Mgr Hervé Giraud, évêque de Soissons, communique au quotidien sur le réseau Twitter. En 140 caractères, il propose un verset de l’Évangile auquel il ajoute un petit commentaire. Il explique à Radio Vatican :
Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivé sur Twitter ?
J’ai expliqué, un jour, dans une conférence à Paris, la manière dont je tenais mon blog, ma page internet du site de mon diocèse. Lorsque j’ai terminé ma conférence, quelqu’un est venu me voir en disant : « Mais est-ce que vous écrivez la parole de Dieu en un petit commentaire qui a la dimension d’un tweet ? ». Alors, j’ai demandé : « c’est quoi twitter ? J’en ai un peu entendu parler mais je n’ose pas me mettre sur ce réseau ». Et quand j’ai vu de quoi il retournait, je me suis immédiatement inscrit. C’était exactement il y a trois ans, le 23 janvier 2011. J’ai essayé d’être régulier, de mettre tous les jours cette petite homélie et de garder ma posture d’évêque, avec une déontologie précise et de rester vraiment celui qui annonce d’abord la parole de Dieu. Et donc, c’est vrai que j’ai été parmi ceux qui disaient à Rome qu’il fallait que le Pape y soit et je me suis réjoui quand le Pape Benoît XVI s’est mis sur twitter parce que ça a été comme une confirmation, non seulement pour moi, mais pour beaucoup de bloggeurs catholiques, de twittos catholiques. Lorsqu’il avait dit « dans la substance, de brefs messages, on peut exprimer des pensées profondes », ça nous a permis de dire : « oui, on peut habiter ce réseau, ça n’est pas interdit et c’est vraiment une manière d’être présent comme Jésus était présent dans tous les milieux qu’ils rencontraient de villes en villages ».
Vous êtes donc l’inventeur de la « twittomélie », qu’est-ce que c’est ?
J’ai pris ce mot « twittomélie » car j’ai beaucoup réfléchi ce 23 janvier 2011 et je me suis dit « tweet », « homélie », « twittomélie », ce n’est pas une homélie. Donc en mettant le mot « tweet » devant, ça voulait bien dire que ce n’était pas tout à fait une homélie, parce qu’une homélie, c’est en direct. En même temps, c’est bien une homélie parce que je la dis aussi chaque jour aux personnes à qui je dis la messe et avec qui je célèbre l’eucharistie. Donc, c’est bien de l’ordre de l’homélie, c’est sur twitter et j’ai trouvé que le mot allait bien. J’ai simplement enlevé le « H »pour que ça soit plus simple en italien. J’ai essayé de penser cela un peu plus universellement. Voilà, ça a donné un hashtag comme on dit, un mot-clic, c’est-à-dire un mot clef qu’on peut retrouver. Maintenant, beaucoup ont repris ce mot « twittomélie » en Italie mais aussi par des Français, des prêtres, des fidèles laïcs lorsqu’ils commentent la parole de Dieu.
Et quel est le profil des personnes qui sont abonnées à votre compte ?
J’ai plus de 5000 abonnés de 40 pays différents. Donc, il y a notamment beaucoup d’Italiens, d’Espagnols, mais aussi beaucoup de ressortissants d’Amérique du Sud et du Québec et puis évidemment, majoritairement de France. Ce sont des profils de jeunes, principalement des 25-45 ans. Je commence à voir apparaître des personnes un peu plus âgées qui ont du temps, qui commencent à aller sur ces réseaux sociaux dont twitter et qui découvrent qu’il y a aussi la présence d’un lieu de spiritualité, qu’il y a de petites perles évangéliques et que ça peut aussi être un service à leur rendre que d’être présent.
Justement, quel dialogue avez-vous installé avec vos différents « followers », ceux qui vous suivent sur twitter ?
Petit à petit, certains découvrant qu’il y avait un évêque, on demander à me rencontrer. Il y a eu par exemple les bloggeurs catholiques qui se sont rencontrés à l’occasion de ce qu’ils appellent « la fraternité des amis de saint Médard ». C’était une occasion où ils pouvaient à la fois prier, aller à la messe et ces bloggeurs partageaient tout. Un jour, ils m’ont beaucoup invité à venir et je suis venu, ce qui m’a permis de connaître les visages de ceux qui avaient des pseudonymes. Ils m’ont beaucoup remercié de venir les rencontrer, de leur parler parce qu’ils se sont senti encouragés à blogguer, c’est-à-dire à donner leurs réflexions, à admettre des commentaires parfois difficiles sur des sujets de société ou de politique et c’est ainsi que petit à petit, j’en ai rencontré un certain nombre. Évidemment, je n’ai pas rencontré les 5000 qui me suivent mais j’en connais quand-même quelques centaines.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les tweets du Pape François ?
