Dimanche 12 octobre 2014 à Saint-Nazaire, en l’église Notre Dame d’Espérance, a eu lieu la messe de Festi Frat 44, fraternité sans frontières. Ce projet porté par la Pastorale des Migrants du diocèse porte sur le rassemblement des communautés catholiques issues de l’immigration. Mgr Jean-Paul James, évêque de Nantes, a prononcé l’homélie et lLe Notre Père fut chanter en portugais et en français (vive l’unité), tandis qu’un extrait de l’Evangile fut proclamé en manjaque (Afrique). Et en latin ? Voici l’homélie :
“La joie de l’Evangile, c’est le thème de la semaine missionnaire. Mais quelle est donc cette joie ? Car tous, nous avons besoin de joie : besoin du regard émerveillé des enfants, du regard serein et heureux de certains de nos aînés. Nous avons soif de vraies joies. Et notre monde a du mal à secréter la joie. L’argent, le confort, la sécurité matérielle de beaucoup engendrent parfois, l’ennui, la morosité, la tristesse. Quel paradoxe ! Car combien auraient des motifs d’être plus abattus que nous, plus inquiets que nous, plus tristes que nous : je pense à ceux dont la vie humaine a été menacée à cause de la guerre, ceux qui ont connu l’épreuve de quitter leur pays, d’être ballotés entre les mains de marchands sans scrupule, pour des traversées, des voyages dangereux payés parfois à prix d’or. Ce sont certains de nos frères et sœurs issus de l’immigration. Or, quand nous avons l’honneur d’être reçus chez eux, la joie n’est pas absente. Quelle est cette joie ? qu’est-ce que l’Evangile a à dire de la joie ? Quelle est donc, pour nous chrétiens, la joie de l’Evangile ? Je m’appuie sur deux textes : l’Evangile et la deuxième lecture de la messe.
L’Evangile évoque des noces, et quelles noces, celles d’un fils de roi ! Et pourquoi parler d’une telle histoire ? Elle nous parle du grand rêve de Dieu. Quel est-il ? Condamner, anéantir, détruire ? Non, « le Royaume de Dieu est comparable, dit-il à un roi qui célèbre des noces ». Et il invite à la noce. Voilà notre Dieu : Il appelle à cette fête, la plus belle des fêtes humaines. Il aime passionnément notre humanité. Alors, il appelle : Veux-tu partager la joie de l’époux et ma joie de père ? Et l’époux, c’est Jésus. C’est cela être chrétien. Etre chrétien, ce n’est pas d’abord des règles à observer, des choses tristes et ennuyeuses. Etre Chrétien, c’est accepter de répondre à une invitation de quelqu’un qui nous aime. Et Saint Matthieu n’est pas seul à le dire. Rappelez-vous dans l’Evangile de St Jean : après avoir appelé ses amis, ses premiers disciples, où Jésus les emmène-t-il ? A une formation organisée par le diocèse ? A une retraite dans une abbaye ? Non, à des noces ! Etre chrétien, c’est pour aimer , c’est pour aimer avec Jésus. C’est pour la joie ! Le Pape François en parle : « La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus ». La religion n’est pas qu’une affaire sérieuse ! Faire le bien, connaître la doctrine, accomplir son devoir c’est important bien sûr. Le cœur de la religion chrétienne, c’est la relation au Christ, la relation aux autres, la communion dans la joie et l’amour. Les missionnaires partis en Afrique, en Asie, sur tous les continents en étaient convaincus. Des gens de nos régions qui n’avaient pas quitté les limites de leur canton, qui n’avaient pas toujours d’instruction ont osé ainsi partir, affronter des voyages périlleux. C’est la joie de l’Evangile qui les habitait. Ils partaient pour entrer en relation, partager leur foi, vivre la solidarité à Madagascar, en Haïti ou au Chili. C ‘est aussi cela « Festifrat » : si nous n’étions pas chrétiens, jamais nous ne nous serions rencontrés, gens de cultures différentes, d’origine franco-française, ou d’origine vietnamienne, irakienne, mandjak.. Et la fête prend sa source, là dans la messe. Jésus vient nous dire : « Je suis là au milieu de vous, comme l’époux qui aime l’assemblée que vous formez. Et j’ai une bonne nouvelle pour vous dès maintenant. Vous êtes au bon endroit: tu vois la dame à ta droite, tu ne la connais pas ? Eh bien c’est ta sœur ! Le monsieur au bout du banc qui est pas habillé comme toi, qui n’a pas la même couleur de peau, bonne nouvelle c’est ton frère ! C’est peut être encore des inconnus mais ils sont déjà tes frères et sœurs, ça veut dire que nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres ». Et ainsi, nous sommes arrachés à l’angoisse de la solitude, de l’isolement, nous célébrons les liens qui nous unissent. Nous révélons les uns aux autres notre valeur en particulier à ceux qui sont faibles, fragiles.
A la fin de la messe, nous n’oublions pas ce que nous avons vécu. Cela change notre regard, notre attitude. C’est le sens de la finale de l’Evangile, l’histoire de cet homme qui ne portait pas le vêtement de noces. Comprenons bien ce que dit Jésus : en effet, est-ce que cela veut dire que la noce n’est réservée qu’à quelques-uns ? Qu’à ceux qui ont les moyens d’avoir la « tenue correcte exigée », la cravate et la robe longue ? Est-ce qu’il faut mériter la noce et présenter ses décorations à l’entrée ? Ce serait très grave de le penser. Tous peuvent porter le vêtement de noces. Pour nous chrétiens, c’est le vêtement des baptisés. Mais voilà, l’habit ne fait pas le moine, on le sait ! Ce que Jésus rappelle, ce sont les exigences du baptême. Il ne suffit pas de chanter : « je suis chrétien, voilà ma gloire ! », il faut le vivre. Cela exige que je m’engage au service des hommes, comme Jésus. Jésus s’est engagé. Une vie abritée ne peut pas être une vie joyeuse. Oh cela ne veut pas dire que je changerai le monde en paradis ! Cela c’est le rêve. Il faut être lucide également sur nos forces et nos moyens ! Rêver sa vie, c’est un lieu de tristesse. Non, simplement m’interroger avec réalisme : quel petit geste de solidarité, d’amour, je peux faire chaque jour ? D’ailleurs il n’y a pas de petit geste en amour : ils ont tous un poids d’éternité.
Et je termine par la deuxième lecture. La lettre aux philippiens, c’est une des lettres les plus joyeuses de Paul. Il le dit dans ce chapitre 4 dont nous avons lu une petite partie : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie » ( Phi 4, 4). Et cette joie est liée à quoi ? Elle est liée au don. Paul VI qui va être béatifié dimanche prochain, écrivait : « En Dieu tout est joie parce que tout est don ». C’est la joie même de donner, la joie qui vient du don reçu et offert. Rappelons-nous : quelle est la plus grande des joies ? Est-ce celle de recevoir un cadeau ? Je crois plutôt que c’est de donner, de se donner ? C’est la joie des parents quand ils se donnent pour leurs enfants. C’est la joie d’une communauté, de services. Quelle joie quand on rend les autres contents : partager le repas concrètement, chacun ayant apporté un plat de son pays. C’est ce temps d’échange qui va prolonger notre célébration. C’est la joie de l’Evangile que nous vivons dans ce Festifrat. Nous en rendons grâce à Dieu.”
maximilienbernard@perepiscopus.org
Soyons donc des imbeciles et hypocrites heureux ! tous à st nazaire !