contre). L’aide et le soutien à apporter aux divorcés abandonnés qui vivent dans la fidélité à leur mariage (n°50) est soulignée, ils doivent trouver leur nourriture dans l’Eucharistie, souligne ce paragraphe approuvé par 169 pères contre 8 seulement.
Le n°52 laisse ouverte la question de la communion aux divorcés remariés, tout en soulignant qu’elle ne pourrait s’envisager que dans le cadre d’une « responsabilité personnelle diminuée ou annulée » par divers « facteurs psychiques ou sociaux » : ce manque de netteté est souligné par un nombre de voix positifs insuffisant pour l’adoption du paragraphe, 104 voix pour, 74 contre.
La majorité des deux tiers n’a pas non plus été acquise pour le n°53 sur la communion spirituelle pour les divorcés.
Sur le soin pastoral des personnes « avec une orientation homosexuelle », le n°55 (118 voix pour, 62 contre, non adopté) affirme qu’il n’est pas possible d’« établir une analogie, même lointaine, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille », mais demande « nonobstant » que les hommes et les femmes avec une tendance homosexuelle « soient accueillis avec respect et délicatesse » : il cite le catéchisme de l’Eglise catholique demandant qu’on évite à leur égard « toute marque de discrimination injuste ». On peut se demander là encore qui a voté contre ; le manque de consensus est en tout cas le signe que la matière est tellement explosive, notamment sur le plan médiatique, que la prudence est de mise.
On retrouve de nouveau un large consensus contre le lobbying en faveur des droits homosexuels (n°56), et sur les questions suivantes qui traitent de la dénatalité destructrice du tissu social et du refus de la vie. Le numéro 58 parle de la « beauté de l’ouverture inconditionnelle à la vie » : « C’est sur cette base que l’on peut appuyer un enseignement adéquat sur les méthodes naturelles pour la procréation responsable », dit-il, avec la « redécouverte du message d’Humanae vitae ». Le même paragraphe rappelle la fécondité particulière du « choix de l’adoption ».
Sur l’éducation (n°60), la déclaration finale reprend les mots du rapport d’étape, mais y ajoute que « les parents peuvent choisir librement le type d’éducation à donner à leurs enfants, selon leurs convictions. » Le 61 ajoute de son côté la nécessité de la « dévotion mariale ».
Reste, comme le signale « Voice of the Family », que l’absence de majorité sur les sujets controversés laisse la place à la « confusion » : une confusion qui « dure depuis la révolution sexuelle des années 1960 » et qui se manifeste dans l’ouverture de certains pères synodaux aux propositions « contraires à l’enseignement de l’Eglise ».
En somme : il y a eu une vraie bataille, beaucoup de « recadrages », mais l’ouverture de la discussion pendant un an laisse prévoir de nouvelles turbulences.
Au fait, puisqu’on parle de divorces, pourquoi ne pas rappeler que leur taux est très nettement inférieur chez les couples qui n’ont pas recours à la contraception ? N’est-ce pas là un constat qui peut intéresser les jeunes qui envisagent le mariage et qui, nonobstant toute la propagande anti-familiale, rêvent toujours d’un amour durable et d’une famille unie ?
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Ouf ! Faisons donc toujours confiance à l’Esprit-Saint.
Je ne sais pas s’il y avait une “minorité progressiste”, mais je sais que les trois paragraphes de la “relatio” qui n’ont pas obtenu les 2/3 des suffrages des Pères Synodaux ont tout de même recueilli une large majorité: autour de 60% des suffrages ; ils ont été maintenus dans le rapport par le Saint-Père, pour transmission aux diocèses et discussion. Le cardinal Burke était loin de représenter une majorité.
Il est assez attristant de constater qu’un document ecclésial émanant d’un « super grand » synode chapeauté par le pape… soit beaucoup plus faible et beaucoup moins clair et « catholique » que certains livres parus sur le même thème, telle /La Famille catholique/ de l’abbé Patrick Troadec : http://www.chire.fr/A-177190-la-famille-catholique.aspx .