Parmi les enjeux ecclésiologiques les plus importants du synode, il y a la question de la primauté pontificale, celle de la synodalité*, et, entre les deux, celle de la place des patriarches. La discussion, à Rome même, entre des évêques latins et des évêques orientaux était naturellement une très belle occasion de réfléchir à ces thèmes importants pour l’avenir de l’Eglise romaine d’une part, mais aussi pour l’avenir de l’oecuménisme d’autre part.
Le vaticaniste Sandro Magister a proposé cette synthèse succincte sur quelques interventions décisives à propos du rôle des patriarches:
“Plusieurs voix, au synode, ont donc demandé que les patriarches et les évêques reçoivent l’autorité sur l’ensemble de leurs fidèles, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger**. […]
En ce qui concerne le rôle des patriarcats, la demande que leur soit “restituée” l’autorité qu’ils avaient aux premiers siècles de l’Église, par rapport au pape, a été formulée plusieurs fois au cours du synode. En particulier qu’ils aient davantage d’autonomie pour la nomination des évêques locaux. Et aussi qu’ils soient associés “ipso facto” au collège qui élit le souverain pontife, “sans avoir besoin de recevoir le titre latin de cardinaux”. En un mot, il est demandé que le pape se voie attribuer “une nouvelle forme d’exercice de sa primauté, inspirée des formes ecclésiales du premier millénaire”, le rôle des patriarches étant renforcé. Tout cela visant aussi à rapprocher les points de vue de l’Église catholique de ceux des Églises orthodoxes d’Orient.”
Je n’ai aucune compétence, ni “technique”, ni a fortiori magistérielle, pour m’immiscer dans ces débats. Mais il me semble que nous devrions aller aussi loin que possible dans la reconnaissance de l’autorité des patriarches et, de façon générale, dans la reconnaissance de la large “autonomie” des différentes Eglises orientales, aussi loin que possible dis-je, dans le respect de la primauté pontificale (qui n’est pas moins traditionnelle que l’autorité patriarcale). Selon moi – mais si des lecteurs plus compétents que moi veulent intervenir ou me corriger, qu’ils n’hésitent surtout pas -, le Pape a trois fonctions d’autorité:
1) Il est évêque de Rome.
2) Il est patriarche de l’Eglise latine.
3) Il est le souverain pontife, c’est-à-dire le chef du collège épiscopal (et donc aussi du “collège” patriarcal).
C’est évidemment la portée du troisième point qui est en débat, mais je ne vois pas comment on pourrait renoncer à cette notion de souverain pontificat sans rayer d’un trait de plume, non seulement le deuxième millénaire de l’ère chrétienne au cours duquel s’est approfondie la compréhension du rôle du Pape, mais aussi une bonne partie des enseignements et des pratiques du premier millénaire…
* Je préfère parler de synodalité, même si ce terme est moins utilisé en contexte latin, que de collégialité. La collégialité renvoie en effet trop facilement à une conception juridico-politique “démocratique” qui est évidemment fort éloignée de la nature de l’Eglise.
** Alors qu’actuellement, les patriarches n’ont autorité que sur un territoire et non sur les fidèles de leur Eglise qui ont émigré.
La question posée au synode n’est pas celle que présente Sandro Magister. En fait, les évêques non latins veulent que leurs Eglises soient reconnues dans leur ecclésialité, c’est-à-dire qu’on cesse de les gouverner à la latine et, surtout, que ce ne soit pas les Latins qui les gouvernent. L’autorité du pape n’est pas en cause. Ce qui est en cause, c’est le fait que beaucoup de Latins, ne voyant pas la différence entre Eglise latine et Eglise catholique (universelle) croient détenir un pouvoir de gouvernement sur les Eglises orientales, alors que ce pouvoir appartient au pape, pas à l’Eglise latine.
Evidemment, le fait que Benoît XVI ait “renoncé” à son “titre” de patriarche d’Occident n’aide pas! Sur le fond, c’est aussi risible qu’un premier ministre qui “renoncerait” à son “titre” de coordinateur de l’action gouvernementale. Quant aux effets, cela provoque une confusion encore plus grande dans l’esprit des Latins, en ne permettant plus de distinguer quand le pape agit comme chef de l’Eglise d’Occident et quand il le fait comme chef de l’Eglise universelle.
Il ne s’agit donc pas de revenir au 1er millénaire mais de respecter l’ecclesialité de chacune des Eglises particulières qui composent l’Eglise universelle. “Cum Petro et sub Petro” ne veut pas dire “Cum Petro et sub Ecclesia latina”. Le primat de gouvernement du pape n’est nullement en cause dans la proposition avancée au synode.
Je suis pleinement d’accord avec les suggestions et remarques exprimées par l’auteur de l’article.
Je cite: “le Pape a trois fonctions d’autorité:
1) Il est évêque de Rome.
2) Il est patriarche de l’Eglise latine.
3) Il est le souverain pontife, c’est-à-dire le chef du collège épiscopal (et donc aussi du « collège » patriarcal).”
Complétement absurde! Voila mon commentaire.
Le pape est UNIQUEMENT évêque de Rome, et à ce titre successeur de saint Pierre, et en cette qualité pasteur universel de l’Eglise du Christ, en vertu de cette parole répétée trois fois : “Pais mes brebis”. (Jn 21,15-17).
Où voyez-vous là trois fonctions ? Je n’en vois qu’une.
Le pape a récemment abandonné son titre de Pattriarche d’Occident, qui ne remontait guère qu’à Pie IX et par conséquent n’était pas traditionnel.
Ce titre n’était pas nécessaire.
Que les Patriarches orientaux acquièrent juridiction sur l’ensemble de leurs ouailles, dans le monde entier, c’est contraire au principe de l’unité de juridiction épiscopale, qui était voulue par les premiers conciles, et que les théologiens orthodoxes sont souvent les premiers à réclamer. J’y suis personnellement hostile.
Que les Patriarches orientaux participent au conclave, d’office, sans être cardinaux, cela serait absolument contraire à toute tradition, complétement exorbitant. Cela ne s’est jamais vu. Comment le réclamer au nom d’un retour à la pratique de l’Eglise ancienne, puisqu’elle n’a jamais pratiqué ainsi ? Dans l’antiquité, l’évêque de Rome était élu, comme tous les autres évêques, par son clergé assemblé avec les laïcs. On procédait par acclamation, comme sous la motion du Saint Esprit.
Paul VI avait envisagé un moment cet adjonction des Patriarches, puis y avait renoncé.
Naturellement je ne m’oppose pas a priori à toute évolution, si le pape en décide ainsi. Je veux seulement soulignant le caractère extraordinaire et des propositions envisagées.
Il faut encore tenir compte du risque de schisme et de dislocation de l’unité ecclésiale, si les Patriarches s’émancipent.
Il y a quelques années c’était la mode de souhaiter l’instauration de patriarcats, plus ou moins autonomes, dans tous les pays du monde.
Heureusement que cette idée a fait long feu !
Il n,y aurait pas eu d’affire Gaillot, disait-on. Oui, mais il y en aurait quatre-vingt, ou plus.