Dans sa lettre 283, Paix Liturgique analyse l’instruction Universae Ecclesiae. Extraits :
La publication d’Universae Ecclesiae le 13 mai 2011 n’est pas vraiment une surprise. Une Instruction, selon les usages curiaux, est l’équivalent du décret d’application d’une loi (ici, le Motu Proprio Summorum Pontificum). C’est un « décret » qui est édicté par l’organisme le plus compétent pour traiter de la loi dont il est question (ici, la Commission Pontificale Ecclesia Dei). Le texte vise essentiellement à préciser comment ceux qui sont en charge de l’application doivent la réaliser (toujours, pour l’essentiel, la Commission). Le « décret » est, pour finir, approuvé par le Pape. Ce processus juridique semble un peu « circulaire », mais bien entendu, l’interprétation authentique de la loi qui en découle va permettre à tous les « usagers » de la loi de s’appuyer sur elle. C’est le cardinal Castrillón, alors Président de la Commission, qui avait annoncé dès 2007 que cette Instruction était mise en chantier. En soi, une Instruction ne change pas une virgule de la loi : elle l’explique. Mais selon la manière dont elle l’explique, elle en restreint ou élargit la portée sur tel point ou tel autre. Sans entrer dans les méandres de son histoire, qu’il suffise de dire ici que la dernière partie de son élaboration, surtout depuis février dernier, a été très agitée : jamais un texte d’aussi peu d’importance théorique n’avait suscité autant d’émotions, pressions, pétitions, interventions de conférences épiscopales, etc. C’est dire son importance symbolique, plus encore que son importance pratique, qui peut ne pas être médiocre. Le Saint-Père avait demandé dans la lettre aux évêques qu’il avait joint à son Motu Proprio du 7 juillet 2007 de lui rendre compte au bout de trois années de l’application des mesures que préconisait ce texte important (étant précisé qu’aux rapports des conférences épiscopales se sont ajoutés bien d’autres rapports, aux dires de Mgr Pozzo, Secrétaire de la Commission). De sorte que, d’une certaine manière, la réponse au bilan réalisé, c’est précisément cette Instruction, dont le principal message peut ainsi se résumer : « Les freins à la marche du Motu Proprio doivent être desserrés ». Car nul n’ignore que Benoit XVI a été largement informé des réticences ou même de l’hostilité aux préconisations développées dans son Motu Proprio, y compris par les évêques opposants qui ont exercé auprès de lui et des organes de la Curie depuis trois ans, une pression continue. En vain. […]
La commission Ecclesia Dei explique qu’elle est en fait dotée du pouvoir vicaire (art. 10.1) – comme représentant le Pape – “pour veiller sur l’observance et l’application des dispositions du Motu Proprio”. Elle précise qu’elle a de ce fait un pouvoir de « supérieur hiérarchique » sur les “ordinaires” (évêques ou supérieurs de communautés religieuses) pour leur faire appliquer les dispositions généreuses du Motu Proprio. Ce pouvoir s’exprimera – ce qui est de droit, mais la Commission souligne qu’elle détient ce droit, ce qui n’apparaissait pas jusqu’à présent – par des “décrets” (art. 10.2). Et comme il s’agit de décrets administratifs du degré le plus élevé (ils émanent d’un organe du Saint-Siège), les recours contre ces décrets relèvent de la « Cour de Cassation » du Siège Apostolique, le “Tribunal Suprême de la Signature Apostolique” que dirige le cardinal Burke. Au-delà du langage canonique, il faut retenir qu’est explicité un cadre juridique clairement défini pour les fidèles ou les prêtres victimes d’un refus épiscopal. L’Instruction est censée ne rien ajouter à la loi (le Motu Proprio). Il faut convenir que l’explicitation des pouvoirs de la Commission a toutes les apparences d’une très heureuse dotation d’un pourvoir vraiment exécutif. On espère qu’elle sera en mesure de l’exercer. C’était l’une des attentes des groupes de demandeurs confrontés aux blocages ecclésiastiques et c’est une excellente chose qu’elle soit aujourd’hui satisfaite. […]
Dans la partie consacrée à “La discipline liturgique et ecclésiastique” (articles 24 à 28), il est rappelé que les “livres liturgiques de la forme extraordinaire seront utilisés tels qu’ils sont” et que, “en vertu de son caractère de loi spéciale, le Motu Proprio Summorum Pontificum déroge, dans son domaine propre, aux mesures législatives sur les rites sacrés prises depuis 1962 et incompatibles avec les rubriques des livres liturgiques en vigueur en 1962”. Cela signifie simplement que nul ne peut se prévaloir d’une innovation survenue depuis 1962 pour modifier les rubriques et l’ordonnancement du Missel de 1962. Les groupes de demandeurs auxquels on a infligé des célébrations mêlant liturgie traditionnelle et liturgie moderne (usage du lectionnaire de Paul VI par exemple) peuvent donc légitimement demander à leur évêque d’intervenir pour obtenir le respect du missel de Jean XXIII.
[…] Comme Paix liturgique a eu l’occasion de l’illustrer à plusieurs reprises, une part significative des séminaristes diocésains (au minimum, 15% en France, osent l’exprimer) souhaite pouvoir vivre son sacerdoce au rythme de la forme extraordinaire du rite romain et un nombre encore plus important souhaite tout simplement connaître cette liturgie pour enrichir sa pratique de la forme ordinaire, conformément à l’invitation du Souveain Pontife. Désormais, ces séminaristes pourront s’appuyer sur l’instruction Universae Ecclesiae pour demander le retour du latin au programme de leurs années d’études et, au minimum, une découverte de la forme extraordinaire. Cette disposition de l’Instruction, associée à l’article 22 – qui prévoit que “dans les diocèses sans prêtre idoine, les évêques diocésains peuvent demander la collaboration des prêtres des instituts érigés par la Commission pontificale Ecclesia Dei, soit pour célébrer, soit même pour enseigner à le faire” –, est une garantie pour les groupes de demandeurs de pouvoir compter, certes à moyen terme, sur des prêtres dûment préparés à la célébration de la forme extraordinaire. Le mouvement de réconciliation initié par Benoît XVI le 7 juillet 2007 ne s’arrêtera plus.