LifeSiteNews publie une interview du Dr Bogdan Chazan par Natalie Dueholm. Elle a pu s’entretenir avec celui qui a été sanctionné pour avoir invoqué sa conscience face à l’avortement. Le maire de Varsovie, Hanna Gronkiewicz-Waltz, a annoncé sa révocation comme directeur de l’hôpital de la Sainte-Famille après son refus d’indiquer à une femme enceinte de près de sept mois un médecin qui serait prêt à éliminer son enfant atteint de malformations.
Cette femme de 38 ans, déjà victime de quatre fausses couches, est devenue enceinte pour la 5e fois à la suite d’une fécondation artificielle à la clinique de fertilité Novum de Varsovie, qui n’assure pas le suivi des grossesses. Elle a été orientée vers le Dr Maciej Gawlak de l’hôpital de la Sainte-Famille – celui du Dr Chazan. C’est lors d’une échographie à la fin de la 21e semaine révélant des anormalités que le Dr Gawlak a expliqué à la patiente quelle est la loi polonaise et qu’il l’a renvoyée vers un établissement plus spécialisé, l’Institut de la Mère et de l’Enfant, où de nouveaux tests furent réalisés. Le Dr Gawlak avait demandé à cet Institut d’envisager l’avortement, mais cela fut refusé.
De retour à l’hôpital de la Sainte-Famille, le Dr Gawlak reçut la femme en présence du Pr Chazan. Elle fit une nouvelle demande d’avortement au jour de la fin de la 24e semaine. La loi polonaise laisse une possibilté d’avortement eugénique au-delà de cette date, dans une sorte de « zone grise » où certains médecins assurent qu’un fœtus atteint de malformations n’est pas encore viable. L’OMS, elle, fixe le début de viabilité à la fin de la 22e semaine.
Le Dr Chazan refusa alors l’avortement pour des motifs de conscience, mais proposa de suivre la femme et son enfant et d’assurer à celui-ci les soins palliatifs.
Le Dr Gawlak renvoyé alors la patiente vers un troisième établissement, l’hôpital Bielański, connu pour pratiquer des avortements : on lui expliqua que les délais étaient dépassés. La femme décida alors de donner naissance à son enfant plutôt que d’obtenir un avortement à l’étranger. C’est dans cet hôpital qu’elle a accouché ; son petit garçon a vécu quelques jours.
Voici ma traduction de l’entretien accordé par le Pr Chazan.
— Dr Chazan, vous avez été lynché par les médias, votre hôpital a été condamné à une amende, et vous avez été renvoyé de votre poste de directeur. Est-il fréquent en Pologne que des médecins soient aussi sévèrement sanctionnés ?
— Pas très souvent. Je dirais même : très rarement. En règle générale, par rapport aux gens comme moi, les choses se règlent dans la discrétion. Par exemple, plus souvent, les grandes sociétés n’embauchent pas de gynécologues qui ne prescrivent pas la contraception. Personne n’évoque ouvertement le recours à l’« objection de conscience ». On cache les choses, on ne laisse pas de traces écrites.
J’ai eu connaissance, par exemple, du cas d’une femme pro-vie très connue à qui l’on a refusé un cursus post-doctorat. Récemment, l’un des candidats au poste de directeur du service de gynécologie à l’Université médicale a été interrogé pour savoir qu’il avait signé la Déclaration de Foi et Conscience (NDLR : il s’agit d’une lettre ouverte signée plus de 3.000 médecins polonais exprimant leur hostilité à l’avortement et s’engageant à ne pas prescrire de contraceptifs). Ayant répondu par l’affirmative, il n’a pas obtenu le poste. Il y a peut-être d’autres circonstances, mais je n’en ai pas connaissance.
— Votre hôpital a été puni d’une amende parce que vous êtes accusé d’avoir abusé de la clause de conscience en refusant d’orienter une patiente vers un médecin avorteur. Un médecin polonais peut-il véritablement refuser toute collaboration avec l’avortement ?
— Très simplement, non. Et en particulier, il ne peut le faire de manière ostentatoire, ainsi que je l’ai fait.
— Ostentatoire ?
— Je parle ici d’une situation où le médecin, de manière claire et ferme, refuse d’orienter une patiente vers un autre médecin ou un autre établissement en vue d’obtenir un avortement. Le plus souvent, les médecins se contentent d’invoquer la clause de conscience pour refuser de pratiquer l’avortement. Il faut rappeler qu’en Pologne, si l’on se réfère aux statistiques, chaque année « seulement » deux avortements sont pratiqués par service de gynécologie. La plupart des médecins – une majorité significative des gynécologues – ne pratiquent pas l’avortement dans les hôpitaux, ni dans leur cabinet privé. La plupart des médecins refusent pour des raisons morales.
— Pourquoi l’hôpital s’est-il vu infliger une amende de 17.000 euros ?
— Il s’agit d’une mesure punitive. Peut-être la meilleure façon d’éviter ce genre de problèmes à l’avenir consisterait-elle à signer des contrats avec le Fonds national de santé (FNS) gouvernemental qui exclueraient explicitement les procédures d’avortement. Mais le FNS serait-il d’accord ? J’estime que tant que restera en vigueur la loi actuelle qui permet les avortements eugéniques, seuls les établissements médicaux assurant le diagnostic prénatal « devraient » pratiquer des avortements. Bien évidemment, toutefois, je suis opposé à l’avortement n’importe où et pour n’importe quelle raison.
