« Tout est chrétien, même l’erreur. Ce n’est pas un paradoxe. Le génie du christianisme est si universel, si pénétrant, si radical qu’il imprègne toutes choses. Depuis la naissance du Christ, il n’est rien dans l’homme qui ne soit affecté d’un coefficient religieux. Toute vérité a désormais un aspect religieux. Toute déviation de la vérité, tout sophisme, toute aberration ont une tonalité religieuse. Il n’y a plus d’autre possibilité pour l’erreur de se manifester que sous forme d’hérésie.
C’est là un mystère, un très grand mystère. Mais sans lui l’histoire de l’humanité après le Christ est rigoureusement inintelligible. Sans lui, elle n’est plus, selon le mot terrible de Shakespeare, qu’une histoire de fou, pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot. Si l’histoire a un sens, même dans ses désordres et dans ses chutes, ce sens ne peut être que chrétien. Chaque fois que nous tentons d’aller au fond des choses en matière historique, nous touchons du doigt la présence irréductible et ubiquitaire du christianisme sous sa forme orthodoxe ou sous sa forme hérétique. L’histoire universelle n’a qu’un seul axe : le Christ.
Sur le plan social en particulier, tout désordre, tout détraquement s’est toujours traduit depuis le Christ sous forme d’hérésie. Au Moyen-âge, il n’est point d’attaque contre l’ordre social qui ne soit en même temps une hérésie chrétienne. Le cas des Albigeois est typique à cet égard. Celui du protestantisme à l’aube des temps modernes ne l’est pas moins. Quant à la Révolution française, nul n’a mieux aperçu que Michelet son caractère hérétique. Il l’a exprimé dans une phrase lapidaire « La Révolution continue le christianisme, elle le contredit. Elle en est à la fois l’héritière et l’adversaire »
C’est la définition même de l’hérésie qui sort du sein du christianisme pour le combattre. Comme l’écrivait, voici longtemps, Jacques Maritain, « les idées révolutionnaires sont des corruptions d’idées chrétiennes » et « un ferment divin corrompu ne peut être qu’un agent de subversion d’une puissance incalculable. »
Marcel De Corte – In : La libre Belgique, du 13/XII/1952.
Merci,
Car très bon choix de lecture. Je suis toujours partant de limer mon « intelligence » (je reste modeste par défaut !) de la sorte.