Bien qu’elle soit ordinaire, la forme du missel de Paul VI est rééditée tous les ans, chaque année devant être un peu différente, contrairement au missel de la forme extraordinaire, qui peut être suivi, même avec une version jaunie trouvée dans une brocante. A croire que le missel de la forme extraordinaire est tout ce qu’il y a de plus ordinaire, tandis que le missel de la forme ordinaire est chaque année extraordinaire. Vous suivez ? Cela fait dire à Jean Madiran dans le numéro de Présent du samedi 21 janvier :
C’est une aubaine pour les « Editeurs de liturgie », qui sont au nombre de neuf et ont la propriété exclusive pour l’ensemble de l’ouvrage.
Jean Madiran a comparé la version 2012 avec la version 2011 et il constate quelques différences, dont on ignore l’origine :
La Très Sainte Vierge y a retrouvé son titre de patronne principale de la France, et les deux patronnes secondaires y ont elles aussi retrouvé le leur.
Mais il y a quand même des continuités :
Toutefois la fête de Jeanne d’Arc demeure prisonnière de son 30 mai, sa solennité pour la fête nationale du second dimanche de mai reste totalement ignorée. C’est mépriser la faveur faite à la France par le décret de Benoît Quinze accordant cette solennité pour coïncider avec la fête civile ; et c’est manquer l’occasion de l’année Jeanne d’Arc. On se demande si les auteurs du missel ordinaire ne sont pas brouillés avec la patrie française : ils n’admettent aucune prière pour la France, pas même le 15 août.
Autre aspect étonnant : les “mémoires” :
En principe, dans la liturgie catholique, on fait à la messe mémoire d’un saint (par une oraison supplémentaire) quand sa fête est éclipsée par une autre plus importante. Il est donc inattendu de faire mémoire (p. 96) de Léopold Sédar Senghor et de « son importante œuvre poétique [qui] lui a valu d’être élu à l’Académie française en 1983 ». Il n’est pas désagréable de découvrir page 213, pour l’Annonciation, une mémoire de Paul Claudel et de son Annonce faite à Marie. Mais enfin Claudel, que l’on sache, n’est pas encore béatifié.
Mais il y a pire avec
la célébration, page 405, de l’indépendance du Ruanda et du Burundi ; et aussi, et surtout, celle de la tragique indépendance de l’Algérie : les auteurs de ce missel, décidément apatrides de cœur, semblent y voir une fête joyeuse ; et quelle absence de la plus simple humanité en face des horribles massacres en masse qui furent le premier acte de cette Algérie indépendante.
Autre étrangeté qui n’a rien à voir avec la liturgie catholique :
C’est peut-être gentil, mais pas forcément à sa place dans un missel, fût-il « ordinaire », de célébrer la fondation de « l’Armée du salut, structure protestante internationale de lutte contre l’exclusion ».
Et vraiment inattendu, page 529 : « Il y a cinquante ans, le 30 octobre 1962, la France adoptait le principe du suffrage universel direct pour l’élection du Président de la République, suite à un référendum organisé par Charles de Gaulle. » Voilà de quoi susciter quelques coupables « distractions » pendant la messe…
Venons en au relativisme (pour ne pas parler de syncrétisme) avec la mention des fêtes des autres religions dans un missel dit catholique :
Le 15 juillet : « Dans la communauté musulmane, début du Ramadan ».
Le dernier dimanche d’octobre : « Dimanche de la Réformation pour les communautés protestantes ».
Pour le 15 novembre : « Dans la communauté musulmane, Raas Assana (nouvel an) ».
Mais on aura eu auparavant le 17 septembre : « Dans la communauté juive, Roch Hachana ».
Et pour le 26 septembre : « Dans la communauté juive, Yom Kippour (jour du pardon) ».