Le Glennon abrite, depuis 1998, un département spécialisé, le Bob Costas Cancer Center [1], qui traite, chaque année, environ soixante-dix enfants atteints de différents types de cancers ou de pathologies sanguines.
Voilà qui est, sans conteste, une très belle réalisation de la charité catholique appliquée aux enfants malades dignes, à double titre, de la sollicitude de l’Église.
Évidemment, comme il s’agit là d’établissements privés, une grande partie du financement est le fait de donateurs high ou low dollar (gros et petits donateurs), et un administrateur du Glennon, Allen Allred, est particulièrement chargé de les rechercher. En outre, et depuis deux décennies, un gala de bienfaisance est organisé chaque année à St. Louis, où se produisent, en général gracieusement, de grandes vedettes de la chanson et du show business. 12 millions de $ ont été ainsi récoltés qui ont contribué au financement de cet hôpital pour enfants. Il faudrait être mauvais coucheur pour s’en plaindre. Encore que…
Samedi prochain, 28 avril, une très célèbre chanteuse et compositeur de rock, Sheryl Crow, d’ailleurs native du Missouri, vient donner un concert au théâtre Fox, une grande salle de spectacle de 4 300 places, au profit du Bob Costas Cancer Center. Ce matin, elles étaient à peu près toutes vendues ; une opération susceptible de rapporter près de 300 000 $ à l’établissement hospitalier. Ce qui n’est pas rien, et tout le monde applaudit par avance l’événement.
Toutefois, dans ce concert unanimiste où se mêlent, administrateurs, artistes, médecins ou parents d’enfants malade, une voix s’est fait entendre qui rompt l’unisson : celle de Mgr Raymond Burke, archevêque de St. Louis (www.archstl.org) et, de surcroît, président du conseil d’administration du Glennon. Et cette voix sonne juste tandis que l’unisson sonne étonnamment faux. Expliquons-nous.
La chanteuse Sheryl Crow, dont le succès au box office est aussi impressionnant que sa carrière est cahotique (et semée de cadavres dans ses groupes musicaux…), est une ardente militante des causes progressistes. Elle est pro-avortement et les Américains n’ont pas oublié sa tournée de concerts Rock 4 Choice, c’est-à-dire : le rock pour l’avortement. Elle soutint activement l’an passé la campagne sénatoriale dans le Missouri de Claire McCaskill, “catholique” et pro-avortement. Les Missourians purent aussi voir l’an passé Sheryl Crow prônant, dans des clips de propagande destinés à la télévision, la manipulation des cellules-souches embryonnaires, donc la destruction d’embryons humains…
Est-il cohérent de venir battre l’estrade pour aider à collecter de l’argent pour des enfants cancéreux tout en soutenant le meurtre de dizaines de millions de fœtus et de dizaines de milliers d’embryons humains ? Voilà qui nous renvoie au débat de l’hiver dernier sur le « Téléthon » en France, et la juste mise en garde de Mr Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon.
L’archevêque Burke, en parfaite cohérence, lui, avec le Magistère de l’Église, a répondu non.
Connaissant le “profil” particulier de Sheryl Crow, il alerte dès février le conseil d’administration du Glennon sur le scandale [2] que constituerait sa prestation pour le Glennon. Les administrateurs de cet établissement “catholique” s’en fichent : pour eux, l’argent vaut mieux que la culture de vie. L’archevêque Burke n’a dès lors plus d’autre choix : rompant avec son habitude de ne quasiment jamais tenir de conférence de presse, il convoque les médias le mercredi 25 avril pour dénoncer le scandale et informer de sa démission, en début de semaine, de la présidence du conseil d’administration du Glennon : il ne lui est pas possible de permettre à quelqu’un « qui soutient publiquement la destruction massive d’êtres humains innocents » de récolter de l’argent pour un hôpital catholique : « Une institution catholique qui fait venir un artiste promouvant un mal moral, donne le sentiment que l’Église est quelque peu incohérente dans son enseignement ». « Cela m’est très douloureux, poursuit Mgr Burke, mais j’ai à répondre devant Dieu de mes responsabilités d’archevêque. Demeurer silencieux devant une telle situation aurait constitué le plus grave des scandales, car les gens auraient eu l’impression que leur pasteur pensait aussi que tout cela était parfait ».
Ce ne l’était évidemment pas et la décision de Mgr Burke, constitue une position de principe moralement impeccable. Et ce n’est pas la première : on connaît, depuis 2004, sa position de principe de refuser la communion, sur tout l’étendue de son archidiocèse, aux politiciens “catholiques” soutenant publiquement l’avortement… Une position que peu d’autres évêques américains partagent il est vrai, mais qui est tout à son honneur épiscopal. Heureux troupeau de St. Louis de posséder un tel bon pasteur…
[1] Je suppose que le Bob Costas qui a donné son nom à ce département, est le célèbre commentateur de baseball, un catholique né en 1952, et dont le nom apparaît comme donateur ou administrateur de plusieurs organismes de recherche médicale.
Addenda du 28 avril : je supposais bien ! Ce journaliste sportif a par ailleurs commis des commentaires stupides sur la décision de Mgr Burke.
[2] Au sens fort ou l’entend la théologie morale : une attitude qui incite des personnes à poser des actes immoraux ou à commettre le mal.