Recommandé par le bulletin de ma paroisse parisienne de Saint Médard, le livre « L’Ancien testament expliqué à ceux qui n’y comprennent rien ou presque » semblait être directement écrit à mon intention. En effet, je ne comprends pas grand-chose à l’Ancien testament. Comme le catéchisme de l’Eglise catholique enseigne que toute la Bible est écrite de mains d’hommes mais inspirée par Dieu, j’en déduisais seulement que l’inspiration divine était beaucoup plus forte dans les Evangiles que dans l’Ancien testament.
Néanmoins, j’étais avide de découvrir l’inspiration divine présente dans l’Ancien testament aussi faible fût-elle. C’est donc avec intérêt que j’ai ouvert ce livre. L’auteur, prêtre catholique (et jésuite…) décrit assez clairement la toile de fond des différents livres de l’Ancien Testament.
Tout d’abord, il donne de bons repères chronologiques de l’histoire d’Israël :
- Conquête de la terre promise par Josué
- Royaume uni de David puis Salomon,
- Division en 2 royaumes : celui du Nord (royaume d‘Israël ou Samarie) et celui du Sud (royaume de Juda)
- Chute du royaume du Nord et déportation par les Assyriens,
- Chute du Royaume de Juda et déportation à Babylone
- Chute de Babylone, détruite par les Perses ; édit de Cyrus et retour des Juifs en Terre promise.
Les règnes de Josué et de David sont évoqués comme un âge d’or d’Israël, alors que les règnes de leurs successeurs des royaumes du Sud et du Nord sont marqués par une certaine décadence.
La plupart des rois juifs sont ainsi réprouvés non seulement pour avoir voué un culte à des divinités païennes, mais aussi pour avoir érigé des sanctuaires locaux au Dieu d’Israël (c’est le « péché de Jéroboam», roi du Nord qui avait instauré dans son royaume des sanctuaires rivaux du Temple de Jérusalem). En effet, nous dit l’auteur, le Temple de Jérusalem « ne tolère aucun rival. Salomon lui-même sera condamné pour avoir construit d’autres sanctuaires près du fameux Temple. » (p.110).
Lors de l’exil à Babylone, le prophète Ezéchiel « réussit à démontrer que le Dieu du Temple de Jérusalem n’est pas lié, en réalité, au Temple comme une quelconque divinité du Proche-Orient ancien. Il est un Dieu qui peut se déplacer car il est porté par un véhicule mû par des êtres qui combinent l’intelligence humaine, la force du taureau, la majesté du lion et la capacité de voler de l’aigle [il s’agit là de la vision du tétramorphe qui deviendra l’emblème des 4 évangélistes]. Le Dieu d’Ezéchiel est en mesure de se déplacer et, par conséquent, il parvient à retrouver les exilés à Babylone.» (p.152).
Au retour de l’Exil, malgré la reconstruction du Temple, les écrits bibliques prennent une importance nouvelle. A partir de ce moment, « le pivot de la vie du peuple n’est plus le culte autant que la Torah » (p.203). Ce passage du Temple à la Torah constitue déjà un 1er pas vers l’adoration en « esprit et en vérité », qui sera annoncée par le Christ à la Samaritaine (Jean, 4, 19-24).
Les deux alliances principales
Par ailleurs, l’auteur explique, de façon très éclairante, que tout l’Ancien testament est structuré par 2 alliances principales.
La 1ère alliance est l’alliance inconditionnelle que Dieu fit avec Abraham (l’unique condition de cette « alliance perpétuelle » étant en fait la circoncision, « signe de l’alliance », Genèse 16, 9-14).
La 2nde alliance est l’alliance conditionnelle que Dieu fit avec Moïse au Sinaï.
Cette alliance était conditionnelle car si Israël ne respectait pas cette alliance en désobéissant à la Loi de Dieu, Dieu n’avait plus à lui assurer son assistance et protection.
