Anne-François de Bretagne évoque dans la lettre de Paix Liturgique, le diocèse de Nantes où Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, vient d’être nommé. Extraits :
[L]a Loire-Atlantique est un département breton magnifique, mais il risque aussi de découvrir ce que ses prédécesseurs et les cadres du diocèse mettaient tant d’attention à cacher et il risque de ne pas être déçu… l’incendie de la cathédrale par un bénévole qui avait les clés bien qu’il était migrant clandestin, en situation irrégulière, témoigne qu’il y a clairement des choses qui ne tournent pas rond… ou qui tournent, mais sans respecter les lois et la plus élémentaire prudence. On peut aussi se rappeler le licenciement, le 22 février 2019, du directeur de l’enseignement diocésain de Nantes Philippe Cléac’h, un mois après sa mise en examen le 24 janvier dernier pour avoir… fait circuler de la cocaïne lors de soirées privées. Ça fait désordre…
Paix Liturgique : d’autres découvertes plus étranges sont possibles ?
Certainement ! Par exemple le recyclage au sein des services diocésains de prêtres qui ont fauté et qui auraient du, normalement, être renvoyés de l’état clérical et livrés à la justice… Ou encore le fait que le bazar ne date pas d’hier : en 1998 déjà les professeurs du lycée Saint-Stanislas, qui a toujours été le navire amiral de l’enseignement catholique nantais, remettaient en cause les compétences de leur directeur Dominique Pervenche, ex-adjoint au maire de la dernière municipalité de droite à Nantes (Michel Chauty) après la fuite de près de 10% des effectifs en un an, 130 garçons sur 1200. D’ailleurs il a quitté son poste en cours d’année suivante : le diocèse a fait comme si de rien n’était, trouvé un directeur, bouché les trous et continué – c’est un mode de fonctionnement qui est hélas resté. Quand il y a un problème, on fait comme si de rien n’était, on efface les traces et on continue.
Paix Liturgique : il y a d’autres diocèses qui se transforment volontiers en ONG pro-migrants ?
Anne François de Bretagne : bien sûr. Dernièrement, on peut citer Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes – dont Nantes est un diocèse suffragant – qui il y a quelques années voulait mettre les catholiques traditionnels à la rue mais qui n’a pas hésité, après l’occupation de l’église Saint-Sauveur le 14 juillet, à donner une salle paroissiale rue Saint-Yves du 14 juillet au 15 août pour héberger plusieurs familles migrantes, mais aussi une dizaine de migrants majeurs pourtant déboutés du droit d’asile et expulsables. Cela a d’abord été annoncé « pour deux nuits » puis ensuite « pour héberger des sans-abris ». Pendant ce temps Rennes compte, hiver comme été, des dizaines de sans-abris qui ne peuvent compter sur la générosité de l’Eglise, peut-être parce qu’ils sont trop locaux pour être aidés ? En 2018 après l’occupation un bref moment de la cathédrale par des militants d’extrême-gauche et des migrants, le diocèse avait déjà prêté deux de ses logements pour quatre jours, et en 2015 Mgr d’Ornellas appelait chacune des 77 paroisses à recevoir au moins une famille de migrants.
On peut aussi citer Mgr Moutel, évêque de Saint-Brieuc, qui en janvier 2019 se glorifiait du fait que la maison Saint-Yves serve de point d’appui aux migrants et que le diocèse accompagne « un maximum de migrants ». Souvent, les diocèses oublient les autres précarités en se concentrant sur le « saint migrant », aussi d’ailleurs pour une question de gros sous (qui manquent, ici dans l’Ouest comme ailleurs, même s’il reste le maillage de l’enseignement diocésain, du sport, des paroisses un peu moins regroupées qu’ailleurs…) : en héberger, avoir des activités pour leur permettre des cours de français, laver leur linge, manger… c’est obtenir des subventions des collectivités locales ou de l’Etat.
Paix Liturgique : il y-a-t-il d’autres paroisses ou diocèses qui confient aux migrants l’entretien des églises, voire les clés, avec peu ou pas de contrôle ?
