ESF… Ecole du Ski Français pour la plupart des Français, mais aussi et surtout Espoir et Salut de la France. Bien connotée, cette abréviation et l’image qui l’accompagne sont associées aux « tradis », mot lancé presque comme une insulte parfois. Et pourtant le Sacré-Cœur que nous fêtons cette année le 11 juin, dévotion au Cœur de Jésus-Christ, symbole d’amour divin, est bien plus qu’une simple iconographie de reconnaissance sociale.
L’idée même du Sacré-Cœur se retrouve il y a plus de 2000 ans, l’apôtre Jean reposant alors sa tête sur le cœur de Jésus au cours de la Cène. La tradition du Sacré-Cœur se développe ensuite au long des siècles, spirituellement et théologiquement (voir l’ouvrage Le Sacré Cœur de Jésus – deux mille ans de miséricorde, Jean-Claude Prieto de Acha, éditions Téqui). Au XVIIème siècle, Saint Jean Eudes met en place les éléments d’un culte au cœur de la Vierge Marie, puis à celui de Jésus La révélation plénière du caractère sacré du cœur du Christ a lieu dans la seconde moitié du XVIIème siècle.
Dieu choisit pour montrer au monde la gloire de son Cœur une humble religieuse de Paray-le-Monial, Sœur Marguerite-Marie Alacoque. Il lui apparaît, la faisant reposer sur son Cœur, la plongeant entièrement dans son amour divin. En 1673, le Christ lui découvre son Cœur offert aux Hommes : « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes (…) que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande ». En 1674, elle décrit l’apparition du Sacré-Cœur qu’il lui est donné de contempler, expliquant également la signification de la Croix qui surmonte le cœur : « Ce divin Cœur me fut présenté dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable, et il était environné d’une couronne d’épines qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient et une croix au-dessus qui signifiait que dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire que dès lors que ce Sacré-Cœur fut formé, la croix y fut plantée… ». Enfin, en 1675, c’est la « grande apparition », Jésus demande que soit instaurée une fête honorant son Cœur : “Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour (…) Mais ce qui m’est encore plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pourquoi je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon divin Cœur”.
En 1856, le Pape Pie IX étend la fête du Sacré-Cœur à l’Eglise universelle. Trois encycliques marquent ensuite l’importance accordée par les Souverains Pontifes au Sacré-Cœur de Jésus. Ainsi, en 1899, Annum Sacrum consacre le genre humain au Sacré-Cœur (encouragé en ceci par Maria Droste zu Vischering, supérieure du couvent du Bon Pasteur à Porto), élevant sa fête au rite double de 1° classe. Léon XIII surnomme cette consécration « le grand acte » de son pontificat. En 1928, Pie XI promulgue l’encyclique Miserentissimus Redemptor, petite somme théologique du Sacré-Cœur. Enfin, en 1956, vient celle de Pie XII, Haurietis Aquas.
Les guerres donnent un souffle nouveau à la dévotion de la France, puis des Français, au Sacré-Cœur du Christ. Ainsi, à l’automne 1870, le notable parisien Alexandre Legentil, à la forte personnalité et ayant de nombreuses relations dans le milieu parisien, prononce un vœu national, qui sera réalisé quelques années plus tard par la construction de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Il dit ainsi : « En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore, en présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l’Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ, nous nous humilions devant Dieu et réunissant dans notre amour l’Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes ainsi que les secours extraordinaires, qui peuvent seuls délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France, nous promettons de contribuer à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus ». Et en 1873, l’Assemblée Nationale vote une loi reconnaissant l’église comme étant d’utilité publique, permettant à l’évêque d’acquérir les terrains nécessaires. La basilique est achevée en 1914, et consacrée en 1919. Aujourd’hui encore, et ce depuis des décennies, les fidèles continuent d’y assurer une présence permanente, jour et nuit, par l’adoration perpétuelle de Celui qui s’est fait présence réelle pour nous.
Après la France dans son ensemble qui, au travers de cette basilique, apprend à connaître et à s’offrir au Cœur sacré de Notre Seigneur, les Français vont perpétuer la dévotion au Sacré-Cœur dans les tranchées malgré l’opposition de l’Etat laïc, fraîchement séparé de ses Eglises et fortement allergique à l’idée même de religion. Face à l’horreur des combats, au caractère meurtrier de cette guerre d’un type nouveau, côtoyant quotidiennement la mort, les appelés redécouvrent et ravivent leur foi catholique, soutenus en cela par les nombreux religieux et « curés sacs au dos » que l’Etat a parfois fait revenir de leur exil forcé pour porter les armes. Lire la suite !