— Vous avez été révoqué à la suite d’une inspection menée par la ville Varsovie. Pouvez-vous commenter cette décision ?
— C’est une sanction douloureuse et injuste. Depuis que j’ai pris la direction, l’hôpital s’est développé, agrandi et modernisé, et les relations médecin-patient se sont améliorées. L’hôpital a gagné en popularité dans l’ensemble de Varsovie.
Je dois préciser cependant que techniquement, je n’ai pas encore été licencié. Le maire de Varsovie n’a fait qu’annoncer mon renvoi.
— Selon le rapport de la ville de Varsovie, la patiente a demandé l’avortement alors que la 24e semaine de grossesse était déjà révolue. Vous auriez pu refuser en lui indiquant simplement que ce délai étant passé, l’avortement n’était plus légal. Au lieu de quoi vous avez refusé en vous fondant sur votre conscience. Pourquoi avez-vous choisi cette voie ?
— Je dois préciser qu’il n’est pas exact de dire qu’en Pologne, l’avortement est illégal au-delà de la 24e semaine. Aucun règlement ne fixe le nombre de semaines au-delà duquel l’avortement ne serait plus possible. Cela est à la discrétion du médecin.
Lorsque – ainsi que me l’avait demandé la patients – j’ai exprimé par écrit mon refus basé sur l’objection de conscience, j’ai écrit honnêtement la raison pour laquelle je n’étais pas d’accord pour qu’un avortement soit pratiqué dans mon hôpital. J’ai également déclaré à la télévision que je ne pouvais imaginer que des avortements aient lieu à l’hôpital de la Sainte-Famille, à moins de lui donner un nouveau nom : l’hôpital Felix-Dzerzhinsky, en hommage à l’odieux meurtrier de la NKVD. (NDLR : Dzerzhinsky, qui sévissait dans la police secrète soviétique d’avant le KGB, est né en Pologne.)
— Selon le même rapport, deux autres hôpitaux ont refusé l’avortement à cette femme. L’un des refus était même antérieur au vôtre. Savez-vous si ces établissements vont subir des inspections publiques ?
— Oui, probablement. Nous aimerions savoir ce qui s’y est passé. Mais dans ces hôpitaux, personne n’a exprimé son refus par écrit. Tout s’est passé oralement. Il n’y a aucune trace de ces refus dans le dossier médical de la patiente.
— Le bébé que vous avez refusé d’avorter, et qui avait été conçu in vitro, était malade et présentait des malformations…
— Au cours d’une échographie et des IRM pratiquées à l’Institut de la Mère et de l’Enfant (ce n’est pas mon hôpital) les problèmes de l’enfant ne paraissaient pas si graves. Une opération semblait possible. Cependant, selon le Pr Dębski, la situation du bébé s’est révélée être plus grave à la naissance : en réalité, il ne pourrait pas vivre.
— Ce médecin, le Dr Romuald Dębski de l’hôpital Bielański, a décrit le visage du bébé à la télévision, avec des détails insupportables. L’avocat de la femme a dit que l’enfant n’aurait jamais dû naître. Quel est votre commentaire par rapport à cette discrimination à l’égard des bébés-éprouvette ?
— Il est bien triste que mon confrère ait montré ait fait preuve d’une telle cruauté à l’égard de cet enfant, en violation de sa dignité et de son humanité. Nous ne devrions pas traiter les personnes en fonction de leur aspect. Plus tard, le Dr Dębski, et moi aussi d’ailleurs, n’aurons pas non plus un aspect très engageant, nous pourrions même être horribles à voir. Je n’aimerais pas que les gens se détournent de moi. « Traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent. » C’est une bonne règle.
— De nombreuses études montrent que les enfants conçus in vitro ont plus de risques de présenter des défauts.
— Oui c’est vrai, et cela mérite d’être redit : les enfants conçus in vitro ont plus de risques de présenter des défauts. Mais cela ne signifie pas que nous ne devons pas aimer ces enfants. Ils méritent notre amour. Ils sont aimés de Dieu.
Soit dit en passant : je crains que ce type de « spectacle » réalisé par le Dr Dębski à la télévision n’augmente la peur des femmes d’avoir des enfants. Je crains aussi que cela n’augmente le degré de perfectionnisme déjà recherché par certaines femmes qui envisagent de devenir mères.
— Quels sont vos projets pour l’avenir ?
— Peut-être resterai-je à mon poste de directeur de l’hôpital de la Sainte-Famille. Peut-être Mme le maire de Varsovie reviendra-t-elle sur sa décision. Sinon, je pourrai toujours travailler à l’Université, à la Commission de la population du gouvernement (Rządowa Rada Ludnościowa), au Comité de la science démographique, ou à MaterCare International… Je peux également continuer mon travail de bénévole à Isiolo au Kenya. Si j’en ai le temps, et que Dieu me prête vie et force…
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