Mystères des intelligences et volontés humaine et divine de Jésus
Les évangiles ne disent pas en quel mois est né Jésus : pourquoi cette date du 25 décembre fut-elle retenue ? Pour certains, le seul fondement de la fixation de la date de Noël – étendue à toute l’Église au IVe siècle – serait la christianisation d’une fête païenne. Qu’en est-il réellement ?
Fête chrétienne ou fête païenne : la fête du Sol invictus
La nativité était commémorée dans les premiers siècles – à Jérusalem et plus largement – au 6 janvier. Le choix de cette date, puis de celle du 25 décembre serait lié pour certains à la nécessité de christianiser ou de contrecarrer des fêtes païennes : une fête égyptienne du soleil début janvier, la fête romaine du Sol invictus (« soleil invaincu ») au moment de l’équinoxe d’hiver.
L’argument du Sol invictus, souvent entendu, semble séduisant : à l’équinoxe d’hiver les jours commencent à rallonger, l’instant a été vu par les anciens comme la « renaissance » du soleil, souvent considéré comme un dieu. Il semble cependant que la fête romaine du Sol invictus soit relativement récente, et même plus récente que la fixation chrétienne de la date de Noël : la célébration païenne semble être liée à l’empereur Septime Sévère et son fils Elagabal (218-222). Leur tentative maladroite d’imposer le soleil comme dieu suprême du panthéon impérial irritera le sénat et les notables, au point qu’Elagabal sera assassiné par les prétoriens. Ce culte restera modeste jusqu’au règne d’Aurélien (270-275), qui en fera une arme pour restaurer l’unité de l’empire et asseoir son pouvoir. Par décret impérial, Aurélien fit du soleil une divinité officielle de l’empire et lui fit construire un temple, solennellement dédicacé le 25 décembre 274. Cette célébration fut reprise par l’empereur apostat Julien (358-361) dans sa tentative de faire renaître un culte impérial concurrent de la religion chrétienne.
Est-ce pour concurrencer la liturgie impériale que les chrétiens fixèrent au 25 décembre la célébration de la nativité du Sauveur ?
Célébrait-on déjà Noël à l’époque de Septime Sévère et d’Aurélien ? L’officialisation et l’extension de la date de la fête sous Constantin ne signifie pas que la nativité n’ait pas été précédemment fêtée à la fin de décembre. Vers 202-204 l’écrivain ecclésiastique Hippolyte (175-235) donne déjà dans son commentaire sur Daniel les 25 décembre et 25 avril comme dates possibles pour la naissance et la mort du Christ. À la même époque Tertullien citait le 25 mars comme date de l’Incarnation (Annonciation). Certains suggèrent ainsi qu’Aurélien puis Julien fixèrent la date de la fête du soleil précisément au 25 décembre pour contrecarrer la célébration chrétienne de la nativité.
Un argument en faveur du 25 décembre : le calendrier sacerdotal de Qumran
Saint Luc nous apprend que le Christ est né 6 mois après son cousin Jean-Baptiste, dont la conception intervint peu après le service accompli par son père Zacharie, prêtre de la classe d’Abia, dans le Temple, où eut lieu l’annonciation de l’ange. En 1995, les chercheurs Shemaryahu Talmon et Israel Knohl publiaient une étude sur un calendrier liturgique retrouvé dans la grotte 4 du complexe de Qumran et numéroté 4Q321, identique à celui du premier livre d’Hénoch ou des Jubilés, deux écrits religieux juifs très répandus et influents au Ier siècle. Dans ce calendrier cyclique sur six ans, on trouve l’organisation du service au Temple des 24 classes sacerdotales dans les années 50-25 avant Jésus-Christ. Grâce à un autre rouleau publié en 2001 (noté 4Q328) on a découvert que la classe d’Abia était en charge au troisième trimestre de la troisième année du cycle, au mois de tishri (fin septembre – début octobre). La source correspond bien à la tradition, qui place la conception de Jean-Baptiste au 23 septembre et sa naissance neuf mois plus tard, au 24 juin.
Ces découvertes récentes permettent ainsi d’apporter une confirmation à la formation à la fixation de la date de la nativité au 25 décembre.
Datations d’après la tradition
La liturgie témoigne de la pertinence des dates retenues par la tradition pour la célébration des mystères de l’Incarnation : du 23 septembre (conception de saint Jean-Baptiste) au 25 décembre. On peut y ajouter une raison supplémentaire, parfois rapportée par les Pères de l’Église.
À l’autre extrémité de la vie du Christ, on a essayé de déterminer la date de la crucifixion, soit le 14 Nisan (veille de la Pâque), qui aurait pu correspondre à un vendredi 25 mars. Les Pères ont aimé penser que le Christ aurait vécu un nombre parfait d’années (33 selon la tradition), serait mort un 25 mars, et aurait par conséquent été conçu un 25 mars dans le sein virginal de Marie, et serait né un 25 décembre.
Abbé Jean de Massia, FSSP