Anne François de Bretagne : hélas, oui. Autour de Nantes, il y a des migrants dispatchés dans plusieurs paroisses qui s’occupent de l’entretien des églises, voire ont accès aux clés. Dans Nantes, les migrants qui s’occupaient de la cathédrale – une dizaine en tout, avec un contrôle très relâché – intervenaient aussi à Saint-Nicolas et Sainte-Croix, deux autres églises historiques du centre-ville, mi-19e pour l’une, fin 17e-19e pour l’autre. On ignore s’ils en avaient les clés. Mais c’est un peu partout comme cela , par exemple à Toulouse, des migrants s’occupent de l’entretien de certaines églises, mais ne semblent pas avoir accès aux clés. Et ce sans oublier toutes les variations des pastorales de migrants (Saint-Bernard de la Chapelle, paroisse de Meyzieu, diocèse du Mans, Saint-Gabriel de Vaise etc.) qui vont souvent bien plus loin que des cours ou des ateliers cuisine… Le bénévolat des migrants en paroisse a même fait l’objet d’une thèse, c’est dire qu’il ne s’agit pas d’un phénomène marginal !
Paix Liturgique : tout cela se fait sans grand contrôle de la part des autorités, et même des paroisses ?
Anne François de Bretagne : exact. Les autorités – la mairie, ou l’Etat pour les cathédrales, les DRAC (directions régionales de l’architecture et du patrimoine), les STAP (services territoriaux d’architecture et du patrimoine) pour les monuments classés ne sont souvent pas prévenues. C’est un peu mieux pour les cathédrales où l’Etat est souvent amené à intervenir et où il y a habituellement un ou deux responsables qui a les clés, mais on a vu qu’à Nantes les mesures de sécurité habituelles ont été largement contournées par la paroisse, puisque les bénévoles se passaient les clés de main en main, sans guère de contrôle…
Paix Liturgique : pourtant, d’après les informations qui ont filtré sur l’incendiaire dans la presse rwandaise, le profil du bénévole qui avait les clés de la cathédrale de Nantes et de l’orgue était plutôt inquiétant ?
Anne François de Bretagne : on peut en effet se demander d’une, pourquoi toutes ses démarches pour avoir un titre de séjour n’ont pas abouti, malgré un profil plutôt favorable de prime abord (intégré socialement, chargé de l’entretien d’un lieu emblématique, disposant d’un hébergement, le Rwanda n’est en outre pas un « pays sûr » en droit d’asile français), et de deux, pourquoi sa paroisse et son diocèse ne se sont pas « mouillés », même de manière informelle, pour l’aider dans ses démarches… ce qu’il leur reprochait dans ses mails peu avant l’incendie de la cathédrale. A la lumière des informations parues dans la presse rwandaise, tout s’éclaire…
Paix Liturgique : qu’est-ce qu’on y apprend ?
Anne François de Bretagne : Dans une publication très documentée sur le site du mouvement Abaryankuna (lancé en 2010-11, plutôt d’opposition après plusieurs arrestations en 2014, relancé en 2018 et qui s’est donné pour mission de réconcilier les rwandais au pays et ceux qui ont quitté le pays en plusieurs vagues depuis 1959), on apprend que la communauté rwandaise de France, une association loi 1901 réputée proche du régime autoritaire en place au Rwanda, s’est très vite distancée de l’incendiaire dans un communiqué : « la Communauté Rwandaise de France tient à préciser que cette personne est totalement inconnue en son sein. Elle ignore dès lors son parcours de vie et ses motivations ». Une démarche assez étonnante : verrait-on une association de géorgiens en France se distancer lors de l’arrestation d’une équipe de cambrioleurs géorgiens ou l’état algérien dénoncer les auteurs (nés en France de parents algériens, et dont le mentor était algérien) des attentats contre Charlie Hebdo ?
Plus étonnant, la CRF alerte sur d’autres ressortissants réfugiés en France après avoir été en délicatesse avec la justice rwandaise :
« D’ailleurs depuis plusieurs années, elle ne cesse d’alerter les autorités sur la présence en France d’individus potentiellement dangereux qui, après s’être rendus coupables des crimes les plus graves, ont fui le Rwanda ou les pays voisins du Rwanda pour échapper à la justice […]Quelques cas récents comme l’arrestation d’un génocidaire présumé ou encore la très récente procédure engagée contre un autre sont la preuve que le phénomène est très vaste et que l’alerte de la CRF devrait être prise plus au sérieux ».
