L’affaire d’une obligation de levée du secret de la confession que la justice de l’Etat de la Louisiane veut imposer à un prêtre catholique, évoquée ici sur Riposte catholique, pourrait venir devant la Cour suprême des Etats-Unis à la suite de l’appel formé devant la plus haute juridiction américaine par le diocèse de Bâton Rouge.
Le P. Jeff Bayhi est actuellement sous le coup d’une obligation de témoignage qui lui a été signifiée par la cour suprême de la Louisiane au mois de mai au titre du droit commun de l’Etat, qui contraint les « membres du clergé » à faire part aux autorités des allégations d’abus sexuels, hormis le cas des conversations « confidentielles » qui n’ont pas pour intention de faire connaître publiquement ces allégations. La cour renversait ainsi une première décision reconnaissant le droit du prêtre d’invoquer le secret de la confession quant à la teneur et même quant à l’existence ou non de la « conversation » ayant pour objet les abus sexuels.
Dans le cas présent, c’est une mineure dont les parents affirment qu’elle a été l’objet d’abus sexuels de la part d’un membre de la paroisse du P. Bayhi et en a parlé en confession. Plus exactement, elle aurait plusieurs fois avoué en confession, dès l’âge de douze ans, avoir eu des rapports avec cet homme, décédé en 2009, rapports qui ont continué malgré les confessions. Le P. Bayhi est notamment accusé de n’avoir pas bien conseillé la mineure.
Les parents de la jeune fille ont porté plainte cinq mois après la mort du paroissien, espérant obtenir des dommages et intérêts sur ses biens mais aussi de la part du diocèse de Bâton Rouge – qui aurait dû tenir selon eux le P. Bayhi informé de son devoir de rendre compte des aveux concernant l’abus sexuel – et du prêtre lui-même.
La jeune fille ne s’oppose pas à la divulgation des propos qu’elle affirme avoir tenus dans le confessionnal. Puisqu’elle ne tient pas à la confidentialité, ont affirmé les juges de Louisiane, le prêtre n’y est pas tenu non plus.
L’Eglise catholique invoque au contraire dans son appel devant la Cour suprême fédérale son droit fondamental et son autonomie par rapport aux règlements civils, l’Etat n’ayant aucune autorité pour juger de l’existence ou de la teneur d’une confession ni pour contraindre un prêtre à révéler ce qu’il a pu entendre. « C’est une doctrine fondamentale de l’Eglise depuis plusieurs millénaires : le sceau de la confession est absolu et inviolable », sous peine d’excommunication automatique, et le prêtre doit accepter les peines civiles ou pénales et même la prison plutôt que de briser le secret. Même s’il s’agit pour lui de se défendre.
L’affaire est fondamentale pour la défense des droits des religions et pour le respect de la liberté religieuse de l’Eglise catholique, souligne le diocèse de Bâton Rouge dans son appel.
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Le secret de la confession n’est pas un dogme. Dans l’Eglise primitive, les chrétiens confessaient publiquement leurs péchés: il nous reste de cette pratique le “confiteor” et le sacramental qui suit le kyrie (“Que Dieu tout puissant nous fasse miséricorde…”). Comme on imagine aisément les troubles que ces confessions publiques pouvait causer dans les communautés, l’Eglise à jugé bon au IVème siècle, de confier au prêtre le soin d’entendre l’aveu des fautes , de donner le pardon sacramentel et de garder le secret sur ce qu’ils avaient entendu. Le secret de la confession est donc une simple mesure “prudentielle” destinée à éviter de diviser la communauté. Il n’est pas inutile de rappeler aussi que la parole de Jésus : “ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux” (Matthieu 18,15) s’adresse à l’ensemble des disciples et non aux seuls apôtres. Le secret de la confession relève donc de la discipline de l’Eglise et non de l’Ecriture.
Tout à fait d’accord avec vous dans le cas présent. Le témoignage de la victime et des tiers/parents suffit.
Mais imaginons qu’un prêtre ait connaissance du cas d’un innocent condamné à mort (cela existe encore dans de nombreux pays) pour un crime qu’il n’a pas commis tandis que le vrai criminel s’est confessé à lui : doit-il se taire et laisser exécuter l’innocent ? N’a-t-il pas le droit de témoigner devant le tribunal que le vrai coupable (dont il taira le nom, la confession étant par ailleurs souvent anonyme) n’est pas celui qui a été condamné, afin d’éviter une erreur judiciaire irréparable ?