Fondée en 1976, la Communauté Saint-Martin vient d’acquérir l’abbaye d’Evron en Mayenne, où elle s’installera en 2014. L’abbé Paul Préaux, modérateur général de cette communauté, qui a donné un évêque à la France Mgr Marc Aillet– (et un archevêque à l’Eglise universelle (le nonce Mgr Nicolas Thévenin), est interrogé dans le numéro de janvier du mensuel La Nef. En voici des extraits qui intéressent les lecteurs de Perepiscopus :
“Quelle spécificité avez-vous par rapport à un séminaire diocésain classique, pourquoi une vocation frappe-t-elle chez vous plutôt que chez son évêque ?
La reconnaissance canonique de la Communauté comprend la mission de former ses membres faisant d’eux des ministres capables de vivre leur ministère en communauté et disponible aux nominations. De fait, un membre de la Communauté s’engage à vivre tout au long de sa vie une certaine mobilité au service d’une plus juste répartition du clergé. Si cet aspect de mobilité rejoint une aspiration actuelle de la nouvelle génération, elle exige aussi une formation adéquate et une continuelle conversion. Il ne s’agit pas, en effet, de flatter une tendance à la bougeotte ou à l’instabilité. D’autre part, ce qui frappe les jeunes qui demandent leur intégration à la Communauté Saint-Martin, c’est l’aspect familial de notre façon de vivre notre ministère. La solitude et l’isolement des prêtres diocésains ne les attirent pas. Mais un autre aspect de notre vie mérite d’être souligné. Notre fondateur nous a transmis un grand amour du sacerdoce et de l’Église. Nous essayons de vivre notre sacerdoce, notre amour de l’Église – y compris sa Tradition vivante –, de façon décomplexée et enthousiaste.
Permettez-moi de poser la question autrement, plus brutalement : votre succès, comme celui d’autres instituts de prêtres séculiers, ne révèle-t-il pas la crise traversée par nombre de séminaires diocésains ?
Vous permettrez certainement que ma réponse soit elle aussi un peu directe ! Je n’aime pas votre expression « votre succès ». D’abord parce que, comme l’a écrit le cardinal J. Ratzinger en 2000, « le succès n’est pas le nom de Dieu » ! Je me méfie des succès apparents, surtout si ceux-ci se remportent sur le dos des autres ! Ce serait vraiment très malsain. La Communauté Saint-Martin doit servir joyeusement le projet de Dieu sur elle. Nous sommes résolument dans le registre de la gratuité du don de Dieu, et non celui de la stratégie humaine. Dieu nous conduit, nous guide, y compris dans les méandres de l’histoire des hommes. Nous voulons être ses serviteurs, ses ambassadeurs, ses apôtres. À ce sujet, j’aimerais vous faire partager une réflexion, devenue célèbre, de notre fondateur Mgr J.-F. Guérin : « La communauté Saint-Martin dans ses origines, son existence, ses ambitions, ne peut être que le fait d’une pure volonté divine. À la lumière de sa dévotion au Cœur du Christ, avec l’aide de Marie-Immaculée, sa Mère, et sous le signe de la charité de Martin, elle ne peut être composée que de la misère de chacun de ses membres mis à la disposition de l’amour miséricordieux de Jésus, unique et souverain Prêtre. À vue humaine, c’est donc une misère dont l’Église n’aurait nullement besoin. Dans la foi, ce devrait être une Sagesse du Fils, à la Gloire de son Père pour le service des âmes dans l’Église. » Nous ne sommes pas meilleurs que les autres, même si aujourd’hui nous avons un peu plus de vocations que certains séminaires diocésains. Nous sommes différents et complémentaires. Cette complémentarité doit servir notre conversion réciproque au Christ et à l’Évangile. […]
Face à la désertification sacerdotale de certains diocèses, en tant qu’institut de prêtres séculiers appelés à servir dans les diocèses, comment analysez-vous cette situation et quelle organisation voyez-vous se dessiner pour l’avenir ?
Nous vivons une crise de la foi très sérieuse, y compris parmi les catholiques, qui se traduit par un désenchantement, une peur de l’avenir, une morosité ambiante ! Cette crise a de graves répercussions sur la réponse de certains jeunes à l’appel au sacerdoce. Toutefois, on ne pourra pas remédier à cette crise simplement par une meilleure organisation. Le pape Benoît XVI l’a rappelé récemment aux évêques français en visite ad limina apostolorum : « La solution des problèmes pastoraux diocésains qui se présentent ne saurait se limiter à des questions d’organisation, pour importantes qu’elles soient. Le risque existe de mettre l’accent sur la recherche de l’efficacité avec une sorte de “bureaucratisation de la pastorale”, en se focalisant sur les structures, sur l’organisation, et les programmes, qui peuvent devenir “autoréférentiels”, à usage exclusif des membres de ces structures. Celles-ci n’auraient alors que peu d’impact sur la vie des chrétiens éloignés de la pratique régulière… Il est donc nécessaire que dans les réorganisations pastorales, soit toujours confirmée la fonction du prêtre qui “en tant qu’elle est unie à l’Ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps” » (21 septembre 2012). Pour faire face à cette crise, une de mes priorités reste l’éveil des vocations, la formation des prêtres et l’accompagnement de ceux-ci dans leur ministère et leur vie.
Les instituts comme le vôtre sont-ils une « solution » à cette crise ? Autrement dit, les évêques, de plus en plus nombreux, qui font appel à vous, le font-ils par « nécessité » faute de prêtres ou ont-ils d’autres raisons spécifiques de vous inviter ?
