Suite de l’allocution de Mgr Robert Vasa, évêque de Baker, Oregon sur le rôle joué par les conférences épiscopales et sur l’autorité qu’on leur attribue, à tort, traduite par Jeanne Smits. Elle introduit ainsi le texte :
Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger (avant de devenir Pape) avaient souligné cette possibilité d’abus en montrant que l’évêque a un rôle d’autorité, la conférence des évêques, non. […] Le peu de réactions à la demande du Saint-Père d’organiser des veillées pour la vie humaine naissance, le 27 novembre prochain, dans toutes les paroisses et dans toutes les communautés en donnent un exemple saisissants. On a l’impression que des «conférences des évêques» ne font pas leur travail en ne transmettant pas assez prestement les demandes du Pape. Mais ces demandes s’adressent à des évêques, à des pasteurs, pas à des commissions de suivi-relais…
Bien que l’idée d’une conférence des évêques est présente dans la dernière partie du document Christus Dominus, il ne s’agit pas là, même au prix des plus grands efforts de l’imagination, du point focal de ce document. Après tout, son titre est bien La charge pastorale des évêques dans l’Eglise et non pas Le rôle et la place des conférences épiscopales dans l’Eglise. En réalité, Christus Dominus était assez révolutionnaire dans sa forte insistance sur l’étendue de l’autorité de l’évêque diocésain. Plus de 30 ans après Christus Dominus, le pape Jean-Paul II, en mai 1998, a publié une Lettre apostolique, Apostolos Suos, sur la Nature théologique et juridique des conférences épiscopales. Je tendrais à supposer que cela a été fait, pour partie, en raison d’une inquiétude du fait que des conférences outrepassaient les limites de leur autorité légitime et empiétaient sur les frontières de l’autorité légitime des évêques telle qu’enseignée dans Christus Dominus. Le Saint-Père, citant le Synode des évêques de 1985, y écrivait :« L’Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques, célébrée en 1985, a reconnu dans la situation actuelle l’utilité pastorale, et plus encore la nécessité des Conférences des Évêques, mais, en même temps, elle n’a pas manqué d’observer que « dans leur façon d’agir, les Conférences épiscopales doivent avoir en vue à la fois le bien de l’Église, c’est-à-dire le service de l’unité, et la responsabilité inaliénable de chaque Évêque à l’égard de l’Église universelle et de son Église particulière. » (Apostolos Suos, 7.)Le cardinal Ratzinger (le futur Benoît XVI), dans Le Rapport Ratzinger sur l’état de l’Eglise, se montra un peu plus direct.« Cette nouvelle insistance décisive sur le rôle des évêques est en réalité restreinte, voire risque d’être asphyxiée par l’insertion des évêques au sein de conférences épiscopales toujours plus organisées, la plupart du temps avec de pesantes structures bureaucratiques. Nous ne devons pas oublier que les conférences épiscopales n’ont aucun fondement théologique, ils n’appartiennent pas à la structure de l’Eglise comme l’a voulue le Christ, qui ne peut être éliminée ; elles ont seulement une fonction pratique, concrète. » (Le Rapport Ratzinger, 59-61.)Cela est confirmé par le Code de droit canonique, qui délimite l’étendue de l’autorité de la conférence, en notant que la compétence de chaque évêque diocésain demeure intacte, et que la conférence ou son président ne peuvent davantage agir au nom de tous les évêques, à moins que tous et chacun aient donné leur consentement (canon 455, ß4). A l’évidence, la conférence ne peut pas de sa propre autorité se substituer à la personne des évêques qui sont, selon le canon 753, « les authentiques docteurs et maîtres de la foi des fidèles confiés à leurs soins ; à ce magistère authentique de leurs Évêques, les fidèles sont tenus d’adhérer avec une soumission religieuse de l’esprit ». Dans son interview, le cardinal Ratzinger confirmait : « Aucune conférence épiscopale, en tant que telle, n’a une mission d’enseignement ; ses documents n’ont pas de poids propre si ce n’est celui qui leur est donné par le consentement qui leur est accordé par les évêques individuels.» […]Le cardinal Ratzinger insiste sur le caractère crucial de la netteté avec laquelle il faut définir le rôle particulier de l’évêque :« Car il s’agit de sauvegarder la nature même de l’Eglise catholique, qui est fondée sur une structure épiscopale et non pas sur une espèce de fédération d’Eglises nationales. Le niveau national n’est pas une dimension ecclésiale. Il doit redevenir très clair que dans chaque diocèse, il y a un seul pasteur et maître de la foi en communion avec les autres pasteurs et maîtres et avec le Vicaire du Christ. » (Le Rapport Ratzinger).[…] A propos de ces déclarations des conférences, le cardinal Ratzinger avançait quelque chose d’assez prophétique :« Il arrive que tel ou tel évêque fasse montre d’un certain manque de responsabilité individuelle, et que la délégation de ses pouvoirs inaliénables en tant que pasteur et maître entre les mains des structures de la conférence locale aboutisse à laisser tomber dans l’anonymat ce qui devrait rester très personnel. Le groupe des évêques unis au sein des conférences dépend pour ses décisions d’autres groupes, de commissions établies pour faire des projets de propositions. Il arrive alors souvent que la recherche d’un accord entre les différentes tendances et les efforts de médiation aboutissent à des documents au rabais dans lesquelles des prises de position décisives (là où elles pourraient être indispensables) sont affaiblies. » (Le Rapport Ratzinger, 59-61)