Dans sa certitude, l’Église chante, au coucher du soleil : « Lorsque le soleil se sera de nouveau levé dans le firmament, vous verrez le Roi des rois qui procède du Père comme un Époux qui sort de la chambre nuptiale » (Ant. Magn.).
Le temps de Fête
Les deux cycles festivaux de l’année liturgique sont construits de la même manière : il y a d’abord une montée qui est la préparation, ensuite un cheminement sur les hauteurs pendant le temps des fêtes, puis une descente dans la plaine pendant le temps où s’achève le cycle. Le temps de préparation du cycle d’hiver est l’Avent que nous venons d’achever. Maintenant que ce temps est achevé, nous restons étonnés devant les richesses de poésie symbolique et dramatique que l’Église a réunies. Intentionnellement nous avons laissé la liturgie elle-même parler dans ses chants et ses leçons, afin de pouvoir admirer cette richesse. Nous pouvons affirmer qu’aucun temps de l’année liturgique ne possède une telle surabondance de cantiques, de versets, de chants. Comme d’une corne d’abondance la liturgie nous verse la profusion variée de ses chants.
Maintenant suit, sans solution de continuité, comme une émanation naturelle de l’Avent, la fête de Noël. Le temps festival des deux cycles a encore ceci de commun qu’il comprend, dans l’un et l’autre cas, deux grandes fêtes, qui sont comme les piles du pont qui supportent tout le temps festival. Dans le cycle d’hiver, nous avons Noël et l’Épiphanie ; dans le cycle d’été, Pâques et la Pentecôte. Il y a cependant une différence entre ces deux couples de fêtes. Pâques et la Pentecôte représentent un développement organique de la même pensée de salut, Noël et l’Épiphanie sont la répétition de la même pensée. La célébration de ces deux fêtes ne s’explique que par des raisons historiques. Noël est la fête de la Nativité de l’Occident et l’Épiphanie celle de l’Orient. L’Occident a adopté l’Épiphanie. et l’Orient Noël. Ces deux fêtes de l’Orient et de l’Occident sont un monument vénérable de l’union qui régnait autrefois entre les deux Églises, union que nous voudrions voir renaître, après une séparation millénaire. L’union malgré toute la différence d’idées et de sentiments !
Les circonstances historiques qui ont fait de ces deux fêtes des doublets nous aideront à comprendre bien des particularités et à résoudre bien des difficultés qui résultent de ce double emploi. Pour nous autres Occidentaux, la fête de Noël paraîtra toujours plus importante que celle de l’Épiphanie, malgré le rang plus élevé de cette dernière. Noël est et demeure notre fête, l’Épiphanie nous touche de moins près. Après quatre semaines où le désir a tendu fortement notre esprit, Noël est le véritable accomplissement de l’Avent. Il faut cependant avouer qu’entre l’Avent et l’Épiphanie la parenté de pensées est plus étroite. Noël est cependant bien la clôture de l’Avent. Il suffit de parcourir les textes de la Vigile. Nous reprenons toujours ce chant : Demain le péché originel sera détruit. Noël est la fête de la Rédemption. Par contre, il nous faut attendre jusqu’à l’Épiphanie pour voir se réaliser la glorieuse visite du Roi dont la pensée domine l’Avent.
D’ailleurs Noël et l’Épiphanie ne sont pas de simples doublets. L’Église Occidentale a reçu de l’Église Orientale sa fête de la Nativité avec son contenu spirituel oriental et elle l’a développée selon son génie propre. Elle l’a magnifiquement fécondée et enrichie. Son regard s’est élevé du cercle historique étroit de la naissance du Seigneur jusqu’à la perspective de la royauté du Christ qui domine les temps. L’Avent de l’Occident et sa fête de Noël ont bénéficié de cet élargissement de vues. Finalement les deux fêtes de la Nativité sont devenues deux solennités distinctes avec un objet indépendant et une progression intérieure. Nous avons désormais quelque chose d’analogue à ce que nous voyons dans le cycle de Pâques. A Pâques le soleil de la Résurrection se lève et éclaire le monde de ses rayons brillants. A la Pentecôte, ce soleil est à son midi et sa chaude lumière crée la vie et la fécondité. A Noël, le soleil de la Nativité se lève sur les plaines de Bethléem, à l’Épiphanie « la gloire du Seigneur » rayonne sur Jérusalem. A Noël nous naissons et renaissons avec le Christ notre frère, à l’Épiphanie le Christ célèbre avec l’Église et l’âme ses noces mystiques. A Noël « le Christ nous est né » ; c’est comme une fête intime de famille à laquelle ne participent que quelques privilégiés avec Marie et les bergers ; à l’Épiphanie, « le Christ nous est apparu », c’est-à-dire il a manifesté son apparition au monde.
Les événements historiques comme la Nativité, l’adoration des Mages, le Baptême ne sont ici que des témoignages et des preuves de ce fait heureux que l’Homme-Dieu est le Sauveur du monde.
Les deux fêtes complètement séparées de Noël et de l’Épiphanie, constituent une première et une seconde solennités. Noël a une vigile que nous avons considérée comme faisant encore partie de l’Avent, ainsi qu’une Octave qui admet, il est vrai, la célébration d’autres fêtes (par exemple : saint Thomas, saint Silvestre) ; cette Octave se clôture par une fête indépendante : la Circoncision de Notre Seigneur. Une particularité de la fête de Noël, ce sont les trois fêtes adjointes (Saint-Étienne, Saint-Jean, les Saints-Innocents). Le dimanche dans l’Octave de Noël a son pendant dans l’Octave après l’Épiphanie, mais originairement il servait de transition entre Noël et l’Épiphanie.
L’Épiphanie a également une vigile : son Octave privilégiée n’admet pas les fêtes de rang moyen, ce qui permet de se consacrer sans distraction à une méditation plus profonde du mystère. Récemment, on a fixé au dimanche après l’Épiphanie la fête de la Sainte-Famille. La messe antique et riche de sens de ce dimanche a été renvoyée à un jour de la semaine. Les progrès de la liturgie feront sans doute disparaître cette anomalie.
Dom Pius Parsch