Ce qui est apprécié et appréciable, c’est qu’il sait trouver des mots simples et toucher les gens. Ce sont des petites perles qui sont comprises par tous. Ils visent vraiment ses dix millions d’abonnés et je trouve qu’il a un langage, des images, des sentiments, des idées- il parle souvent de la tendresse par exemple- qui sont compris de tous. Ça, je trouve que c’est très important. Maintenant, je souhaiterais peut-être qu’il y ait un lien vers ses principaux textes ou messages pour qu’on puisse aller lire un peu plus, pour qu’on en reste pas simplement à un tweet mais un texte un peu plus long, profond. L’intérêt de twitter, je trouve, c’est que c’est un lieu d’informations très précis et très avancé.
Quels changements avez-vous remarqué depuis que vous twittez ?
D’une certaine manière, j’ai élargi ma mission, non seulement à mon diocèse mais aussi au-delà de mon diocèse. Un évêque, c’est vrai qu’il est principalement évêque d’un diocèse, mais il est aussi membre du collège des évêques. Donc, c’est vrai qu’on doit avoir une sollicitude du Concile, une sollicitude pour l’Église universelle. C’est ma manière d’avoir cette sollicitude vis-à-vis de l’Église universelle que de transmettre cette toute petite parole sur twitter. Cela a quand même aussi changé mon rapport à l’information. Je m’informe à partir de mon fil twitter qui me sert de fil d’information. Et puis, ça a changé aussi mon rapport à la communication. J’essaye d’être encore plus positif, de respecter encore plus les points de vue des autres, de dire plus mais en peu de mots. J’ai essayé de prendre au sérieux ceux qui ont des idées différentes que je lis aussi sur le fil de twitter. Ca transforme un certain nombre de pratiques, ou du moins, ça les prolonge, ça les épanouit un peu plus. Ce qui a aussi beaucoup changé, c’est que depuis trois ans, ça m’a fait connaître publiquement. Ce n’ était pas cherché mais j’ai donné beaucoup d’interviews, à des radios, des télés, des magazines. Donc, il faut aussi un peu gérer ça parce qu’on est un peu plus exposé. Mon but, c’est quand même d’abord de servir l’Évangile, c’est-à-dire la parole de Dieu, ce n’est pas de me montrer.
Est-ce que vous savez si d’autres évêques ont pris votre suite et se sont mis sur twitter ?
Alors, au début, les évêques étaient tout de même un petit peu méfiants, peut-être parce que- ça remonte à loin- il y avait eu le procès que j’avais fait contre Facebook. Certains me disaient : « Tu as eu ce problème et tu continues sur twitter ». En fait, moi, je n’étais pas sur Facebook. Quand j’ai eu ce problème, c’était une question d’usurpation d’identité. Mais j’ai dit : « Ce n’est pas parce qu’il y a eu un accident qui n’était pas de ma faute que je ne reprends pas ma voiture. Et là, ce n’est même pas ma voiture, je prends une moto. Enfin, c’est autre chose. » Twitter c’est un autre type de réseau ou de média social, ça n’a rien avoir avec Facebook. Et petit à petit, je leur ai expliqué ce que c’était, ce que je faisais. On a un peu moins souri de ma pratique quand les Papes s’y sont mis et quand on a vu que dans les informations, en France, on parlait beaucoup de twitter, on allait sur twitter. Donc, c’est quelque chose qui s’est fait par capillarité. Tout le monde connaît un peu ce mot-là. Maintenant, il y a 13 évêques qui sont sur twitter. Alors, tous ne twittent pas eux-mêmes. Pour certains, c’est leur directeur de la communication. Mais moi, je tiens vraiment à ce que ça soit ma propre parole. J’avoue toujours avoir une déontologie très stricte, c’est-à-dire que je twitte en tant qu’évêque et je ne twitte que sur la parole de Dieu, principalement. De temps en temps, je peux retwitter telle ou telle parole du Pape mais c’est assez rare pour ne pas trop aller vers l’actualité ou parce que ça serait trop envahissant pour le peu de temps que j’ai.
Vous avez même écrit un livre là-dessus. Pourquoi ?
Alors en fait, un certain nombre de personnes ont su que j’écrivais ces petites homélies sur mon site et sur twitter. Ils m’ont demandé si le livre existait. J’ai dit non. Alors, j’ai commencé en fait à éditer un livre sur internet. J’ai pu l’offrir à mes neveux et nièces pour voir l’écho que ça avait. Et puis, je me suis aperçu que des gens le demandait. Je me suis dit qu’au bout de trois ans, j’avais fait le tour de l’horloge et je pouvais éditer mes milles « twittomélies ». Comme je le dis, d’une certaine manière, c’est un objet qui n’est pas connecté et qui n’a pas de batterie non plus. Il suffit d’avoir un doigt, c’est aussi digital. On peut l’avoir à la portée de la main, on peut le laisser trainer devant une permanence ou n’importe. Les gens peuvent en lire deux ou trois. Pour moi, le livre reste un média aussi important et je pense que cela se complète. D’ailleurs, on l’a bien vu dans l’histoire des communications sociales : le cinéma n’a pas été tué par la télévision et puis, le cinéma et la télévision n’ont pas été tué par internet mais tout cela se complète et il y a des convergences qui se font.”