Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, (que l’on a connu mieux inspiré) réagit au Hellfest :
“La musique métal n’est pas uniforme, il y a divers styles représentés par divers groupes. Les groupes les plus satanistes sont les groupes de « black métal ». Ils sont nés dans l’Europe du Nord
et, maintenant apparaissent aussi dans l’ancienne Europe de l’Est. Je ne suis pas compétent pour expliquer ces styles de musique mais ce qui choque est l’expression du satanisme. Or, nous devons
revoir le contexte historique et culturel des civilisations païennes d’avant le christianisme. La Norvège, en particulier, a connu une implantation du christianisme par la force et, de la même
manière, après avoir été catholique, est devenue protestante. La recherche des forces obscures, les invocations au démon, parfois de tragiques passages à des actes de profanation, sont
l’expression de révoltes contre un Dieu qui est une caricature. Pour la même raison, aux Etats-Unis, sont nés des groupes métal, dont le célèbre Marilyn Manson, terriblement agressifs
vis-à-vis de certaines Eglises (fondamentalistes, «charismatiques, conduites par un gourou», prétendues chrétiennes) fondées sur la peur, la venue prochaine de la Bête de l’Apocalypse, et le
refuge dans la condamnation. Cette haine que certains groupes véhiculent dans leurs chansons est souvent l’expression d’une quête déçue. Ainsi le dit l’un d’entre eux qui refuse
de croire en Dieu dès sa jeunesse et interroge des croyants : «Je leur demandais ce que je ratais, ils n’ont jamais su me l’expliquer» Et pourtant le chrétien se doit de «rendre
compte de l’espérance qui est en lui». (1ère lettre de Pierre 3,15).
Un deuxième point est à prendre à compte. Il y a aussi une musique métal qui n’est ni satanique ni blasphématoire et qui, au contraire veut donner à rêver d’unité entre les
hommes. On peut même voir apparaître dans ce style musical aux Etats-Unis et en Australie des groupes qui se présentent comme croyants. Il y a donc une très grande diversité dans ce
monde du métal. Cette diversité ne gêne pas vraiment les amateurs (ou plutôt les passionnés). C’est la musique essentiellement qui les intéresse et non les paroles. Que nous dit l’Eglise
catholique ? A la suite du Christ, l’Eglise n’existe que pour évangéliser. L’enseignement des derniers papes (de Paul VI à Benoît XVI) et du concile Vatican II insiste sur la relation entre la
foi et la culture : «Que les croyants vivent donc en très étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir
telles qu’elles s’expriment par la culture». (Gaudium et Spes n°62, §6). De toute évidence l’Eglise catholique est engagée dans un dialogue avec le monde tel qu’il est. Le dialogue
ne veut pas dire l’approbation, encore moins la bénédiction ! La musique métal est un aspect de la culture d’aujourd’hui.
Des dizaines de milliers de jeunes sont attendus au Hellfest de Clisson ce week-end. Pourquoi interdire ce rassemblement ? Les détracteurs répondent : «Parce qu’il y a des groupes satanistes
et des paroles blasphématoires». Mais, paradoxalement, ces paroles posent la question essentielle de Dieu. Car si Satan est invoqué c’est que l’image de Dieu fait problème.
C’est alors qu’il y a place pour le dialogue. Jean-Paul II dans sa Lettre aux artistes, le 4 avril 1999, écrit : «Même lorsqu’il scrute les plus obscures profondeurs de l’âme
humaine ou les plus bouleversants aspects du mal, l’artiste se fait en quelque sorte la voix de l’attente universelle d’une rédemption» Cette citation est reprise par Benoît XVI dix ans
après. Elle nous appelle à agir car il est possible d’évangéliser toutes les cultures. […] Allons-nous condamner 50.000 jeunes qui participent au Hellfest ? Ne sommes-nous pas appelés à leur
dire que quelqu’un les aime ? Mieux vaudrait leur faire découvrir le visage de celui qui « mange avec les publicains et les pécheurs » que le visage du « juste » qui accuse. Satan n’est
pas dans des représentations. Il vient dans le cœur de l’homme quand nous oublions que nous sommes des pécheurs et que le Christ est notre Sauveur. Il corrompt et détruit nos sociétés à travers
le profit, l’égoïsme, le refus d’accueillir le pauvre, l’immigré, le faible, il habite nos «structures de péché» (Jean-Paul II). C’est là que sont les ténèbres où doit entrer la lumière du
Christ.”
Bref, Mgr Ginoux excuse les paumés du Hellfest. C’est donc de notre faute s’ils chantent des monstruosités, ignominies qu’il faudrait évangéliser. Il y a là un curieux mélange
voire une certaine lâcheté. Evangélise-t-on vraiment en refusant de dénoncer le mal ? Les premiers chrétiens détruisaient les idoles… Ce relativisme est surtout une atteinte à la dignité de la
personne humaine : en refusant de responsabiliser les personnes qui chantent de telles horreurs (puisque ce n’est pas de leur faute, mais de ceux qui ont évangélisé la Norvège il y a
plusieurs siècles !) on ne leur rend pas service. En ne défendant pas à la jeunesse de se rendre dans ce genre de concerts, on favorise la diffusion de cette culture de mort et
on contribue au scandale. Car l’appel à la haine est une culture de mort, dénoncée par Jean-Paul II et Benoît XVI, et la culture de mort ne s’évangélise pas. En revanche, les auteurs ont
besoin du Christ, mais en refusant de condamner leurs actes, on ne leur apporte pas la vérité, bien au contraire, on met la lampe sous le boisseau.