Les prophètes, nous dit l’auteur, ont expliqué l’exil à Babylone comme conséquence de la rupture de l’Alliance du Sinaï. (p.41 : « Les grands prophètes, en particulier Jérémie et Ezéchiel, ont expliqué l’exil comme conséquence de la rupture de l’Alliance du Sinaï. Dieu avait promis à son peuple assistance et protection, bénédiction et prospérité, à la condition cependant qu’Israël soit fidèle à l’Alliance et qu’il observe sa loi. Israël n’a pas été fidèle à son Dieu et a été, pour cette raison, frappé par la malédiction. La question qui se pose spontanément est la suivante : Y-a-t-il encore un avenir pour Israël ? Une solution a été de chercher un fondement plus solide et plus ancien pour l’Alliance du Sinaï. Israël l’a trouvé dans les patriarches, en particulier chez Abraham : l’alliance avec Abraham au contraire de celle du Sinaï, est inconditionnelle et irrévocable parce qu’elle dépend seulement de la fidélité de Dieu à ses promesses et non de la fidélité du peuple. »)
Le père SKA livre ainsi de véritables clefs de lecture de l’Ancien testament qui m’ont permis de dépasser l’impression d’accumulation de textes divers sans grande cohérence que je pouvais avoir jusqu’alors.
Cependant, il est un grand absent dans ce livre : le Christ.
Alors que je m’attendais à ce qu’un chrétien ait comme grille de lecture de l’Ancien testament le décryptage des annonces de la venue du Messie, le père SKA omet presque totalement de mentionner l’existence des passages messianiques.
Il consacre certes quelques lignes à la vision qu’eut le prophète Daniel du « Fils de l’homme ». Mais c’est pour nous dire que le sens original de ce texte ne porte pas sur l’attente du Messie… (p.225 : « Le texte, dans son sens original, ne parle cependant pas du Messie attendu, mais bien de la “communauté des saints” »).
L’auteur n’écrit rien en revanche, sur les poèmes du serviteur souffrant d’Isaïe, dont Jean-Paul II nous disait pourtant qu’ils constituaient en quelque sorte le « 5ème évangile », ou même « l’évangile de l’Ancien testament » (encyclique Dominum et vivificantem, §15).
Rien non plus sur le psaume 22. Les 1ers versets de ce psaume correspondent aux dernières paroles du Christ en croix (« Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »), et pour cause : le psaume 22 annonce le tirage au sort des vêtements du Christ par les soldats romains (« ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement », et certaines des modalités de sa mort (« une bande vauriens m’entoure ; comme pour déchiqueter mes mains et mes pieds ») …
Rien encore sur l’annonce de la résurrection du Christ mystérieusement exprimée par la délivrance du prophète Jonas après 3 jours passés dans le ventre d’un poisson (cf. Matthieu, 12, 40 : « De même en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant 3 jours et 3 nuits, de même le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre durant 3 jours et 3 nuits »).
Rien sur l’élévation par Moïse du serpent de bronze au désert, (« Quiconque aura été mordu et le regardera restera en vie », Nombres, 21, 4-9), figure de la Croix du Christ, qui « s’est fait péché » pour les pécheurs (cf. Jean,3,14-15, « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’Homme, afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle »).
Rien enfin, sur l’annonce de Bethléem comme lieu de naissance du Messie par le prophète Michée (Michée, 5, 1 : « Et toi, (Bethléem) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner en Israël » ; cf. Matthieu, 2, 2-6 : « le roi Hérode (…) assembla tous les grands prêtres avec les scribes du peuple, et il s’enquérait auprès d’eux du lieu où devait naître le Christ. « A Bethléem de Judée lui dirent-ils ; ainsi, en effet est-il écrit par le prophète »).
Il semble que l’auteur ait pris le parti de traiter l’Ancien testament de manière presque totalement indépendante du Nouveau. Peut-être s’est-il refusé à commenter les passages messianiques pour ne pas enfoncer ce qu’il doit considérer comme des portes ouvertes.
C’est en tout cas regrettable, car l’unité organique de la Bible a bien été résumée par saint Augustin dans sa célèbre phrase : « Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est révélé dans le Nouveau » (Questiones in Heptateucum, 2, 73).
Emilien Halard
E . N . F . I . N . !!!
Je suis trop fatiguée pour engager la discussion mais je suis heureuse de cette initiative.
Une baptisée Catho.
En effet c’est dommage que la Bible soit lue sans le Christ, c’est à dire sans Dieu.
On ne peut vivre le christianisme sans le Christ, juif empreint de la loi juive et de la littérature sacrée juive (tout autant que des courants religieux de son temps).