Alors que la campagne électorale 2022 démarre, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France publie “L’espérance ne déçoit pas”. Les dix évêques proposent aux citoyens, aux catholiques et à ceux qui voudront bien le lire, quelques repères de discernement sur la vie sociale et politique. L’Église souhaite ainsi contribuer à la réflexion qui alimentera les débats nécessaires au vote de la prochaine Présidence de la République.
Ou pas.
De fait, le texte n’est pas accessible sur le site de la Conférence épiscopale, lequel propose d’acheter le document !
Certes, le prix est modique, moins de 5 euros, mais c’est à se demander si la CEF souhaite réellement que ce texte soit lu. “L’Espérance ne déçoit pas”, mais la CEF si.
Mgr Rougé a été interrogé ce matin sur Europe 1. Le voici ici :
La presse relaie certaines citations de ce texte. En voici quelques unes :
« Comment ne pas être étonnés, s’interrogent les évêques, et profondément attristés de voir se conjuguer parfois, de façon totalement contradictoire, la tentation de l’euthanasie avec une certaine surenchère sanitaire ? »
« Nous, catholiques, ajoutons que l’écologie doit être intégrale […]. Comment se réclamer du principe de précaution sans veiller à ne pas déstabiliser la condition humaine par des trucages juridiques ou des manipulations biologiques ? »
« Notre rapport à l’Histoire ne peut pas se transformer en regard anachronique unilatéralement négatif sur le passé. »
« Les évêques que nous sommes ne sortent pas de leur rôle en encourageant les chrétiens à exercer pleinement leurs responsabilités de citoyens, c’est-à-dire d’électeurs et d’acteurs du bien commun. Pour autant, nous ne donnons ni ne donnerons de consignes de vote, encourageant plutôt chacun à voter en conscience à la lumière des critères de discernement qu’enseigne le Magistère de l’Eglise et que nous rappelons dans ce texte. Nous traversons des temps rudes et périlleux. Les échéances qui approchent seront cruciales. Mais la peur est toujours mauvaise conseillère. C’est l’espérance qui ouvre le chemin des choix courageux et salutaires.»
« Le premier confinement a été scandé par le souci de « sauver des vies », au risque d’oublier parfois que toute personne humaine a besoin de relations d’amitié et d’affection mais également de nourrir la dimension spirituelle de sa vie. Pour les chrétiens, la grandeur d’une société est d’aider tous ses membres à respecter la vie et la dignité de tous et en particulier des plus fragiles. Comment ne pas être étonnés et profondément attristés de voir se conjuguer parfois, de façon totalement contradictoire, la tentation de l’euthanasie avec une certaine surenchère sanitaire. La voie authentiquement humaine, celle qui contribue en profondeur à la paix, ne peut consister ni dans l’acharnement thérapeutique ni dans le recours à l’euthanasie : elle exige le respect et l’accompagnement attentif et bienveillant de chaque personne à tous les stades de son existence. Il faut souhaiter un développement plus ambitieux des soins palliatifs dans notre pays : ce sera un signe clair qui parlera à tous.»
« Sauver des vies », comme notre société en a éprouvé le réflexe à approfondir à la faveur de la crise sanitaire, c’est aussi accueillir la vie naissante avec respect et émerveillement. La volonté d’allonger toujours davantage les délais d’autorisation d’interruption volontaire de grossesse constitue une violence de surcroît à l’égard de la société tout entière, en particulier à l’égard des personnes les plus fragiles ou handicapées. »
« A l’inverse, toutes les initiatives d’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde scolaire ou le monde du travail contribuent à la santé de l’ensemble de notre société. Le mot d’ordre biblique : « choisis la vie » (Deutéronome 30, 19) constitue également une salutaire maxime politique.»
« Le débat sur la « loi confortant le respect des principes de la République » a mis en évidence une tentation : celle de porter atteinte, par souci de la sécurité, à la liberté d’expression, d’association, d’éducation, voire de culte, et à l’égalité des citoyens, qu’ils soient ou non croyants. De plus, l’omniprésence des moyens numériques pose de nouvelles questions de respect des libertés. Il n’y aura pas d’égalite et de fraternité authentiques ni même de sécurité véritable et durable sans respect scrupuleux de la liberté des personnes. »
« Le dénigrement systématique des cultes ne parvient qu’à susciter du religieux refoulé, potentiellement violent. Il est parfois plus facile pour les législateurs de débattre des religions à coups de formules à l’emporte-pièce que d’assumer pleinement les fonctions d’abord régaliennes et sociales de la Puissance publique. Les religions peuvent toujours être instrumentalisées par la violence qui habite le cœur humain et le mouvement fondamental de la religion ne peut se ramener à une quête d’identité particulière : il doit être suscité par la recherche de Dieu, du bien, du vrai et du beau. »
« La crise climatique qui menace la vie sur notre planète appelle une transformation écologique. Le monde occidental a créé depuis la révolution industrielle une société d’abondance, voire de surabondance, dont le moteur est devenu la consommation. Le confinement du printemps 2020 nous a fait découvrir non seulement l’urgence d’une évolution de notre système de production et de nos modes de consommation, mais aussi la possibilité d’un autre mode de vie, plus sobre, moins centré sur la consommation mais faisant toute leur place aux relations interpersonnelles. Au moment où les élections offrent la possibilité de définir un nouveau projet collectif, il doit être clair qu’il ne suffit pas d’améliorer notre système de production et notre manière de consommer : il s’agit de travailler à les transformer profondément pour chercher comment produire ce dont nous avons besoin sans pour autant encombrer la terre de déchets ni épuiser ses ressources au risque d’en priver les générations à venir. »
« Nous, catholiques, ajoutons que l’écologie doit être « intégrale ». Elle ne comprend pas seulement l’environnement de l’humanité, mais aussi la manière dont l’humanité se traite elle-même. Comme l’affirme le pape Francois, « l’écologie intégrale est inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale » (Laudato si’, 56). Parmi les conditions sociales qui contribuent au bien commun et donc à l’écologie intégrale, il faut citer : le respect de la structure familiale et de la vérité de la filiation, la lutte contre la misère, l’habitat indigne et les conditions de vie dégradantes, le refus de tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine, y compris l’esclavage dont la pratique perdure en certains pays. »
« La construction européenne, si emblématique d’un combat remporté contre les tentations d’affrontement et de guerre, doit être constamment revue pour ne pas tomber dans l’impuissance, la dérive libertaire, l’excès technocratique, le renoncement à promouvoir de vraies valeurs morales, au risque de contribuer à susciter des replis nationalistes. Les appels prophétiques du pape Francois en faveur des personnes migrantes engagent les sociétés les plus développées à adopter des comportements d’humanité et de générosité. Il ne s’agit pas de nier la légitimité de la régulation juridique des flux migratoires, mais de veiller à ce que personne ne prenne son parti des drames humanitaires qui se produisent constamment sous nos yeux ou à quelques encablures de nos côtes.»