Paix Liturgique : Et qu’apprend-on sur l’incendiaire, Emmanuel Abayisenga ?
Anne François de Bretagne : C’est pour répondre à ce communiqué que Abaryakunga fait plusieurs révélations sur l’incendiaire :
« Emmanuel Abayisenga a été policier sous le régime de Paul Kagame. mmanuel Abayisenga a quitté le Rwanda en 2010 pour le Malawi où il est resté pendant plusieurs mois. Nos sources nous ont indiqué qu’il a eu des problèmes personnels avec des personnes au Malawi et ce serait elles qui ont lancé la rumeur sur les activités d’espionnage du jeune homme et ce par pure vengeance. Une photo d’un enfant soldat a circulé et l’on lui a attribué l’identité. En principe les demandeurs d’asile rwandais obtiennent leur statut de réfugiés politiques en France car les exactions et les violations des droits de l’Homme commis par Paul Kagame et son régime sont bien documentés en France. De lors pour cette communauté la non obtention du statut de réfugié politique du jeune homme pouvait être expliqué par son statut d’espion pour le compte de Kigali ».
Cependant, « des connaissances ou anciens collègues d’Abayisenga nous ont contacté pour « informer » et « mettre fin aux rumeurs » sur qui est vraiment Abayisenga. « Abayisenga n’est pas un traitre (ikigarasha) comme le sous-entendent ceux du côté du pouvoir rwandais ni un espion (intore) comme le sous-entendent les réfugies ou anciens réfugiés », nous a raconté Kayitare, un ancien policier », explique encore Abaryakunga, qui précise avoir changé l’identité de sa source.
« Abayisenga a déserté la police comme de nombreux policiers, il occupait le poste de SJIPO (Sergent Judicial Intelligence Police Office) chargé de mener les enquêtes à Nyarugenge (centre de Kigali).Sur le passé d’enfant soldat d’Abayisenga Kayitare nous a confirmé cette information tout en nous en indiquant qu’il a commencé comme enfant soldat, après il a fait partie de la gendarmerie (lorsque le FPR a fusionné la police municipale et la gendarmerie en 2000). Abayisenga est sorti dans la troisième promotion des policiers formés après cette fusion. »
Sur le site rwandais Veritas.info, en rwandais, on trouve d’autres informations sur ses missions d’espionnage réélles ou supposées : « Emmanuel a rejoint l’armée FPR-Inkotanyi à un très jeune âge, et a ensuite été muté à la police comme sergent du renseignement judiciaire. En 2010, il a été envoyé en mission pour espionner les réfugiés fuyant vers l’Afrique du Sud, en particulier les réfugiés au Malawi. En 2012, il a été envoyé en mission en Europe, arrivant en France en décembre 2012 avec un passeport délivré aux fonctionnaires rwandais […] à Nantes il évitait de rencontrer les rwandais qui y vivaient ». Certaines publications rwandaises vont même jusqu’à prétendre que l’incendie de la cathédrale aurait fait partie de sa mission d’espion ! On nage en eaux très troubles…
Paix Liturgique : Ancien policier déserteur, des problèmes au Malawi, des rumeurs d’espionnage… est-ce qu’on lui aurait donné les clés de la cathédrale de Nantes si l’évêché ou la paroisse avait eu toutes ces informations ?
Anne François de Bretagne : Probablement non. Ce qui montre qu’il est utile d’en savoir un peu plus sur ceux à qui on confie les clés d’une cathédrale, comme on le fait pour ceux à qui on confie les clés d’un hôpital ou d’un commissariat. Le diocèse de Nantes a appris à ses dépens – la cathédrale nécessitera trois ans de travaux et ne sera rouverte qu’en partie, dans plusieurs mois – et à ceux du contribuable – il faudra plusieurs millions d’euros pour reconstruire l’orgue, la tribune et la grande verrière occidentale – combien il est risqué de confier les clés à quelqu’un qui s’est avéré être une véritable bombe à retardement humaine. Et combien il en coûte de ne pas avoir tenu compte de la détresse humaine – dans son courrier, il avertissait de son acte à venir mais personne n’en avait rien à faire. Pour des gens qui donnent des leçons de morale à longueur de temps sur l’accueil et l’écoute de l’Autre, ça la fiche mal.
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