Oui, c’est un fait qu’un certain nombre d’évêques français et étrangers réclament une fondation de la Communauté Saint-Martin parce qu’ils savent la place irremplaçable des prêtres dans l’œuvre de l’évangélisation. Dans le dialogue que nous avons avec eux, je sens un désir sincère de respecter notre identité et notre spécificité. Ils me disent qu’ils apprécient que nous soyons vraiment des prêtres de paroisse, travaillant d’abord pour le salut des âmes, et non pour les besoins internes de la Communauté. Si, la plupart du temps, ils nous confient plutôt des ministères paroissiaux, déjà, plusieurs évêques nous demandent des prêtres pour aider à la formation des laïcs et des ministres ordonnés. […]
Vous êtes réputés par l’attention que vous portez à la liturgie : pensez-vous qu’il y a eu un manque en ce domaine ? Et comment analysez-vous la situation liturgique actuellement en France et dans l’Église ?
La liturgie tient une grande place dans l’histoire et la vie de la Communauté Saint-Martin. Mais attention, ce souci pour la liturgie n’est pas dicté d’abord par un goût esthétique, individualiste ou sentimental. Nous donnons à la liturgie toute sa place car nous croyons que « dans la liturgie de la Nouvelle Alliance, toute action liturgique, spécialement la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, est une rencontre entre le Christ et l’Église » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1097). C’est l’acte par lequel nous entrons en contact avec Dieu : Il vient à nous, et nous sommes illuminés par Lui. C’est pourquoi, lorsque dans les réflexions sur la liturgie, nous concentrons notre attention uniquement sur la façon de la rendre attrayante, intéressante et belle, nous risquons d’oublier l’essentiel : la liturgie se célèbre pour Dieu et non pour nous-mêmes. « Ce n’est pas l’individu – prêtre ou fidèle – ou le groupe qui célèbre la liturgie, mais elle est avant tout action de Dieu à travers l’Église, qui a son histoire, sa riche tradition et sa créativité. Cette universalité et ouverture fondamentale, qui est propre à toute la liturgie, est l’une des raisons pour laquelle elle ne peut pas être conçue ou modifiée par une communauté singulière ou par des experts, mais elle doit être fidèle aux formes de l’Église universelle. » Cette obéissance fondamentale à ce que l’Église nous demande à travers ses textes liturgiques aurait évité bien des déviances et des difficultés actuelles. Le pape Benoît XVI rappelait dans une de ses Audiences du mercredi : « La liturgie chrétienne, même si elle est célébrée dans un lieu et un espace concret, et exprime le “oui” d’une communauté déterminée, est par sa nature catholique, provient du tout et conduit au tout, en unité avec le pape, avec les évêques, avec les croyants de toutes les époques et de tous les lieux. Plus une célébration est animée par cette conscience, plus se réalise en elle de façon fructueuse le sens authentique de la liturgie » (3 octobre 2012).”
“Erfolg is keiner des Namen Gottes” = “Succès n’est pas l’un des noms de Dieu” est uen phrase du philosophe juif bohémien (je crois) Martin BUBER
Chers amis,
merci de ne pas me proposer à chq connection de m’inscrire à la lettre du jour à laquelle je suis inscrit depuis longtemps et que je lis avec bcp d’interet. Je vous remercie de tenir compte de ce courrier et surtout un grand merci pour le contenu de vos messages. UDP. abbé FRIESS
@(abbé) Friess
Nous sommes désolés de cette gêne, mais nous ne pouvons pas y changer grand chose. Le système mis en place ne permet pas – heureusement… – de savoir si l’IP de la personne qui se connecte est ou n’est pas abonnée à la “Lettre de nouvelles”…
Depuis 30 ou 35 ans combien de communautés ont-elles vu le jour en France?
Combien ont connu leur heure de gloire et à présent sont déjà sur le déclin!
Depuis sa fondation la Cté St-Martin n’a-t-elle pas déjà vu partir un certain nombre de prêtres,soit pour une incardination dans un diocèse,soit tout simplement pour quitter le ministère?
Si l’exepérience n’est pas mauvaise ,bien qu’encore récente,elle se devrait de servir d’exemple à d’autres fondations limitées,pourquoi pas , aux limites d’un diocèse ou d’une province ecclésiastique.
Tous les prêtres ne sont pas appelés à la vie communautaire et à des changements d’affectation en dehors de leur diocèse.
L’Abbé Guérin ,fondateur de la Cté St-Martin, était originaire de Touraine,est-il necéssaire de rechercher une autre raison à l’appellation de cette communauté?
Sociologiquement le recrutement à St-Martin est très marqué,peu ou pas de séminaristes issus des classes moyennes de la société,il en est de même des personnes liées d’une façon ou d’une autre à cette communauté.
Ou sont les oeuvres caritatives qui caractériseraient cette société de prêtres séculiers en dehors du nom et de la devise”Charitas”?
La moyenne-d’âge des candidats,bien souvent des ados, peut également surprendre et laisser à penser que la crise de la cinquantaine soit ,dans l’avenir,ramenée à la quarantaine.
Cette présentation , trop flatteuse à mon gout ,gagnerait à être plus modeste et à encourager les évêques par l’exemple à fonder ou réformer les séminaires,St Martin pas plus qu’une autre communauté ne doit être un vivier au service des évêques en manque de prêtres!